L'infirmière Magazine n° 330 du 01/10/2013

 

VIOLENCES

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES … ÉTABLISSEMENTS

L’hôpital Nord et de la Conception ont été le cadre de deux agressions de soignants au cours des dernières semaines. Le plan de prévention annoncé par la direction de l’AP-HM suscite des réactions mitigées.

Marseille. Urgences de la Conception. Des coupures de journaux placardées dans la salle d’attente et à l’accueil rappellent l’événement qui a bouleversé le service le 18 août. Ce jour-là, l’infirmier d’accueil et d’orientation est agressé par trois jeunes, venus se faire soigner après avoir causé la mort d’un homme sur le Vieux-Port. Blessé par arme blanche, l’infirmier s’en sort avec dix jours d’arrêt de travail et un fort choc psychologique.

Dès le lendemain, l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) annonce qu’elle va mobiliser 24 h/24 ses équipes de gardiennage sur le site de l’incident et fixe deux réunions extraordinaires du comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail (CHSCT). À cela s’ajoute un travail mené en partenariat avec la préfecture, l’ARS et les élus municipaux, qui doit déboucher sur un diagnostic.

Le 9 septembre, un nouveau CHSCT a lieu. Cette fois, la direction propose un plan de prévention décliné en 30 mesures. Il y est question d’actions de tout ordre, comme « limiter les points d’entrée la nuit », « équiper certains personnels de dispositif d’appel individuel », « accompagner l’agent dans les démarches de plaintes et l’informer des suites ­données à un dépôt de plainte » ou encore « compléter la formation des personnels ». Des pistes concernent plus spécifiquement les urgences : développer davantage la vidéosurveillance, le service de vigiles, ou revoir l’organisation matérielle des salles d’attente. Il s’agit, d’abord, d’améliorer la réactivité des services de police dans le cadre du dispositif Ramses. Déjà en place dans les établissements, ce système permet une liaison directe avec le commissariat de Marseille. Nouveauté : la mise en place d’agents de médiation dans différents services en tension.

« Mesurettes »

Pour Force ouvrière, syndicat majoritaire de l’AP-HM, ce ne sont là que des « mesurettes ». Aussi s’est-elle abstenue lors du vote, tout comme la CFDT. Seule la CGT a approuvé ce plan, tout en annonçant qu’elle restera vigilante quant à sa mise en œuvre. « Nous ne sommes pas du tout pour que la police soit présente dans l’hôpital, juge, pour sa part, Marie-Dominique Biard, secrétaire générale de la Coordination nationale infirmière à l’AP-HM(1). C’est pourquoi ce plan va dans le bon sens. Il est dommage que ce soit fait dans l’urgence… » Le syndicat plaide pour une augmentation des effectifs et l’anonymisation des blouses.

Malgré cette réflexion au sommet, à la Conception, les soignants demeurent perplexes. « Chaque fois que l’on va travailler, on se dit qu’il va se passer un incident, murmure l’une d’entre eux. Des agressions ont lieu tous les jours. C’est souvent verbal. Et, bien sûr, on ne porte pas plainte. » Une réaction tout à fait banale.

Enquête judiciaire

Quelques jours avant le CHSCT de septembre, le journal La Provence évoquait une « prise en otage » de personnels soignants aux urgences de l’hôpital Nord, qui se serait déroulée en août et aurait été passée sous silence. Les personnels auraient refusé de porter plainte par crainte de représailles, selon la direction. Cette révélation a conduit à l’ouverture d’une enquête judiciaire et a mis en lumière une sorte d’« accoutumance » des soignants à la violence.

Le plan de l’AP-HM suffira-t-il à enrayer la situation ? À voir… La direction prévient qu’elle « ne parviendra pas seule à mettre en œuvre, dans le calendrier contraint qu’elle s’impose, le présent plan, qui nécessitera un accompagnement financier exceptionnel extérieur pour certaines de ses mesures ».

1- La CNI n’est pas représentée au CHSCT, mais au comité technique d’établissement.