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LE POINT SUR
Douloureux et potentiellement handicapant lorsqu’il n’est pas pris en charge rapidement, le syndrome du canal carpien est définitivement réversible, au prix d’un traitement chirurgical dont les techniques peu invasives sont aujourd’hui bien codifiées.
Le canal carpien est un espace limité par une arche osseuse formée par les petits os du carpe et un ligament rigide transverse (ligament annulaire antérieur), qui constitue le toit du canal. Il contient les tendons fléchisseurs des doigts et le nerf médian, qui assure la sensibilité du pouce, de l’index, du majeur et d’une partie de l’annulaire. Il innerve aussi certains muscles de la base du pouce et contrôle les sensations de douleur, la température et la transpiration de la main. Le syndrome du canal carpien (SCC) résulte de la compression du nerf médian. Les atteintes bilatérales sont assez fréquentes, mais les symptômes ne prédominent pas forcément au niveau du poignet du membre supérieur dominant.
La principale cause du SCC est génétique. L’hyper-appui (postures en lien avec certaines professions, voir infographie p. 36), les sollicitations mécaniques des tendons (efforts répétitifs habituels ou inhabituels, vibrations), l’inflammation des tendons causée par des mouvements répétitifs de flexion-tension du poignet ou certaines maladies inflammatoires (rhumatisme) ou endocriniennes (diabète) constituent des facteurs favorisant l’apparition des troubles sur un terrain génétique de prédisposition. Le tabac et l’obésité sont soupçonnés d’influencer leur apparition.
Les femmes sont deux fois plus exposées que les hommes, pour des raisons probablement liées aux modifications hormonales. Deux périodes de leur vie (fin de la grossesse, ménopause) sont particulièrement favorables au développement du SCC du fait de la prise de poids et de l’œdème consécutifs au défaut d’imprégnation estrogénique. Il en résulte une modification de l’élasticité des tendons, qui grossissent et compriment le nerf, ce qui provoque l’apparition des symptômes.
Le SCC est une maladie professionnelle reconnue lorsqu’il est bilatéral et que le patient est exposé par son travail à des risques de TMS. C’est notamment le cas de toutes les professions entraînant des activités répétitives de la main et du poignet, une flexion prolongée des doigts, un stress mécanique de la paume et des vibrations (voir infographie).
Les symptômes se manifestent par des paresthésies (fourmillements, engourdissements, picotements) qui peuvent intéresser certains doigts ou toute la main et surviennent en deuxième partie de la nuit. Si le syndrome n’est pas diagnostiqué, il peut évoluer et conduire à la parésie et à l’atrophie de l’éminence thenar (ensemble des muscles intrinsèques qui animent l’opposition du pouce et des autres doigts), voire même à une perte complète de la sensibilité cutanée des trois premiers doigts, qui affecte l’exécution de travaux fins et, plus généralement, la vie diurne et le travail.
D’autres pathologies peuvent ressembler à ce syndrome, ce qui justifie d’écarter un diagnostic différentiel grâce à un examen objectif et à une bonne anamnèse des manifestations cliniques. Celles-ci peuvent être identifiées, reproduites et mesurées par différents tests (test de Phalen, test du trouble de la reconnaissance de petits objets
Le traitement médical répond aux syndromes débutants ou contextuels lorsque l’EMG a révélé une compression minime à modérée avec atteinte sensitive mais sans atteinte motrice. Il repose sur le port d’une attelle jour et nuit pour immobiliser le poignet durant quelques semaines ou encore, lorsqu’elle n’est pas contre-indiquée, sur la réalisation d’infiltrations de corticoïdes, qui ne doivent pas être répétées plus de trois fois ou à moins de deux semaines d’intervalle au risque de fragiliser les tendons et d’atrophier le nerf. Cela dit, les études ont montré que seul le traitement chirurgical permet de soulager définitivement la compression du nerf médian.
Il peut être pratiqué à « ciel ouvert » ou par vidéo-chirurgie (voir infographie). Elle consiste à sectionner le ligament antérieur afin de soulager la pression et de dégager le nerf médian. À trois mois, les résultats objectifs (récupération du nerf par électromyogramme) et subjectifs (ressenti des patients) des différentes techniques sont identiques au regard de l’ensemble des études réalisées. Dans la majorité des cas, l’intervention est pratiquée sous anesthésie loco-régionale, voire locale, en ambulatoire.
Première semaine après l’intervention :
- placer la main au-dessus du niveau du cœur ;
- pour éviter l’engourdissement, l’œdème et les douleurs pulsatiles, lever la main très haut au-dessus de la tête, et bouger les doigts une ou deux fois par heure Pendant les deux premiers mois : se servir le plus normalement possible de sa main (autorééducation), tout en évitant les gestes de force, pour favoriser la cicatrisation et éviter des douleurs.
Les risques génériques de la chirurgie sont rares, mais ils existent : hématome, infection, algodystrophie. Les complications spécifiques (plaies vasculaires, lésions tendineuses et nerveuses) sont liées à la technique utilisée ou à l’abord chirurgical, ou encore à certaines variantes anatomiques (ligament très court, par ex.) susceptibles d’entraîner une erreur chirurgicale : blessure, voire section d’une branche distale du nerf ou d’un tendon fléchisseur d’un doigt. Néanmoins, ne pas intervenir ou le faire trop tard présente aussi des risques car, sous l’effet de la compression, le nerf s’aplatit et ne peut plus revenir à son empreinte initiale. Dès lors, la récupération du nerf sera toujours incomplète. Les récidives, extrêmement rares, sont généralement liées à un défaut technique (section incomplète du ligament annulaire, notamment) ou surviennent à un âge avancé chez des patients opérés très jeunes.
1- À l’aide de microfilaments de section plus ou moins importantes appliqués sur le doigt, ce qui permet de tester la sensibilité du doigt en fonction de la taille du fil.
> Pour Diane W., les premiers symptômes sont survenus la nuit. Réveillée par des fourmillements et un engourdissement de sa main « quasi paralysée ». « Cela m’empêchait de dormir, au point de passer des nuits blanches. » Chauffeur poids lourds, Diane utilisait alors des machines vibrantes (plaque vibrante, cylindre) sur les chantiers. Tout d’abord limitées à la main, les douleurs évoluent très rapidement jusqu’à envahir tout le bras. Un électromyogramme révèle un SCC et une perte de la force du poignet, nécessitant une intervention chirurgicale en urgence. À l’opposé, pour Nathalie S., comptable, le diagnostic a été posé après dix ans de gêne nocturne, lorsque les symptômes ont commencé à perturber sa vie diurne et son travail. Opérée en ambulatoire, elle n’a aujourd’hui qu’un seul regret : « Ne pas m’être décidée à consulter plus tôt, car les symptômes ont disparu dès l’intervention terminée. »
> HAS, Syndrome du canal carpien. Optimiser la pertinence du parcours patient, 2013. http://petitlien.fr/6pzj
> L. Patry, M. Rossignol, M.-J. Costa, M. Baillargeon. « Le syndrome du canal carpien – Guide pour le diagnostic des lésions musculo-squelettiques attribuables au travail répétitif ». Éd. MultiMondes, 1997, 48 p.
> N. Aouni, Y. Aouadi. « Le syndrome du canal carpien – Approche diagnostique et thérapeutique à propos d’une série de 76 cas ». Éd. Universitaires européennes.
> INRS 2011, Prévention des TMS des membres supérieurs.