FACE AUX VIDES JURIDIQUES - L'Infirmière Magazine n° 329 du 15/09/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 329 du 15/09/2013

 

RESPONSABILITÉ

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES … COLLOQUES

Pour l’infirmière, certaines situations posent problème en termes de responsabilité. Cette année, le congrès international francophone de médecine légale les a passées en revue.

Lors du 48e Congrès international francophone de médecine légale, qui a eu lieu à Marseille fin juin, les infirmières ont eu une place de choix. La première journée était, en effet, consacrée à la responsabilité infirmière et aux aspects éthiques. Pour ouvrir les débats, Carole Aigouy, doctorante en droit de la santé, a tenté de rassurer l’assistance : « Seule l’infirmière libérale risque de voir sa responsabilité personnelle engagée. » Quant à celle de l’infirmière salariée, elle ne peut être mise en cause que lors de fautes détachables du service(1). « La majorité des poursuites concernent les médecins », a précisé la chercheuse. Mais, certaines situations sont problématiques. « Dans le cadre des transferts de compétences, les professionnels sont autonomes », a alerté Laure Jaeger, doctorante en droit de la santé. En dehors des protocoles de coopération, « rien, dans le droit français, ne permet à un professionnel de santé de déléguer des actes relevant de ses compétences ».

Aucun statut

Dès lors, quid de la responsabilité ? « Même dans le cadre d’un protocole avec l’ARS, il y a cette carence. Rien n’est dit en termes de responsabilité », relève Laure Jaeger. Un vide juridique également pointé par Chantal Aymard, infirmière et professeur à l’université d’Aix-Marseille, qui évoque les responsabilités des infirmières de pratiques avancées lorsqu’elles sont chargées du renouvellement de certaines ordonnances. « Il n’y a pas de statut. Tout va bien tant qu’il n’y a pas de problème, a renchéri Karen Inthavong, directrice des soins au CHU de La Timone (Marseille). Il faut sécuriser le transfert de compétences. »

Consentement

La prescription médicale peut également être source de litiges. Pour Walter Hesbeen, infirmier, docteur en santé publique et professeur associé à la Faculté de santé publique de l’université de Bruxelles, ce « n’est pas une ordonnance. On ne peut pas forcer un professionnel paramédical à agir dans un sens ou dans un autre. L’infirmière a le droit de ne pas suivre une prescription qui lui semble contraire au souhait du patient ou à son propre jugement ». Et Carole Aigouy de souligner que « le consentement du patient est rappelé dans la loi bio-éthique ». Une notion à laquelle la Suisse semble attacher plus d’importance que la France. « En Suisse, c’est un engagement citoyen. Chacun est responsable. Le consentement du patient n’est pas du tout anodin », remarque Marion Fisher-Lereshe, infirmière enseignante, éthicienne au centre hospitalier universitaire vaudois, à Lausanne. Mais, cette notion est fragile. « Si le dialogue est coupé, c’est à ce moment-là que le patient nous demandera des comptes », poursuit Marion Fisher-Lereshe. Et, que faire lorsque la prescription semble inappropriée et que le médecin refuse toute discussion ? « Interpellez votre cadre ! Arrêtons la soumission », insiste Karen Inthavong. La directrice des soins suggère quelques conseils de base : réclamer une prescription écrite, la consigner dans le dossier de soins, et toujours garder en ligne de mire le bien-être du patient. Autant de pistes pour se couvrir en cas de litige. A fortiori sachant que « le droit ne prévoit pas expressément la notion de libre arbitre du soignant », relève Carole Aigouy.

Alerte

L’alerte est une obligation légale lorsqu’une prescription n’est pas conforme. « En cas de carence de la part de la hiérarchie, vous pouvez aussi alerter le conseil de l’ordre », ajoute Patrick Chamboredon, président du conseil inter-régional Paca-Corse de l’ordre des infirmiers. Cependant, dans la région Paca, seules 33 à 35 % des IDE sont inscrites à l’Ordre. Or, « les grandes compagnies d’assurance, comme la MACSF notamment, ne couvrent pas une infirmière qui ne s’est pas inscrite à l’Ordre », a-t-il rappelé.

1- Il s’agit d’une faute personnelle du salarié, qui se définit comme un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique.