SANTÉ MENTALE
ACTUALITÉ
DU CÔTÉ DES… COLLOQUES
Les conseils locaux de santé mentale jouent un rôle charnière dans le suivi des patients hors de l’hôpital. Leur 2e Rencontre nationale, fin mars, à Lyon, a permis de dresser le bilan de leur action.
L’asile, cette « haute forteresse » dont parlait Michel Foucault, est bien mort, a rappelé Marisol Touraine, en ouverture de la 2e Rencontre nationale des conseils locaux de santé mentale (CLSM). Rompant avec l’hospitalocentrisme, les CLSM visent à soigner et accompagner les malades dans la cité. « C’est là le meilleur moyen de lutter contre les inégalités de santé, de renforcer la prévention et de favoriser l’émergence de parcours de soins adaptés », a estimé la ministre de la Santé. Depuis le début des années 2000, 65 CLSM, représentant 150 villes, ont été créés. « Leur nombre devrait bientôt doubler », a annoncé Marisol Touraine.
Les CLSM sont constitués d’une assemblée plénière, présidée par un maire, et d’un comité de pilotage co-animé par un chef de secteur (ou de pôle sectoriel) de psychiatrie publique.
La loi n’impose pas la création d’un CLSM, mais élus, professionnels de santé et travailleurs sociaux ont largement investi cette instance ces dernières années, malgré quelques tâtonnements. « L’écueil majeur est que les pratiques professionnelles et les jargons diffèrent », a constaté Nicolas Fieulaine, maître de conférence à l’université Lyon-2 et auteur d’une évaluation du CLSM de Grenoble (voir encadré).
Un conseil a souvent été développé dans des villes ayant identifié des quartiers prioritaires ; ils sont alors intégrés aux ateliers santé ville et aux contrats locaux de santé. Les régions Rhône-Alpes et Ile-de-France sont les mieux représentées. Des CLSM commencent également à se développer dans les territoires ruraux. La question du logement semble être au centre des intérêts du CLSM. « Maires, bailleurs, représentants des conseils généraux peuvent agir sur le levier du logement, qui est un élément déterminant dans la prise en charge des troubles psychiques », a constaté Aude Caria, coordinatrice nationale de la Semaine d’information sur la santé mentale. « Les chiffres démontrent que les personnes sans domicile fixe sont huit fois plus touchées par les troubles psychotiques que la moyenne », a, en effet, souligné la ministre.
Personnes âgées, détenus, adolescents… Chaque cas abordé est différent. « Le CLSM décloisonne la prise en charge. Quand vous voyez une personne en intra-hospitalier, vous n’en voyez qu’une petite partie. Pourtant, ses troubles sont nés dans son environnement, voire de son environnement, a observé le Dr Nigar Ribault, psychiatre investie dans le conseil de Vénissieux-Saint-Fons (Rhône). Avec le conseil, on mobilise un réseau capable d’aider le patient, sans perdre pour autant son identité de soignant ! » Pour le Dr Pierre Murry, membre du CLSM de Grenoble, l’instance, coincée « entre les enjeux de démocratie sanitaire et la psychiatrie sécuritaire, a le mérite de faire émerger un débat qui n’est pas facile, et pas toujours tranché d’ailleurs. »
Créé en 2006, le CLSM de Grenoble a fait l’objet d’une étude qualitative et prospective. 40 observations, 29 entretiens individuels, 2 groupes de paroles, 5 000 documents d’archives étudiés… Il a fallu dix-huit mois au groupe de recherche en psychologie sociale de l’université Lyon-2 pour finaliser la première étude qualitative et prospective d’un conseil local de santé mentale. « Une véritable psychothérapie du CLSM, a commenté le Dr Pierre Murry, avec une phase de prise de conscience, puis une deuxième phase, où nous sommes encore, de rectification des comportements et de progression ». L’étude a mis en évidence la nécessité d’élaborer un site Internet et une charte de fonctionnement définissant les rôles de chacun, et a permis de rediscuter de la place des associations et des institutions dans le comité technique. « On a constaté un flou organisationnel, a reconnu Nicolas Fieulaine, maître de conférences à l’université Lyon-2. Mais aujourd’hui, paradoxalement, tout le monde se demande comment on a pu s’en passer auparavant. »