L'infirmière Magazine n° 323 du 15/05/2013

 

DÉPENDANCE

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES … ÉTABLISSEMENTS

À Strasbourg, personnes handicapées vieillissantes et personnes âgées dépendantes cohabitent dans une résidence gérée par l’Armée du Salut.

La résidence Laury-Munch est née d’un constat : en vieillissant, les parents de personnes handicapées peuvent rencontrer des difficultés pour continuer à s’occuper de leur enfant. Passé un certain âge, surgissent de nombreuses inquiétudes : qui prendra en charge mon enfant handicapé si je suis hospitalisé ? Que faire si mon état de santé se dégrade et que je deviens moi-même dépendant ? Qu’adviendra-t-il de mon enfant après ma mort ? Autant de questions qui ont poussé l’Armée du Salut à imaginer une structure originale, qui réunit Ehpad et foyer d’accueil médicalisé (FAM) dans un seul et même bâtiment. L’objectif est de maintenir les liens familiaux en permettant aux résidents de partager des moments de la vie quotidienne.

Une « prouesse »

La résidence a ouvert ses portes en février 2012 dans le quartier populaire du Neuhof, à Strasbourg (Bas-Rhin). Le bâtiment de 9 600 m2 se répartit en petites unités de 14 résidents, offrant un total de 56 places en Ehpad, 28 places en unités de vie protégée Alzheimer et 40 places en FAM (dont 2 en hébergement temporaire pour chaque entité). Deux accueils de jour (un en Ehpad, un en FAM) de dix places chacun ont été ouverts le mois dernier. « Combiner toutes ces entités a été une vraie prouesse », juge Nora Takaline, la directrice. Pourtant, entre l’idée de départ et la réalité, il y a un grand écart : un seul binôme mère/fille est accueilli pour le moment. « Nous avons reçu d’autres demandes de familles, qui n’ont pas abouti, indique la directrice. Les différences de critères d’admission entre Ehpad et FAM représentent un frein. Les délais ne sont pas du tout les mêmes. Autant nous pouvons être très réactifs pour l’admission en Ehpad, autant nous sommes tributaires des MDPH(1) pour la partie FAM. » Le fait que les personnes handicapées concernées ont été, pour la plupart, uniquement élevées par leurs parents et n’ont pas fréquenté de structure spécialisée constitue une difficulté supplémentaire. « Nous avons à faire à des familles qui ont choisi de ne pas institutionnaliser leur enfant. Quand elles s’adressent à nous, c’est parce que leur situation les y oblige. Mais, l’entrée en institution reste difficile, même si elles sont en perte d’autonomie », souligne Nora Takaline. Avec l’ouverture récente des accueils de jour, la directrice espère que la transition pourra se faire davantage en douceur, grâce à des formules plus souples de semi-externat proposant, par exemple, du temps de répit pour les parents.

Pas de monotonie

Même si les résidents n’ont pas de liens de parenté, l’originalité de la structure en fait une expérience enrichissante, tant du côté des personnes accueillies que de celui du personnel, qui peut être amené à travailler dans les différentes entités. « C’est une vraie richesse, et c’est stimulant, estime Olive Tatge, aide médico-psychologique. Changer de service me motive, cela casse la monotonie ! » Les sept infirmières que compte la résidence interviennent aussi bien auprès des personnes âgées qu’auprès de celles porteuses d’un handicap. « Côté FAM, c’est une prise en charge plus globale, peut-être moins axée sur les soins mais davantage sur le projet de vie. On travaille en lien avec les éducatrices, ce qui est très intéressant », considère Marie-Louise Adreani, cadre de santé. Si le soin reste très prédominant en Ehpad, il est beaucoup moins présent côté FAM, où il y a d’autres enjeux : vie sociale, vie éducative…

« La temporalité n’est pas la même. La moyenne d’âge au FAM tourne autour de 50 ans. Les personnes handicapées apportent leur spontanéité et leur enthousiasme, souligne Françoise Wirz, adjointe de direction. Au quotidien, certains résidents font preuve d’attention les uns envers les autres. Une personne handicapée va, par exemple, pousser un fauteuil roulant ; une personne âgée pourra avoir un regard bienveillant et être à l’écoute… Ce sont de petites choses qui se font naturellement. Bien sûr, cette attitude n’est pas généralisée, nous avons tous les profils ! »

1– Maisons départementales des personnes handicapées.