L'infirmière Magazine n° 325 du 15/06/2013

 

SUR LE TERRAIN

DOSSIER

Les étudiants témoignent de la façon très hétérogène dont ils sont encadrés sur leurs lieux de stage. Après des années délicates, ils constatent une amélioration de leur encadrement par les tuteurs et les professionnels de proximité.

Une multitude de cas de figure émergent des témoignages des étudiants sur la manière dont ils ont été accueillis et encadrés durant leur stage. Sur l’organisation du tutorat, tout d’abord. Maxime, en troisième année au printemps, se souvient qu’il a pu, deux fois, choisir son tuteur. « Les premiers jours, on s’accorde, on teste nos connaissances, notre niveau, on se tourne vers telle ou telle infirmière ; ensuite, on demande à l’une d’elles si elle veut bien être notre tutrice », raconte-t-il. Une expérience originale, à l’opposé de celle de Marion, en troisième année elle aussi : « Une fois, c’est au cours du dernier jour que l’on m’a présenté ma tutrice. Elle ne m’avait vue que deux fois et n’a pas rencontré les autres infirmières. » Le bilan s’en est ressenti. Marine, en première année ce printemps, a commencé un stage durant les congés de sa tutrice et ne l’a rencontrée que durant la deuxième semaine.

Certains étudiants sont parfois tutorés par des intérimaires (ce qui n’est pas forcément négatif), ou confrontés à un changement de tuteur en cours de route, en raison d’un congé maladie pour l’une, d’une réaffectation d’urgence pour l’autre. Mais, dans ce dernier cas, l’étudiante a été encadrée par un nouveau tuteur plus formé, elle n’y a pas perdu au change ! Aurore, diplômée en novembre 2012, se souvient que lors de ses premiers stages, on ne parlait pas de tuteur mais de « référent ». Étudiante d’une promotion qu’elle qualifie de « cobaye », car elle fait partie de celles qui ont étrenné le nouveau référentiel, elle a dû faire face, quand elle arrivait en stage, à une défiance assez forte de la part des professionnels envers la qualité de la nouvelle formation et sur les capacités des élèves à devenir de bons professionnels. Une infirmière a même refusé de la prendre en charge au motif que cela aurait été une perte de temps, raconte-t-elle. « Une fois que les tuteurs ont commencé à être formés, c’était un peu mieux », poursuit la jeune infirmière. Ces réflexions ont installé le doute dans son esprit, mais elle a pris ensuite le parti de faire ses preuves.

Suivre quel planning ?

Maxime, lui, n’a pas rencontré ce type de situation durant ses trois années d’études. « J’ai plutôt senti une envie commune d’encadrer », apprécie-t-il, et une bonne disponibilité pour répondre à ses questions (ou lui en poser !). « Si les infirmières sont motivées, qu’elles ont envie de nous faire découvrir le service, les pathologies et la façon dont on les prend en charge, cela nous motive encore plus de notre côté », renchérit Sophie, également en troisième année. Elle a observé, sur trois ans, une évolution positive des dispositions des soignants à l’égard des étudiants, qui est allée progressivement de pair avec une meilleure connaissance du nouveau référentiel. D’ailleurs, Marine et Alexandra, une autre étudiante de première année, n’ont pas eu à faire face aux réticences qu’ont essuyées les « pionniers » de 2009. L’attitude des infirmières varie aussi beaucoup. « D’une manière générale, elles m’ont fait confiance », observe, pour sa part, Lucie, alors que Marion regrette d’avoir parfois dû se contenter de les regarder faire. Il arrive que le rôle de tuteur se confonde avec celui de professionnel de proximité, comme dans le cas de Lucie, en troisième année, qui a suivi le planning de ses tutrices lors de la plupart de ses stages. « C’est très bien, car ma tutrice a pu vraiment m’évaluer à la fin de mon stage, commente-t-elle. Elle a également pu se rendre compte de la façon dont je me comporte, et elle m’a plus facilement laissé faire des soins. Quand on change d’infirmière plusieurs fois, il faut refaire ses preuves à chaque fois. » Maxime n’apprécie pas cette configuration : « Ce n’est pas évident de ne côtoyer qu’une seule personne pendant plusieurs semaines, et cela ne nous permet d’observer qu’une seule façon de faire. »

Les étudiants attendent de la part des tuteurs de la disponibilité, une attitude compréhensive, l’envie de les encadrer et une certaine confiance. Lorsque c’est le cas, ils apprécient d’autant plus leur stage. Reste la question du temps. D’une manière générale, les encadrants en disposent de peu, observent-ils. Cependant, « sur certains lieux de stage, remarque Marion, les tuteurs sont très investis ; ils demandent à voir nos portfolios, à connaître nos objectifs, à définir avec eux les compétences que l’on souhaite valider, et ils nous invitent à en parler aux infirmières et à l’évoquer de nouveau au bilan de mi-stage. » Certains leur permettent, en outre, de mener leurs recherches personnelles sur place.

Difficultés pour évaluer

Dans bien des cas, les étudiants se sont transmis, quand elles n’étaient pas fournies par les établissements, les feuilles de suivi au travers desquelles ils font valider, par les professionels de proximité, les soins réalisés et les situations rencontrées. Cela facilite souvent l’utilisation du portfolio, qui s’est d’ailleurs améliorée. Certains stagiaires, comme Chloé, étudiante de deuxième année, ont été confrontés à la difficulté qu’ont certains tuteurs à donner une évaluation s’ils estiment ne pas les avoir suffisamment observés eux-mêmes lors des soins. Lucie évoque le cas d’une infirmière qui n’a pas pris l’avis de ses collègues et qui a rempli le portfolio en dehors de sa présence. « C’était la première fois qu’elle en remplissait un, et elle n’avait pas suivi de formation à ce sujet », précise-t-elle. La complexité du document suscite parfois des interprétations que les étudiants jugent défavorables : en effet, un pansement « complexe » ou « urgent » peut recouvrir des réalités très différentes d’un service à un autre… Maxime a également eu l’impression que les difficultés de compréhension du portfolio ont freiné les évaluations d’un de ses tuteurs, qui ne voulait pas prendre le risque d’indiquer comme acquise une compétence qui ne l’était peut-être pas… Souvent, il a dû apporter des explications sur le document : « En fin de première année, un étudiant m’a donné un document explicatif sur les différents items. Cela m’a beaucoup aidé. » Sinon, les étudiants utilisent toutes les ressources de leur smartphone, au grand étonnement de certains professionnels !

Une confiance grandissante

Ils apprécient aussi de pouvoir anticiper leur stage en consultant, dès l’Ifsi ou à leur arrivée sur un terrain de stage, un livret d’accueil détaillé, qui récapitule le type de pathologies traitées dans le service, les malades pris en charge, les protocoles à suivre, les personnes ressources… « On ne plonge pas dans l’inconnu », souligne Aurore. Et l’arrivée des étudiants se passe mieux.

Par ailleurs, « c’est assez difficile, dans notre nouveau programme, de faire le lien entre les compétences et les cours, estime Lucie. Certains tuteurs prennent le temps de nous expliquer, d’autres, pas du tout. Pour certains, l’encadrement est ancré dans leurs gênes, ils se rendent disponibles et aiment transmettre leur savoir. C’est plus facile pour nous quand on nous encourage à poser des questions. » Maxime a apprécié, d’ailleurs, de pouvoir se tourner vers les formatrices de son Ifsi lorsqu’il en a eu besoin.

Les étudiants semblent, en tout cas, de plus en plus confiants vis-à-vis de leur formation. Ils apprécient d’être évalués sur la durée et non au cours de mises en situation ponctuelles et longtemps décriées. « Je suis fière de sortir de cette nouvelle formation, car elle comporte de nombreuses améliorations », affirme Lucie. Les étudiants ont réalisé, en outre, que les infirmières de l’ancien référentiel ne savaient pas forcément tout faire une fois leur diplôme en poche. L’arrivée dans les services des nouvelles diplômées commence déjà à produire ses effets.

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