INTERVIEW : ÈVE GUILLAUME PRÉSIDENTE DE LA FNESI
DOSSIER
Représentant les étudiants infirmiers au comité de suivi de la réforme des études, Ève Guillaume formule plusieurs propositions pour améliorer l’accueil des étudiants du nouveau référentiel sur les terrains de stage, ainsi que l’utilisation du portfolio.
L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Comment se déroule, selon vous, l’encadrement des étudiants sur les terrains de stage aujourd’hui ?
ÈVE GUILLAUME : La réforme des études a modifié la conception des stages. Le mode d’acquisition des compétences a beaucoup changé, la démarche des futurs professionnels est plus réflexive. Or, la philosophie du nouveau référentiel n’est pas encore bien comprise dans les services, notamment ce qui touche à l’évaluation des stages. De plus, comme ceux-ci sont plus longs et moins nombreux, un étudiant qui commence, par exemple, dans un court séjour, et qui effectue un stage en médecine plus tard, ne développera qu’à ce moment-là certaines compétences cliniques. L’acquisition des compétences s’inscrit dans un processus de développement continu, et c’est seulement à partir du semestre 6, lors des deux derniers stages, que l’on entre vraiment dans la professionnalisation. Même au semestre 5, on est encore dans la dimension théorique. C’est parfois assez compliqué pour les professionnels de s’adapter à ce changement. Même si cela évolue peu à peu, il arrive que des étudiants rencontrent des tuteurs ne souhaitant pas les encadrer ou portant un regard négatif sur leur formation. Mais de plus en plus d’élèves concernés par le nouveau référentiel vont entrer dans les établissements, et cela va probablement améliorer les choses.
L’I. M : Votre avis sur la manière dont le tutorat s’est mis en place…
È. G. : Le tutorat varie très fortement d’un établissement à un autre. Certains ont essayé de s’approprier le portfolio, formé des tuteurs pour les étudiants, mis en place des présentations des terrains de stage qui précisent toutes les compétences que l’on peut y valider, ou consacrent du temps à accueillir les étudiants. D’autres le font moins. Cela dépend des moyens qui y sont alloués, pas forcément de la taille des établissements.
Il reste des interrogations chez les tuteurs au sujet du portfolio. Ils le considèrent comme un outil d’évaluation définitif alors qu’il est destiné à souligner l’évolution de l’étudiant. Cependant, il reste difficile à utiliser et requiert plus de temps. Les tuteurs devraient disposer d’un temps d’analyse sur les soins, mais, aujourd’hui, ce n’est pas souvent le cas. En général, les tuteurs ne bénéficient pas de temps dédié à l’encadrement : cela fera partie de nos demandes.
L’I. M : Quelles sont les mesures d’amélioration possibles ?
È. G. : Il faudrait valoriser le tutorat dans les établissements et développer la formation [sur cette fonction]. Aujourd’hui, l’offre de formation s’étale d’une demi-journée à plusieurs mois. Pour comprendre comment a été réfléchi le nouveau référentiel, un ou deux jours ne sont pas suffisants.
Nous aimerions que soit mise en place une formation plus importante, voire un diplôme universitaire.
Cela serait utile, également, qu’un référent existe, dans les établissements, sur l’accueil ou les parcours de l’étudiant, et qu’il ait suivi une formation en sciences de l’éducation.
L’I. M : La Fnesi souhaite-t-elle voir évoluer le portfolio ?
È. G : Nous menons une réflexion sur son utilisation. Aujourd’hui, c’est un cahier dans lequel on écrit, on ne peut pas revenir dessus. Nous aimerions qu’il devienne informatique. Cela permettrait aux étudiants de mieux s’auto-évaluer. Il pourrait y avoir une partie où les tuteurs consigneraient leur évaluation et verraient sur quels points elles concordent, ou pas, avec les auto-évaluations, pour ensuite pouvoir en discuter avec l’étudiant. Cela permettrait aussi aux formatrices référentes des Ifsi de suivre la progression des stagiaires. L’étudiant pourrait y faire ses analyses de pratiques et les partager avec son tuteur et son référent pédagogique. Certains éditeurs ont commencé à utiliser un outil de ce genre, des Ifsi également. Cependant, pour la validation nationale des compétences, il faut toujours une version papier.
L’I. M : Certains tuteurs et professionnels de proximité regrettent qu’il n’y ait plus de MSP. Qu’en pensez-vous ?
È. G. : Les MSP on disparu. C’était une volonté de la Fnesi, car elles étaient devenues très théâtralisées et pouvaient faire perdre leurs moyens à certains étudiants. Des professionnels les regrettent mais, en fait, elles n’ont pas totalement disparu. Il y a encore des mises en situation, qui ne sont plus des « sanctions » pour les stagiaires. Elles constituent un moyen, pour le tuteur, d’encadrer sur les soins, en conservant du temps pour revoir les axes d’amélioration avec l’étudiant. »