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PRISE EN CHARGE
L’approche thérapeutique doit être individualisée, selon le degré d’obésité et les capacités d’adaptation du patient. Les mesures diététiques ne sont qu’un volet d’un traitement optimal.
Une prise en charge est recommandée, quel que soit le stade de l’obésité.
Les objectifs thérapeutiques, individualisés, sont de trois ordres.
→ La perte pondérale est souhaitable, les objectifs devant rester réalistes. Une perte de 5 à 15 % par rapport au poids initial suffit pour obtenir des bénéfices : amélioration du profil glucidique/lipidique, des capacités respiratoires, diminution du risque de diabète, du handicap lié à l’arthrose, de la pression sanguine, de la mortalité. En cas d’IMC > 40 kg/m2 et/ou de comorbidités graves, une perte plus importante peut être souhaitable.
→ La stabilisation pondérale (prévention des rechutes).
→ L’interruption de la prise de poids est déjà un objectif important en cas d’échec.
Les éventuelles comorbidités comme un diabète, de l’hypertension, des douleurs arthrosiques, des apnées du sommeil… doivent être prises en charge quand elles ne sont pas suffisamment améliorées par la seule réduction pondérale.
La recherche d’un mieux-être, l’amélioration de l’estime de soi, de l’intégration sociale doivent également être prioritaires.
→ En premier recours, la prise en charge est confiée au médecin généraliste dans le cadre d’un suivi programmé : éducation diététique, conseils d’activité physique, approche psychologique ainsi que suivi médical.
→ En deuxième recours, le généraliste peut faire appel à d’autres professionnels (diététicien, psychiatre, psychologue, kinésithérapeute…), en cas d’échec après six mois à un an de prise en charge ou directement, en cas de troubles du comportement alimentaire, d’IMC > 35 kg/m2 avec comorbidité ou d’IMC ≥ 40 kg/m2.
→ En troisième recours, les patients souffrant d’obésité sévère et/ou en échec thérapeutique peuvent intégrer un programme multidisciplinaire dans un centre spécialisé (lire p. 40). Dans certains cas, un traitement chirurgical peut être indiqué.
L’obésité étant une maladie chronique, la prise en charge doit être envisagée sur le long terme. Elle est fondée sur les principes de l’éducation thérapeutique : les professionnels accompagnent le patient, qui doit lui-même identifier les solutions qui lui sont adaptées.
Le bilan initial permet d’évaluer le stade d’obésité, de retracer l’histoire pondérale, les comorbidités (bilans lipidique, hépatique, urinaire, glycémie à jeun, tension artérielle…), les troubles psychologiques, l’environnement (facteurs familiaux, sociaux, professionnels…), les habitudes alimentaires et le niveau d’activité physique. Il sonde aussi la perception que le patient a de sa maladie et sa motivation à changer.
Le but est d’amener le patient à corriger un excès d’apports énergétiques et à retrouver un bon équilibre alimentaire. Sauf cas exceptionnels, les régimes très basses calories (moins de 1 000 Kcal par jour) ne sont pas indiqués. Dans le cadre d’un contrat thérapeutique, les mesures doivent être adaptées aux habitudes individuelles, les objectifs réalistes (5 à 15 % du poids initial) et la perte de poids lente, en moyenne 1 à 2 kg par mois.
L’objectif recommandé est d’atteindre 2 h 30 à 5 heures par semaine d’activité physique d’intensité modérée à soutenue, fractionnée en plusieurs sessions d’au moins 10 minutes d’activités quotidiennes (déplacements, tâches ménagères…) et sportives. Bien sûr, l’activité et son intensité doivent être adaptées aux habitudes et aux capacités du patient (avis d’un cardiologue nécessaire selon intensité et comorbidités). Le recours à un professionnel qualifié est nécessaire si les objectifs ne sont pas atteints spontanément. La prise en charge vise par ailleurs à réduire le temps des activités sédentaires (télé, ordinateur…).
L’approche psychologique est recommandée dans tous les cas, assurée par le médecin généraliste et complétée si nécessaire par une prise en charge spécialisée. Les techniques cognitivo-comportementales (entretien motivationnel, d’affirmation de soi, jeux de rôle, relaxation…) ont fait la preuve de leur efficacité. Elles visent à analyser les comportements et croyances alimentaires, à identifier les situations émotionnelles à risque d’excès, les attentes du patient, et sont pratiquées par des thérapeutes formés (voir l’Aftccp dans Savoir +, p. 42).
L’Orlistat, sur prescription médicale (Xenical et génériques dosés à 120 mg) ou en médicament conseil (Alli dosé à 60 mg), est actuellement le seul médicament autorisé en France ayant une indication dans l’obésité. La HAS, dans sa recommandation de 2011 « Surpoids et obésité de l’adulte », ne recommande cependant pas sa prescription « au regard de son efficacité modeste, des effets indésirables, notamment digestifs, et des interactions médicamenteuses ». Elle proscrit par ailleurs tout autre traitement et mentionne « qu’il n’y a pas d’effet démontré de l’acupuncture, de l’acupression, des suppléments alimentaires, de l’homéopathie, de la thérapie par l’hypnose ».
→ Mécanisme d’action : l’Orlistat agit localement, dans le tube digestif. En se fixant sur les lipases gastriques et pancréatiques, il empêche la décomposition des triglycérides apportés par l’alimentation, et donc leur absorption. Il bloquerait ainsi l’assimilation de 25 % des graisses ingérées.
→ Indications : en association à un régime modérément hypocalorique, dans le traitement de l’obésité ou du surpoids associé à des facteurs de risques.
→ Effets indésirables : liés au mode d’action et à la non-absorption des graisses alimentaires, comme douleurs/gêne abdominale, gaz avec suintement, selles impérieuses, huileuses, incontinence fécale. Suite à une suspicion d’un risque accru d’atteinte hépatique sévère, l’Agence européenne du médicament a réévalué et réaffirmé, en 2012, la balance bénéfice/risque positive, faute de « preuve solide » d’un lien de causalité. Les patients doivent cependant être informés de la possibilité de survenue d’atteintes hépatiques graves.
→ Interactions médicamenteuses : l’Orlistat est susceptible d’interférer sur les concentrations de certains médicaments, dont les anticoagulants oraux, les contraceptifs oraux, la ciclosporine, les hormones thyroïdiennes, les antiépileptiques et des vitamines liposolubles.
La chirurgie bariatrique ou de l’obésité modifie l’anatomie du tube digestif dans l’objectif de diminuer :
– la quantité d’aliments consommée : méthode par « restriction », la sensation de satiété arrive plus vite ;
– leur assimilation : méthode par « malabsorption », une partie de l’intestin est court-circuitée pour que les aliments se retrouvent directement dans l’intestin grêle, où seule une petite partie est assimilée.
Actuellement, les techniques recommandées sont purement restrictives (anneau gastrique ajustable ou gastrectomie longitudinale) ou mixtes (« by-pass » ou dérivation biliopancréatique).
→ Indications : recourir à la chirurgie est possible chez l’adulte à certaines conditions :
– IMC > 40 kg/m2 ou IMC > 35 kg/m2 associé à au moins une comorbidité ;
– en deuxième intention, après échec d’une prise en charge pendant six mois au moins ;
– mise en place d’un programme personnalisé somatique, psychologique et d’éducation thérapeutique et acceptation du suivi médical au long cours ;
– risque opératoire acceptable.
L’opération n’est pas une solution miracle et elle demande une adhésion totale avec de nouvelles habitudes alimentaires à vie, la prise de suppléments alimentaires pour éviter certaines carences, des exercices physiques, un suivi médical, parfois une chirurgie réparatrice esthétique ainsi qu’un suivi psychologique (lire p 42).
→ Principales complications : reflux gastro-œsophagien, vomissements, ulcères/perforations gastriques, carences nutritionnelles, troubles du transit, perforations, occlusions, hémorragies. By-Pass : hypoglycémie après le repas, « dumping syndrome » (malaise après un repas riche en graisses ou sucres).
→ Le surpoids chez une personne âgée peut masquer une malnutrition avec déficit en protéines responsable d’une fonte musculaire (sarcopénie). Au-delà de 75 ans, on ne recommande plus de réduction pondérale systématique en cas d’obésité, mais on tient plutôt compte du retentissement sur la qualité de vie.
→ La prise de poids pendant la grossesse devrait être limitée à 7 kilos pour les femmes ayant un IMC ≥ 30 kg/m2, et l’activité physique doit être encouragée pour diminuer, en particulier, le risque de diabète gestationnel. Si la prise de poids est excessive, un avis spécialisé est recommandé.
L’obésité est une maladie chronique qui doit être suivie comme telle, au long cours, en adaptant le rythme des consultations aux objectifs.
FANNY DELORME ET MURIEL TARTIÈRE
Psychologues cliniciennes, service de nutrition clinique, CHU Gabriel–Montpied, Clermont-Ferrand (63)
Il n’est pas fondé de partir du préjugé qu’il existe une fragilité psychologique ou une pathologie psychiatrique qui va prédisposer et engendrer un problème de poids. L’étiologie de l’obésité est complexe, plurifactorielle et singulière. Les troubles psychologiques, le vécu de l’obésité, l’image du corps ou encore l’estime de soi sont des éléments très singuliers, qui concernent (ou non) de façon très différente les personnes que nous rencontrons.
C’est l’une des raisons pour lesquelles la prise en charge de l’obésité est aussi complexe. Même si tous les patients que nous rencontrons sont en excès de poids, ce symptôme peut avoir une étiologie et un sens très divers d’une personne à l’autre. Il ne s’agit donc pas « d’appliquer » fidèlement un modèle théorique ou des modalités thérapeutiques systématiques dans la prise en charge. »
MARIE-CHRISTINE FEDOR
Infirmière clinicienne dans l’équipe pluridisciplinaire au centre de référence de nutrition clinique du CHU de Clermont-Ferrand (63)
« Dans notre centre, les maîtres mots sont le non-jugement, le respect et l’accueil de la personne telle qu’elle se présente. Notre enjeu est de moduler le discours souvent restrictif, entendu pendant des années, afin de le faire évoluer vers plus de nuances. Au terme d’une journée d’écoute et d’échanges, nous proposons aux patients des suivis individuels diététiques, infirmiers et psychologiques. Ils prennent l’initiative d’organiser leurs rendez-vous selon leurs priorités. Au début, ils sont surpris, mais, ensuite, ils nous rapportent que c’est l’absence d’injonction et le respect total qui ont créé l’alliance thérapeutique et déclenché leur motivation. D’autre part, le rôle de l’entourage et des professionnels de santé associés est, avant tout, de veiller à ne pas défaire ce qui est en train de se construire : en quelques secondes et avec une remarque a priori anodine comme « mangez moins, le résultat sera le même », le patient retrouve ses vieux démons et plusieurs mois de travail peuvent s’effondrer ou être stoppés… »