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Effectif depuis le 1er janvier, le développement professionnel continu est désormais une obligation annuelle pour tous les soignants. En principe. Car les établissements découvrent encore ce nouveau dispositif. Le point sur les questions en suspens.
Ferait-on de la prose sans le savoir ? », s’interroge, ironique, le président du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI-CFE-CGC) Thierry Amouroux. La prose de M. Jourdain, c’est, ici, le développement professionnel continu (DPC), effectif depuis le 1er janvier 2013, mais, en réalité, encore en période transitoire. Ce nouveau dispositif prend la suite de la formation continue, qui s’imposait déjà aux infirmières, et de l’évaluation des pratiques professionnelles, souvent menée par les établissements dans le cadre de la certification. Principale nouveauté : il est désormais obligatoire, chaque année, pour tous les professionnels de santé, libéraux ou salariés.
La gestation du DPC a été longue : il émane de l’article 59 de la loi HPST de 2009. Ce n’est que le 30 décembre 2011 qu’est paru le décret relatif au DPC des professionnels paramédicaux. Un an plus tard, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié les « méthodes et modalités de DPC ». Puis, le 26 février, est sorti l’arrêté indiquant les orientations nationales du DPC pour l’année 2013. « L’essentiel du corpus réglementaire est paru, nous sommes prêts », se félicite aujourd’hui Emmanuelle Quillet, présidente de l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH). Elle admet, cependant, que « 2013 sera une année de montée en charge ».
En principe, c’était au 1er janvier 2013, mais, pour l’heure, l’objectif est impossible à atteindre : selon l’ANFH, seuls 56 % des personnels de la fonction publique hospitalière (FPH) reçoivent une formation annuelle. « Il a été prévu une augmentation du nombre des professionnels formés annuellement de l’ordre de 20 à 45 %. Les employeurs de la FPH ont cinq ans pour vérifier si l’obligation annuelle a bien été respectée », indique l’Organisme gestionnaire du DPC (OGDPC). Même si les textes n’évoquent pas spécifiquement leur cas, le DPC concerne également les intérimaires, qui doivent se rapprocher de leur employeur, établissement ou agence d’intérim.
Que risquent les professionnels de santé qui n’auront pas satisfait à cette obligation ? « Les textes prévoient un programme d’accompagnement pour ces professionnels, poursuit l’OGDPC. Aucune sanction n’est envisagée. Nous n’en sommes pas là. »
Petits et grands, tous ceux que nous avons contactés ont refusé de répondre à nos questions. « Le sujet est nouveau pour notre établissement et n’est pas encore suffisamment maîtrisé », a, par exemple, expliqué la direction du CH de Saint-Maurice (Val-de-Marne). Même refus à l’AP-HM. La présidente de l’ANFH, Emmanuelle Quillet, veut rassurer : « C’est vrai, les établissements n’ont pas tous encore vraiment commencé à travailler sur le sujet. Mais, à l’hôpital, le passage de la formation continue au DPC n’est pas un si grand saut pour les paramédicaux. Les formations dispensées jusque-là étaient déjà qualitatives. »
C’est l’esprit même du DPC. Selon la HAS, il doit associer « l’analyse des pratiques professionnelles » et « l’acquisition/perfectionnement des connaissances/compétences ». Surtout, « l’obligation désormais commune à tous les professionnels de santé doit pousser au développement de programmes pluriprofessionnels », insiste Jean-François Thébaut, membre du collège de la HAS et président de la commission amélioration des pratiques professionnelles et de la sécurité des patients. La « gestion des risques en équipe » fait, par exemple, partie des « méthodes et méthodologies du développement professionnel continu » établies par la HAS. « Dans la moitié des cas, les événements indésirables sont dus à des problèmes de communication dans les équipes », commente Jean-François Thébaut.
Côté analyse des pratiques professionnelles – obligation nouvelle pour les infirmières –, les hôpitaux peuvent faire valider des actions déjà largement pratiquées, notamment dans le cadre de la certification : « L’essentiel du travail va donc consister à les recenser », explique Emmanuelle Quillet. « Il ne faudrait pas qu’on nous explique qu’une simple réunion de service entre deux portes vaut un DPC », met en garde Thierry Amouroux. Selon la HAS, une revue de morbidité et de mortalité – c’est-à-dire une analyse de cas après la survenue d’un événement indésirable – peut entrer dans le cadre du DPC. La Haute Autorité propose également des méthodes nouvelles, comme celle du « patient traceur », dont l’avis est recueilli et le parcours de soins analysé étape par étape.
Le nombre des organismes s’étant enregistrés auprès de l’OGDPC s’élève à 1598, et 307 d’entre eux proposent des programmes pour les infirmières. Parmi eux, on peut retrouver les précédents organismes de formation continue des professionnels de santé, qui bénéficient d’une « réputation d’évaluation favorable ». Beaucoup d’établissements de santé se sont également enregistrés pour la première fois, dans le but de faire valider leurs évaluations des pratiques professionnelles.
La tâche d’évaluer les organismes de DPC revient à la commission scientifique du Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP). Lui aussi est en cours d’installation : « Nous nous sommes réunis quatre fois. Nous avons défini une méthode de travail. Et nous allons nous répartir les dossiers. Nous allons travailler à partir des critères de la HAS, qui sont exigeants et précis », indique Édouard Couty, président du HCPP. Le syndicaliste Thierry Amouroux regrette qu’aucune infirmière salariée ne soit présente au conseil scientifique : seuls des libérales y siègent. Il souligne également que les moyens alloués au DPC sont les mêmes que ceux dédiés jusqu’ici à la formation continue : 2,1 % des rémunérations inscrites aux budgets des établissements, soit 750 millions d’euros par an pour l’ensemble de la FPH. « Les financements pour les paramédicaux sont importants, bien supérieurs à ceux des médecins, assure Jean-François Thébaut. Les ressources sont rares, et doivent être utilisées de la manière la plus pertinente, à l’intérieur des établissements, au plus près des malades, dans l’exercice quotidien des équipes. »
« Les agences régionales de santé peuvent compléter les orientations nationales par des orientations régionales spécifiques, en cohérence avec leur projet régional de santé », indiquent les textes. Mais les six orientations nationales pour 2013 ne sont parues que le 26 février, et elles sont très larges : elle prévoient, par exemple, « l’amélioration de la prise en charge des patients » ou encore « l’amélioration de la relation entre professionnels de santé et patients ». « De nombreuses agences vont sans doute se limiter à ces orientations », prévoit Marie-Jeanne Choulot, chef de projet sur la formation initiale et continue à l’ARS Franche-Comté. De son côté, l’OGDPC donne l’exemple de la prévention du chikungunya à la Réunion comme probable orientation régionale.