L'infirmière Magazine n° 321 du 15/04/2013

 

FORMATION CONTINUE

IATROGÉNIE AU QUOTIDIEN

1. DESCRIPTION DU CAS

M. F., patient de 70 ans, est amené aux urgences pour coma. À l’examen, le patient est obnubilé, couvert de sueurs, le pouls est à 90/min, la tension artérielle à 140/70 mmHg, la température à 37 °C. L’auscultation cardiaque est normale, l’examen neurologique retrouve un myosis bilatéral. L’interrogatoire de sa fille nous apprend que le patient est traité pour un diabète par Daonil(r) (glibenclamide), 2 cp/j.

La réalisation d’une glycémie capillaire diagnostique un coma hypoglycémique.

Une ordonnance retrouvée dans les papiers du patient indique, que depuis récemment, il est également traité par Timoptol(r) 0,25 % (timolol) collyre (1 goutte, deux fois par jour) pour une hypertension intraoculaire.

QUE S’EST-IL-PASSÉ ?

L’hypoglycémie est un des effets indésirables majeurs du Daonil(r) (antidiabétique oral de la famille des sulfamides hypoglycémiants). Elle est le résultat de l’action hypoglycémiante du glibenclamide et survient lorsque les doses ne sont pas adaptées à l’état métabolique du patient (régime alimentaire, exercice physique et autres facteurs qui influencent le métabolisme).

Dans le cas de M. F, les symptômes de l’hypoglycémie, notamment les palpitations et la tachycardie, ont probablement été masqués par l’effet du Timoptol(r) (antiglaucomateux de la famille des béta-bloquants non cardiosélectifs).

En effet, la plupart des bêtabloquants non cardiosélectifs augmentent l’incidence et la sévérité de l’hypoglycémie, même s’ils sont administrés sous forme de collyre. Il s’agit donc ici d’une hypoglycémie iatrogène

2. SULFAMIDES HYPOGLYCÉMIANTS : RAPPELS

Classe thérapeutique

Le glibenclamide est un sulfamide hypoglycémiant à durée d’action moyenne qui stimule la sécrétion de l’insuline en se fixant sur des récepteurs spécifiques au niveau de la cellule â des îlots de Langerhans du pancréas.

Indications

Il est indiqué pour la prise en charge d’un diabète de type 2 non compliqué, non insulinodépendant, en association au régime adapté, lorsque celui-ci ne suffit pas à rétablir à lui seul l’équilibre glycémique.

Posologie

Comme pour tout agent hypoglycémiant, les posologies doivent être adaptées à chaque cas particulier. La posologie maximale (3 cp/j) doit être atteinte progressivement et le patient ne doit pas l’augmenter.

Contre-indications

Elles sont les suivantes :

– Hypersensibilité au glibenclamide, à d’autres sulfonylurées ou sulfonamides, ou à l’un des excipients utilisés.

– Grossesse, allaitement.

– Diabète de type 1.

– Insuffisance rénale et hépatique.

Précautions d’emploi

Le traitement doit être instauré de façon progressive et l’autocontrôle des glycémies entre les repas et à jeun est souhaitable, les hypoglycémies pouvant être sévères.

Le traitement ne doit pas être pris en cas de jeûne volontaire (repas sauté par manque de temps…) ou involontaire (vomissements…).

Effet indésirables

Le principal danger des sulfamides est l’hypoglycémie par surdosage, entraînant une hyperinsulinémie absolue ou relative :

– surdosage ou absence de catabolisme lors d’une insuffisance rénale ;

– apport insuffisant en hydrates ;

– potentialisation médicamenteuse.

Chez les malades âgés, ces hypoglycémies peuvent être durables. Il faut alors installer une perfusion de sérum glucosé à 10 % et ne pas se contenter de « resucrer » le malade avec un ou deux verres de jus de fruit.

Les autres inconvénients des sulfamides hypoglycémiants sont très rares avec les produits actuels : accidents allergiques cutanés, leucogranulopénies, thrombopénies. Mais l’atteinte hépatique est possible et constitue une contre-indication à la prescription.

Interactions médicamenteuses

Certains médicaments potentialisent l’action ; coumariniques, anti-inflammatoires non stéroidiens, Β-bloquants, miconazole, éconazole ; d’autres la diminuent : corticoides, progestatifs macrodosés, salbutamol.

3. PRISE EN CHARGE DE L’HYPOGLYCEMIE

– Resucrage IV, injection en IVD lent de 30 à 50 cc de soluté glucosé hypertonique à 30 %.

– Puis, perfusion de soluté glucosé à 10 % sur 1 à 24 heures, car il existe un effet rémanent du sulfamide avec risque de récidive de coma hypoglycémique.

Attention :

– Le glucagon est formellement contre-indiqué dans le cadre des comas hypoglycémiques par surdosage en sulfamide hypoglycémiant.

– Son mode d’action commun avec les sulfamides (propriétés insulinosécretoires) potentialise les effets de l’insuline.

4. EN PRATIQUE

Il faut éduquer le patient diabétique !

→ L’infirmière a un rôle important à jouer dans l’éducation du patient. Il est essentiel de prévenir les malades de renforcer, en début de traitement, l’auto surveillance glycémique. Une hypoglycémie (= glycémie capillaire < 0,60 g/l) n’est pas grave mais c’est une urgence thérapeutique.

→ Plusieurs thèmes doivent être abordés avec le patient :

• Les signes cliniques d’une hypoglycémie : le patient doit reconnaître les premiers signes d’hypoglycémie, qu’il confirmera par une glycémie capillaire.

• Les signes adrénergiques (signaux d’alarme) : sueurs, tremblements, palpitations, asthénie, pâleur, inquiétude, nervosité, faim, nausée, rebond hyperglycémique, ou rien.

• Signes neuroglucopéniques : troubles de la vue, difficulté de concentration, vertiges, céphalées, sensation d’ébriété, troubles du comportement, agitation, troubles neurologiques, convulsion, coma.

→ L’entourage doit être informé des signes suspects : comportement inhabituel, nervosité excessive, irritabilité, sueurs, fringale. Tout patient diabétique doit être porteur d’une carte de diabétique.

• Conduite à tenir devant une hypoglycémie

• Hypoglycémie modérée :

1. Arrêt de toute activité.

2. Vérifier la glycémie.

3. Resucrage, sucres rapides (15 g de glucose minimum) + sucres lents si prochain repas dans plus d’une heure.

4. Vérifier la glycémie capillaire 15 minutes après le resucrage [15 g de glucose = 3 sucres en morceaux n° 4 = 1 bouteille de jus de fruit de 12,5 cl = 1/2 verre de soda (10 cl) = 2 cuill. à café de confiture ou de miel]

• Hypoglycémie sévère :

– Attention aux troubles de la déglutition, une hypoglycémie sévère ne peut pas se resucrer seule !

– Diabète type 1 : Glucagon, puis resucrage.

– Diabète type 2 : perfusion G 10 % – 30 %.

• Après l’hypoglycémie :

– Chercher la cause (activité physique, baisse de la prise alimentaire, traitement excessif, interaction médicamenteuse, prise d’alcool).

– Adapter le traitement.

• Attention au rebond post-hypoglycémique ! Un nouvel épisode d’hypoglycémie peut survenir.

• Dangers de l’hypoglycémie : activité risquée (travail en hauteur, conduite, sport dangereux), sujet fragile (épileptiques, coronaropathie).

RÈGLES HYGIÉNODIÉTÉTIQUES

Il est également important de rappeler au patient les règles hygiéno-diététiques, à savoir :

→ Apport d’au moins 1 500 calories.

→ Fractionnement de l’apport en trois repas minimum, la prise de sucre à index glycémique élevé doit être limitée et réalisée éventuellement en fin de repas.

→ Diminution des graisses saturées au profit des graisses mono-insaturées ou poly-insaturées et augmentation de l’apport en fibres.

SOURCES UTILES

→ DIABÈTE

– Société francophone du diabète : Recommandations et référentiels : www.sfdiabete.org/

– Le dossier sur le diabète du sujet âgé, en ligne ur le site de l’Association française des diabétiques : soins, traitements, nutrition, facteurs de risque, prise en charge.

www.afd.asso.fr/diabete-et/personnes-agees

→ ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE

– Le Diamip (réseau Diabète en Midi-Pyrénées) met à disposition sur son site des supports éducatifs et recommandations pour la mise en œuvre de programmes d’éducation thérapeutique. À télécharger notamment : Guide pour la réalisation d’un diagnostic éducatif auprès des patients diabétiques, www.diamip.org/ps/medias/educ_guide_diagnostic.pdf

– « Éducation thérapeutique du patient. Modèles, pratiques et évaluation ». Dossiers santé en action, Inpes 2010. Issu d’une collaboration entre l’Inpes et des acteurs de l’éducation thérapeutique du patient, cet ouvrage rassemble des analyses d’interventions d’éducation thérapeutique mises en place en France et au Québec, dans le cadre de huit maladies chroniques dont le diabète. À télécharger : www.inpes.sante.fr/cfesbases/catalogue/pdf/1302.pdf

– Reccueil d’outils et de supports éducatifs pour l’éducation thérapeutique, cette brochure, proposée par l’IPCEM, structure spécialisée de formation à l’éducation thérapeutique, rassemble des outils et des supports nécessaires à la mise en œuvre d’une ETP, exemples à l’appui. Également, de nombreux outils à partager via le site de l’IPCEM.www.ipcem.org/

– Haute Autorité de santé, mars 2012. Guide méthodologique : auto-évaluation annuelle d’un programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP). Un ouvrage destiné à faciliter la réalisation de l’autoévaluation annuelle et qui prépare à l’évaluation quadriennale de chaque programme d’ETP.