Le souci de l’autre(1) est le titre d’un ouvrage écrit par Marie de Hennezel. La réflexion de cet auteur me semble tout à fait pertinente, compte tenu de la crise morale et/ou éthique et son corollaire, l’individualisme, qui rongent la société, notre profession et son rôle de « prendre soin » de l’humain. Dans quelles mesures le care est-il affecté ? Dernièrement, alors que je me rendais dans une unité de soins pour personnes démentes, à peine entrée, une odeur d’urine m’a saisie. Cette odeur forte, tenace, semblait envahir les moindres recoins du service et n’indisposer personne, surtout pas les soignants ! Une étudiante m’a rapporté qu’ici, « on » ne lave les pieds des gens qu’une fois par semaine et que cela n’est fait que lorsque le personnel en a le temps. Dans son livre, Marie de Hennezel s’interroge : « On se demande parfois pourquoi ceux qui en sont témoins ne dénoncent pas ce manque d’humanité. Ont-ils peur de perdre leur emploi, de s’attirer des ennuis, d’être eux-mêmes accusés de diffamation ? En tout cas, ils ferment les yeux, deviennent sourds et aveugles devant ce qui ne manque pas de choquer tout visiteur extérieur. » Entre autres, les étudiants ?! Aucun secteur de soins ne semble y échapper. Je vous épargnerai un laïus sur la primauté, dans le secteur de la santé, de la rentabilité au détriment du « prendre soin », transformant les personnels soignants en des techniciens anonymes. Et sans conscience ? Les soins ont-ils toujours un sens ? Les valeurs soignantes d’accompagnement, de promotion de la vie, de préoccupation particulière de l’autre sont-elles dépassées ? Le souci de l’autre existe-t-il encore ? Sans pour autant nier les contextes de travail difficiles et leur complexité, il est important de pointer la disparition de valeurs pourtant essentielles.
1 – Le souci de l’autre, Marie de Hennezel, Poche, 2005.