L'infirmière Magazine n° 321 du 15/04/2013

 

PERSONNES DÉPENDANTES

DOSSIER

Si les avancées technologiques contribuent à améliorer le quotidien des personnes dépendantes, cela ne suffit pas. Le Collectif inter-associatif d’aide aux aidants familiaux (Ciaaf) veut une meilleure reconnaissance des aidants.

À l’heure où les prouesses technologiques rythment l’évolution de la société, la place des systèmes robotiques ou automatiques paraît inévitable dans le quotidien des personnes en perte d’autonomie. Les applications ne manquent pas : motorisation de portes, télécommandes en tout genre, interfaces tactiles pour les déficients visuels, assistance robotique dans la cuisine, pour le ménage ou l’écriture… Les entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies multiplient les offres dédiées au secteur du handicap et de la dépendance. Si bien que le monde de la formation s’y met aussi. L’université Paris-8 propose même un master spécialisé en technologies et handicap. À travers les réseaux de communication, la télématique, l’informatique ou la neurophysiologie, ce diplôme vise à former des chercheurs œuvrant pour la mise en place de solutions destinées aux personnes handicapées physiques et sensorielles. Face à cette nouvelle segmentation de l’économie, Jean-Marie Barbier, président de l’Association des paralysés de France (APF) et membre fondateur du Collectif inter-associatif d’aide aux aidants familiaux (Ciaaf), se montre très positif. « À l’APF, nous avons monté, il y a quinze ou vingt ans, un centre de ressource chargé d’examiner tous les nouveaux matériels. Nous vérifions ainsi si les personnes en situation de handicap peuvent se les approprier », décrit-il. Il s’agit donc d’une veille. Pour autant, la montée fulgurante des nouvelles technologies ne peut remplacer la présence humaine. En atteste l’enquête publiée en août 2011 par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), selon laquelle 93 % des bénéficiaires de la prestation de compensation de handicap (PCH) ont recours à l’aide humaine. Parmi ces derniers, « 50 % reçoivent un soutien de la part d’un aidant familial, 25 % recourent à un prestataire, 14 % à un emploi direct, 2 % à des forfaits et 2 % à des mandataires ». La place occupée par les aidants familiaux paraît si importante aux yeux de certaines associations de malades que plusieurs se sont regroupées pour les défendre. Ainsi le Collectif inter-associatif d’aide aux aidants familiaux (Ciaaf) plaide-t-il pour la reconnaissance de leur statut, à travers un manifeste publié depuis septembre 2011. « Il est nécessaire de se pencher sur les limites qu’atteignent ces très nombreux proches dont l’aide dépasse la simple solidarité familiale, écrit-il. Leur tâche est sous-évaluée, bien qu’elle soit d’un grand apport pour la société et le système de santé. »

Cinq euros de l’heure

L’APF ne relâche pas ses efforts pour obtenir une reconnaissance et une rémunération des aidants. « Ils sont payés au lance-pierres, fulmine le président de l’association. Et ce, alors que les personnes sont elles-mêmes amenées à s’arrêter de travailler. On accorde un plus de 5 euros de l’heure à l’aidant familial, tandis que pour le professionnel embauché, en fonction des aides déterminées par le département, cela revient très vite à 25 euros de l’heure. » Cependant, cela ne répond pas à tous les besoins. L’utilisation des moyens technologiques et le temps de présence des professionnels ne suffisent pas toujours à assurer certains gestes du quotidien. Qu’en est-il, par exemple, s’il faut effectuer des actes infirmiers pendant la toilette ? « Nous demandons une délégation de certains actes, commente Jean-Marie Barbier. Nous proposons de confier cela, après une formation adéquate, soit à l’auxiliaire de vie, soit à l’aidant familial. Je pense, notamment, à la pose de canule ou à certains sondages. » Ce genre de débordement se pratique déjà. Ce qui pose de réels problèmes en termes de responsabilités si un accident survient. Selon le président de l’APF, « la situation est plus catastrophique à l’hôpital qu’à domicile. Les établissements manquent de personnel, qui, de toute façon, n’est pas formé par rapport au handicap. Sans compter les moyens inadaptés. Cela peut provoquer des catastrophes. Certaines personnes repartent moins autonomes qu’elles n’étaient arrivées. »

Une présence incontournable

En témoigne Andrée Rekah, dont le fils, âgé de 51 ans, atteint d’une sclérose tubéreuse de Bourneville, une maladie rare affectant les fonctions cardiaques, cérébrales et rénales, a besoin d’une aide quotidienne. Cette mère de famille n’a d’ailleurs jamais travaillé, afin de pouvoir s’en charger. Même à 85 ans, elle refuse d’hospitaliser son enfant. « La dernière fois que j’ai accepté, il avait perdu toutes ses facultés, confie-t-elle. Il n’arrivait plus à manger ni à aller aux toilettes. J’ai mis un an à le récupérer ! » De même, Nicolas Lintanff, président de l’Association de patients hémodialysés à domicile (APHD), reconnaît l’incontournable besoin d’une présence à ses côtés. « Je suis assez autonome malgré l’insuffisance rénale dont je souffre depuis ma naissance, explique-t-il. Mais il me serait impossible de bénéficier de mon traitement chez moi s’il n’y avait pas mon épouse. Ne serait-ce que pour alerter les secours en cas d’accident. » Reste à trouver la perle rare. Car, selon Jean-Marie Barbier, il est de plus en plus difficile de trouver des aidants, 10 000 emplois ayant été supprimés dans ce secteur depuis deux ans. « Or, ce n’est pas digne de lever une personne à 10 heures du matin et de la coucher à 16 heures ! C’est acceptable si elle a 95 ans, mais pas si c’est un jeune handicapé de 25 ans, qui a besoin d’une vie sociale… »

AIDE HUMAINE

Quels intervenants ?

Selon les règles fixées par le législateur, l’aide humaine consiste à fournir une surveillance régulière ou de l’aide d’une tierce personne pour les actes essentiels de l’existence : entretien personnel (habillage, alimentation, élimination, toilette), déplacements intérieurs ou extérieurs au logement, participation à la vie sociale. En fonction du type d’intervenant, le tarif appliqué pourra varier.

→ Pour les aidants familiaux, les textes prévoient un dédommagement de 3,55 € par heure ou 5,33 € s’ils renoncent partiellement ou totalement à leur activité professionnelle.

→ Quant à l’emploi direct, il est rémunéré à hauteur de 11,99 € de l’heure.

→ Les mandataires bénéficient de 13,18 €.

→ Pour les prestataires, en cas d’agrément, le tarif dépend du montant fixé par convention.

→ Pour les autres, le prix s’élève à 17,59 €. Selon Jean-Marie Barbier, président de l’Association des paralysés de France (APF), « malgré un texte de loi qui prévoit un accompagnement à la vie sociale, on n’arrive pas à le faire identifier de façon incompressible. Il y a 75 départements qui disposent de services appropriés. Mais cela pose encore problème dans une dizaine d’autres. »

BIBLIOGRAPHIE/WEBGRAPHIE

→ Livres

« Évolution des prestations compensatrices du handicap de 2006 à 2012 », série « Études et résultats », Drees, n° 829 – janvier 2013.

« L’implication de l’entourage et des professionnels auprès des personnes âgées à domicile », série « Études et résultats », Drees, n° 771 – août 2011.

« Une approche de l’autonomie chez les adultes et les personnes âgées », Premiers résultats de l’enquête Handicap-Santé 2008, série « Études et résultats », Drees, n° 718 – février 2010.

« Personnes âgées dépendantes et aidants potentiels : une projection à l’horizon 2040 », série « Études et résultats », Drees, n° 160 – février 2002.

→ Sites

www.aidants.fr, site de l’Association française des aidants.

www.francealzheimer.org site de l’association France Alzheimer, organisme de formation agréé depuis plus de vingt ans.