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QUESTIONS SUR
Mme L. va subir l’ablation d’un sein. Elle a lu dans la presse des articles alarmants au sujet d’erreurs de côté aux conséquences graves. Elle est très inquiète. Que lui dire ?
Depuis le 1er janvier 2010, l’utilisation d’une check list avant toute intervention chirurgicale est obligatoire dans les blocs opératoires. Ce document établit un certain nombre de vérifications, dont la confirmation du côté à opérer. Il faut rassurer la patiente en l’informant que le chirurgien viendra la voir avant l’anesthésie et délimitera la zone à opérer à l’aide d’un feutre.
La confusion peut naître très tôt dans la prise en charge du patient. Une mauvaise transcription dans le programme opératoire, des clichés radiologiques à l’envers, un manque de renseignements dans le dossier médical, des erreurs sur le tableau d’affichage du bloc ou sur le bracelet d’identification peuvent mener à la catastrophe. Un défaut de communication avec le patient favorise ce type d’erreur. Lui-même peut se tromper de côté, par ignorance ou en raison du stress généré par l’intervention. S’il est dément, prémédiqué ou qu’il maîtrise mal la langue française, la confusion peut également s’installer. Des cas d’homonymie partielle ou complète avec un autre patient de l’hôpital ont aussi pu engendrer ce type d’erreurs. Sans compter la présence de cicatrices anciennes, qui trompe parfois les personnels.
Ils sont nombreux, ce qui nécessite une attention lors de toutes les étapes précédant l’intervention. L’absence de bracelet d’identification mentionnant le côté entraîne un risque, tout comme l’absence de marquage préopératoire ou une erreur lors de son inscription. Un changement de position en salle d’opération, décubitus ventral par exemple, provoque parfois des erreurs de latéralisation. Sur le plan de l’installation technique, il arrive également que le drapage opératoire effectué du mauvais côté ou la position erronée des colonnes de vidéoscopie amènent le chirurgien à se tromper.
Oui. Le changement dans l’ordre des patients, des interventions répétitives dans la journée, un changement d’équipe engendrant une rupture dans la continuité de l’information et de mauvaises conditions de travail peuvent être à la source d’erreurs de côté. L’informatique n’est pas en reste non plus. Un logiciel ne comportant pas l’exhaustivité des actes, des libellés très proches dans le menu déroulant, voire même une panne de logiciel augmentent encore le risque. Sans parler de l’écriture de certains professionnels qui s’avère parfois peu lisible, ou de l’utilisation d’abréviations dont le sens reste obscur pour les personnes qui les lisent.
Celle-ci est définie autour de trois phases :
– Avant l’induction de l’anesthésie.
– Avant l’incision.
– Avant la sortie du patient du bloc opératoire.
Au cours de chacune de ces phases, un coordonnateur de la liste doit être autorisé à confirmer que l’équipe a accompli toutes les tâches nécessaires avant de pouvoir continuer. Avant l’endormissement, il vérifie, notamment, que le site de l’intervention a bien été marqué et que les allergies connues du patient ont été notées. Avant la sortie du bloc opératoire, il s’assurera que les instruments, les compresses et les aiguilles ont été comptés. Pour rédiger le document final, les responsables ont étudié six procédures de base, appliquées dans les centres hospitaliers de huit grandes villes. Généralement, la check-list de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) est adaptée aux besoins et aux impératifs spécifiques de chaque service ou établissement.
Non, malheureusement. D’abord parce qu’elle n’est pas toujours complétée de manière satisfaisante par le chirurgien. Certains d’entre eux se contentent de la remplir en fin d’intervention ou de façon un peu automatique. Il arrive également qu’elle comporte des erreurs. C’est la raison pour laquelle un grand nombre de précautions doivent être prises tout au long du processus menant à l’intervention. Cela dit, bien utilisée, la check-list doit permettre d’abaisser notablement le nombre d’événements indésirables graves (EIG). Il s’agit d’un outil qui doit reposer sur le partage, par les membres de l’équipe médico-chirurgicale, des informations nécessaires à la sécurisation de l’acte chirurgical et à son bon fonctionnement.
Il s’agit d’une procédure mise en place dans le secteur orthopédique et qui peut être appliquée partout. La demande du côté est faite avant toute anesthésie par l’infirmière circulante ou l’Ibode affectées à la salle d’intervention, puis par le médecin anesthésiste ou l’infirmière anesthésiste (Iade). L’anesthésie est réalisée, le clampage effectué et, avant de débuter l’intervention, le chirurgien vérifie le côté sur la lettre d’entrée et les documents radiographiques. Avant de commencer l’opération, il fait énoncer le côté par l’infirmière circulante ou l’Ibode et par l’anesthésiste ou l’Iade, et confirme cette vérification à voix haute. Ces éléments sont reportés sur la feuille de traçabilité du bloc opératoire et sur la feuille d’anesthésie. La règle de trois permet d’impliquer l’ensemble de l’équipe médico-chirurgicale.
Non. C’est justement l’un des problèmes qui ont freiné la recherche sur ce sujet pendant longtemps. Le nombre d’EIG est largement sous-estimé car ceux-ci sont sous-déclarés. Seuls ceux qui ont eu des conséquences particulièrement dramatiques ont été signalés par la presse, à la suite de réactions vives des patients ou de leurs proches. Ces derniers temps, les articles sur l’ablation d’un rein opposé ou celle d’un testicule sain ont ému le grand public. Lorsque les conséquences sont moins dramatiques, l’établissement de santé préfère toujours minimiser les faits et prendre en charge les interventions consécutives à leur faute.
Orthorisq, un organisme de gestion des risques médicaux, a publié en 2009 un document très complet dans lequel il analyse les événements indésirables dans le domaine de l’orthopédie. Les erreurs dans la production d’information écrite seraient responsables de 44 % des accidents. Pour ce qui est des échanges avec les patients ou entre professionnels, on obtient le chiffre de 7 %. Les 50 % restants sont imputables aux erreurs dans les actes. Lorsqu’il s’agit d’erreurs dans les écrits, c’est le programme opératoire qui est désigné comme grand coupable dans 30 % des cas. Et lorsqu’il s’agit d’erreurs dans les actes, l’installation du site opératoire arrive en tête avec 24 % de responsabilité. Parmi les 80 déclarations étudiées, il a été déterminé que la responsabilité de l’erreur était imputable à l’Ibode dans 16 cas. De même pour la secrétaire. Et 10 pour le chirurgien, 9 pour le manipulateur radio, 8 pour l’aide-soignante, 7 pour l’anesthésiste, 3 pour l’IDE, 2 pour le patient…
Selon Orthorisq, les erreurs de programme opératoire ou d’imagerie sont rarement repérées lors de l’admission dans l’unité. Elles peuvent l’être lors des contrôles systématiques effectués essentiellement par le chirurgien, par les anesthésistes ou les Ibode. Il en est de même pour les erreurs d’identité. L’installation inadéquate, quant à elle, a également été repérée par le chirurgien lors des mêmes vérifications automatiques ou par le biais d’une discussion fortuite avec l’anesthésiste. 49 % des établissements auraient mis en place des mesures de prévention. 66 % des chirurgiens se livrent à des vérifications systématiques. Des chiffres encore insuffisants.
Lorsqu’il arrive au bloc, le patient ne doit pas hésiter à formuler son identité et à préciser l’intervention qu’il va subir. Jusqu’au moment où il sera anesthésié, il est en droit de poser toutes les questions qu’il souhaite, sans se laisser impressionner par l’ambiance du lieu et l’humeur des personnels médico-chirurgicaux qui l’entourent.
Durant les consultations préalables, il peut également demander à l’un de ses proches d’être présent de manière à être certain que tous deux ont bien compris la même chose et posé les questions nécessaires. En revanche, malgré la tentation, il ne doit pas se lancer dans des marquages « sauvages » sur son propre corps. Ceux-ci pourraient, en effet, induire le chirurgien en erreur.
En pratique, les précautions des chirurgiens se déclinent ainsi :
– Participer à l’installation du patient et du matériel avec les Ibode, de manière à ce que le bon côté soit exposé.
– Toujours être présent avant que le patient soit endormi, afin d’obtenir de lui une confirmation verbale.
– Veiller à ce que l’imagerie soit bien affichée en salle d’opération.
– Marquer le membre ou l’organe concerné, et toujours obtenir l’assentiment du patient.
– Faire en sorte que l’intervention soit pratiquée par le chirurgien qui a suivi le patient et non par un chef de clinique.
– Et, bien sur, utiliser scrupuleusement la check-list.
La cartographie des risques, en lien avec les erreurs de côté, permet de remettre en cause les organisations et d’améliorer la communication entre les différents intervenants. Elle est centrée sur la prise en charge du patient, du moment où l’indication opératoire est posée jusqu’à la réalisation de l’acte.
Elle consiste à :
– recenser tous les risques ;
– les hiérarchiser ;
– fournir une vision d’ensemble aux décideurs ;
– orienter les stratégies d’action ;
– suivre l’efficacité des actions mises en œuvre ;
– communiquer sur les résultats.
→ Manuel des bonnes pratiques Soféribo sur le site de l’Unaibode : www.unaibode.fr
→ Recommandations de la HAS :
http://bit.ly/12cyHQX – www.has.fr
→ En savoir plus sur la check-list de l’OMS : http://bit.ly/187Wp71
→ La check-list réduit d’un tiers les décès au bloc :
PIERRE DESMARAIS
AVOCAT SPÉCIALISÉ EN DROIT DE LA SANTÉ
En cas d’erreur, quels sont les professionnels qui encourent un risque juridique ?
Légalement, les trois responsables principaux sont le chirurgien, l’anesthésiste et l’Ibode. C’est le chirurgien qui est considéré comme responsable principal de ce qui se passe dans son bloc. Le médecin anesthésiste est second sur la liste. En cas de litige, il peut être considéré comme responsable à hauteur d’environ 30 %, en général.
L’Ibode peut-elle être attaquée au civil ou au pénal ?
C’est très rare, en pratique. Elle ne voit pas nommément sa responsabilité engagée, sauf si l’on peut prouver une faute ou une négligence personnelle. Si l’erreur est récurrente, l’établissement se tournera plutôt vers une procédure disciplinaire dans le secteur public, ou vers un licenciement dans le privé. Les infirmières sont mieux protégées dans le public, où elles bénéficient d’une protection fonctionnelle. Pour que la justice intervienne, il faudrait prouver une véritable volonté de nuire.
Face à un chirurgien qui refuserait de remplir correctement la check-list, que conseillez-vous à l’Ibode ?
Une fois, j’ai vu une note insérée par l’Ibode dans le dossier du patient. Ce n’est pas recommandé, pour de simples raisons de préservation de son emploi. Je conseillerai plutôt à la professionnelle de se tourner vers sa hiérarchie.