SUIVI HOSPITALIER
DOSSIER
Les infirmières chargées du suivi des patientes au sein des équipes pluridisciplinaires sont en première ligne. Outre la surveillance clinique, elles ont un rôle d’accompagnement et d’écoute. La place des psychologues est elle aussi essentielle.
À l’hôpital Tenon, à Paris (AP-HP), tous les couples candidats à une procédure d’AMP sont conviés à une réunion mensuelle d’information qui dure quatre heures. Toutes les questions qu’ils peuvent se poser sur les traitements, les effets secondaires, les étapes à suivre, les taux de réussite sont abordées, et les procédures expliquées dans le détail. Pour autant, les soignants en AMP savent qu’il faut répéter et rassurer des patients particulièrement anxieux. C’est pourquoi les femmes en phase de stimulation ovarienne peuvent contacter les « infirmières FIV » par mail, par téléphone de 10 h 30 à 15 heures, ou venir sur place, à l’hôpital, entre 11 heures et midi.
Quatre infirmières FIV se répartissent les activités d’AMP : effectuer les prises de sang des patientes ; compléter les dossiers en y intégrant les derniers résultats d’analyses sanguines ; accueillir les femmes venant pour la ponction d’ovocytes en hôpital de jour ; répondre au téléphone. « Nous sommes réputées pour répondre relativement vite. Ces patientes sont angoissées, elles ont besoin d’être écoutées, témoigne Caroline, l’une des infirmières de l’équipe. Les traitements sont très lourds et contraignants. À certains moments, les femmes doivent venir tous les deux jours, entre 7 heures et 8 h 30 du matin, pour les prises de sang. Parfois, il leur faut attendre jusqu’à 10 h 30. C’est compliqué à gérer avec leur employeur. » À Tenon, le taux de réussite obtenu est de 30 % par tentative (contre 24 % en moyenne par FIV au niveau national). Un bon taux, dû à « un travail de toute l’équipe. Et nous ne nous laissons pas envahir par des demandes de FIV dans des cas limites, émanant de femmes de 42 ou 43 ans, par exemple », explique le Pr Jean-Marie Antoine, chef du pôle de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction.
À quelques kilomètres de là, au centre hospitalier des Quatre-Villes, à Sèvres, en région parisienne, c’est Marie Reversé, cadre de l’unité AMP, au sein du service gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction, qui nous accueille. Ici, tout est réuni au même étage : salles de recueil de sperme ; laboratoire de biologie ; bureau des sages-femmes et infirmières FIV ; box où les soignantes reçoivent les femmes le jour de la ponction. « Les ponctions ont lieu tous les jours, témoigne Morgane Meunier, l’une des infirmières qui travaillent avec Marie Reversé. Nous accueillons les patientes avant l’anesthésie générale ; et, au retour du bloc, nous effectuons la surveillance jusqu’à leur départ, vers 16 heures en général. »
Tout commence par une réunion mensuelle d’information des couples qui tentent l’AMP pour la première fois. « Ces réunions permettent aux patients de comprendre que leur cas n’est pas isolé. On estime que 10 % de la population consulte pour infertilité », précise le Dr Olivier Kulski, responsable du laboratoire de biologie. Dans les couloirs, une affiche rappelle qu’Alexia, le deuxième « bébé-éprouvette » français, a été conçue dans ces murs, en 1982. Dans ce centre, qui est certifié ISO 9001 depuis 2007, le taux moyen de débuts de grossesse par ponction, tous âges confondus, est de 30 %. « In fine, le taux d’accouchements par ponction est de 21 % – contre 19 % au niveau national, précise le Dr Joëlle Belaïsch-Allart, chef du service gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction. Car, entre les fausses couches et les grossesses extra-utérines, toute grossesse débutée ne conduit malheureusement pas à un bébé. » Si l’équipe estime que les chances de succès sont réelles, cet hôpital accepte les femmes jusqu’au premier jour de leurs 43 ans. « Nous sommes un seul service, une véritable équipe clinico-biologique, souligne le Dr Joëlle Belaïsch-Allart. Nous faisons des groupes de “bons cas”, pour lesquels nous devons arriver à un taux de 50 % de réussite. Quand nous n’y parvenons pas, nous nous efforçons d’en analyser les raisons. »
Les équipes multidisciplinaires comptent toujours un ou plusieurs psychologues dans leurs effectifs. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. « Les médecins ont mis un certain temps à comprendre la complexité de l’AMP ; il aura fallu la mise en place du don d’ovocytes, dans les années 1990, pour que les psychologues soient inclus dans la prise en charge », se souvient Charlotte Dudkiewicz-Sibony, psychologue au service de médecine de la reproduction et au Cecos de Tenon. Non seulement le parcours des couples est difficile, mais, de plus, en l’absence de causes médicales de stérilité, des freins psychologiques à la maternité peuvent être mis au jour via des entretiens avec une professionnelle. « Les patientes peuvent achopper sur quelque chose qui leur échappe, ajoute Charlotte Dudkiewicz-Sibony : peur de la grossesse et de la déformation de leur corps ; crainte de ne pas être à la hauteur en tant que mère ; parfois, elles n’ont pas, en quelque sorte, reçu de leur mère l’autorisation d’être mères à leur tour. »
La psychologue de l’hôpital Tenon s’entretient systématiquement avec les donneurs et les donneuses de gamètes, ainsi qu’avec les couples qui vont recevoir un embryon. Le don est, en effet, la démarche la plus complexe. « Faut-il dire à l’enfant qu’il est issu d’un don, et quand, comment ? Ce sont des questions récurrentes et essentielles. » En dehors du don, pour des inséminations ou FIV avec les gamètes du couple, la psychologue reçoit les patients sur leur propre demande ou sur celle du personnel. Les infirmières ont alors un rôle d’« aiguillage » important, car ce sont elles qui croisent les couples le plus fréquemment. « Les patients sont souvent très satisfaits de cet espace de parole et d’écoute. Ceux qui entament des démarches à l’étranger disent que ces moments, non prévus dans la prise en charge, leur ont manqué. »
Au centre d’AMP du CHU de Dijon, les couples viennent aussi spontanément ou sur les conseils de la sage-femme, de l’infirmière, du médecin. « Dans cette forme particulière de conception et de parenté, il s’agit d’aborder avec eux ce qui touche à la différence des sexes, à l’intimité, à la transmission, à la filiation, commente Marie-Laure Balas, psychologue. La démarche d’AMP soulève bien des questions : crainte de risques engendrés par les traitements, interrogations sur leur infertilité, leur couple, et aussi sur la parole à dire à l’enfant à venir. » Pour le Dr Joëlle Belaïsch-Allart, le rôle du psychologue est essentiel, « mais tous les membres de l’équipe doivent apporter de l’écoute et du réconfort au quotidien ». Mêmes propos chez Caroline Cardinale, maîtresse sage-femme du centre AMP de la clinique Bouchard à Marseille : « Confrontés au stress des patients, nous devons être très “enveloppants”. Les couples posent les mêmes questions aux membres du personnel, qu’il s’agisse d’aides-soignantes, d’infirmières, de médecins : combien d’ovocytes ont été ponctionnés ? Les embryons étaient-ils bons ? Les différents membres de l’équipe sont formés pour répondre avec prudence, en n’étant ni optimistes ni pessimistes. Nous devons avant tout être à l’écoute. »