C’est curieux cette manie de recourir à un anglicisme dès que l’on veut introduire le changement dans les organisations. Comme si cela suffisait à le faire accepter et à valoriser ceux qui le portent. Au risque même de prendre à rebrousse-poil les intéressés quand ces derniers clament haut et fort le manque criant de moyens. Sourde aux demandes de lits supplémentaires, la ministre Marisol Touraine a préféré, dernièrement, louer les « bed managers », ou gestionnaires de lits, déjà à l’œuvre dans quelques rares hôpitaux. En clair, améliorez l’organisation, et nous en reparlerons ! Soit, mais la mise en place d’un système de gestion centralisé des lits n’est pas si simple et soulève de nombreuses questions. Comme le soulignaient les professionnels interrogés par le journal Le Monde(1), notamment l’Anap(2), la mise en place d’un « bed manager » suppose de nombreux prérequis et nécessite de « passer par une révolution culturelle au sein de l’hôpital ». Ce dispositif exige de renoncer à une forme d’autonomie, de jouer le jeu de la solidarité interservices, de la transparence, quels que soient la pathologie et l’âge du malade. Or, ce n’est un mystère pour personne, les patients trop âgés, souffrant de multiples pathologies, sont toujours difficiles à placer. Certains responsables pourraient se sentir dépossédés dans leurs prérogatives. La question se pose en effet du degré de pouvoir décisionnel, de la formation de ces « bed managers ». Sont-ils en mesure d’annuler une hospitalisation programmée ? Sauront-ils prendre en compte tout ce qui touche aux spécificités culturelles d’un patient ? Bien cadré et organisé, cet outil de gestion prévisionnelle peut sans doute contribuer à fluidifier les entrées et sorties de patients, donc mieux servir leur intérêt. Mais, confronté à la pénurie de lits, le « bed manager » reste évidemment impuissant.
1 –Des « gestionnaires de lits » pour sauver les urgences », Le Monde du 10 avril 2013.
2 – Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux.