Le dur choix d’Angelina - L'Infirmière Magazine n° 324 du 01/06/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 324 du 01/06/2013

 

Éditorial

La tribune d’Angelina Jolie du 14 mai 2013 dans le New York Times révélant son choix d’avoir subi une double mastectomie préventive ne laisse aucune femme insensible et provoque de nombreux débats. Après la conquête du monde et de l’espace, l’Homme s’attaque au défi ultime : déjouer l’inéluctabilité de sa propre empreinte génétique, se rapprochant ainsi de l’immortalité. À l’ère de l’individualisme, l’homme s’est recentré sur lui-même, faisant de sa santé une religion, et de la prévention des risques sa stratégie d’action. La maladie et la mort sont les ennemis qu’il doit abattre tandis qu’une rationalisation à outrance le baigne dans l’illusion d’une parfaite maîtrise de sa santé.

La démarche d’une double mastectomie préventive est étroitement liée aux progrès accomplis dans l’identification des gènes prédisposant au cancer. Cet engouement pour les tests de prédiction des risques ne reflète-t-il pas une nouvelle mentalité de l’homme moderne, basée sur l’hypercontrôle de sa vie ? L’approche préventive rendant visible une maladie qui n’existe pas encore n’interroge-t-elle pas la médecine dans les limites éthiques qu’elle devrait poser ?

Les femmes ayant une prédisposition génétique à développer un cancer du sein doivent-elles préférer une chirurgie aussi mutilante et traumatisante à un suivi médical préventif renforcé ? Le rapport bénéfices/risques d’une telle chirurgie inclut-il les complications éventuelles liées à la prothèse, à l’anesthésie, au geste chirurgical et aux maladies nosocomiales ? Plus généralement, la chirurgie préventive donne l’impression d’avoir mis sa santé à l’abri quand le risque de mourir avant 70 ans ne peut être évité, car l’Homme ne pourra jamais contrôler tous les paramètres jouant sur sa santé.

Le choix d’Angelina la rapproche de Lara Croft, le personnage de Tomb Raider qui l’a rendue célèbre, et de cette nouvelle génération de supers héros « indestructibles » caractérisés par une maîtrise infaillible de leur vie et de leur corps.

Alors, l’ablation prophylactique est-elle une arme de prévention à généraliser ?