BIENTRAITANCE
ACTUALITÉ
DU CÔTÉ DES … COLLOQUES
L’application de la démarche de bientraitance élaborée pour les hôpitaux et les Ehpad peut poser problème : jusqu’où aller dans le respect des droits des résidents ? Et les établissements peinent à signaler les actes de maltraitance, de peur d’être mal perçus.
Depuis 2007, les ministres de la Santé successifs sensibilisent les établissements de santé et des maisons de retraite aux concepts de bientraitance et de maltraitance. Des questions qui restent, hélas, au cœur de l’actualité. L’affaire de Chaville (Hauts-de-Seine), où une dame de 94 ans a été expulsée de son Ehpad, en janvier, pour cause de facture impayée, est encore dans les esprits. Et la fermeture administrative récente d’une maison de retraite par la préfecture du Rhône, suite à de « nombreux dysfonctionnements », n’a fait que raviver les inquiétudes.
« De la réflexion à l’action » – intitulé du colloque organisé par le conseil général de l’Essonne, le 17 septembre, nombre de questions demeurent en suspens. De fait, le signalement pose encore problème. « Signaler une situation de maltraitance est encore trop souvent perçu comme un aveu de faiblesse ou d’échec, regrette Dominique Terrasson, chef de projet « maltraitance » au ministère de la Santé. De plus, il est légitime de s’interroger : où commence la maltraitance ? La lenteur des réactions des partenaires, notamment de la justice, est aussi un frein au signalement. » Pourtant, mieux vaut déclarer un événement. « Une agence régionale de santé trouvera davantage suspect un établissement qui ne signale jamais d’actes de maltraitance qu’un autre qui jouera la transparence », commente Didier Charlanne, directeur de l’Agence nationale de l’évaluation sociale et médico-sociale (Anesm). Pour se positionner, le mieux est d’en parler au cours de séances d’analyse des pratiques, selon Dominique Terrasson.
Qu’en est-il du volet bientraitance ? Promouvoir le bien-être des résidents en partant des compétences dont dispose le personnel, c’est l’option choisie par l’Ehpad Mélavie, à Montgeron, dans l’Essonne. Depuis l’organisation des « Olympiades du bien-être », en juin dernier, une dizaine d’ateliers sont proposés régulièrement aux résidents, animés par des membres du personnel. Une infirmière assure, ainsi, des séances de réflexologie plantaire.
Pour Geneviève Ruault, déléguée générale de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG), la bientraitance consiste aussi à savoir repérer les facteurs de fragilité menant à la dépendance ou les signes évocateurs d’un mal-être. La SFGG a lancé récemment un outil destiné à prévenir la dépression et le suicide chez les personnes âgées. En effet, les plus de 65 ans représentent 28 % des 10 000 suicides recensés chaque année en France.
Mais, les établissements se sentent parfois pris en tenailles entre la liberté, le bien-être et le respect des droits des résidents, et la protection qu’il faut prodiguer à ceux qui n’ont plus toutes leurs facultés cognitives. Pour autant, faut-il ouvrir la porte des maisons de retraite et Ehpad au contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui visite régulièrement prisons et hôpitaux psychiatriques ? Fin 2012, Jean-Marie Delarue avait jeté un pavé dans la mare en formulant cette proposition. « Nos rapports décrivent minutieusement ce qui se passe à l’intérieur des hôpitaux psychiatriques. Ce travail pourrait être transposé aux Ehpad, plaide Aude Muscatelli, secrétaire générale des lieux de privation de liberté. La question du respect des droits fondamentaux, des liens avec l’extérieur, se pose. » Une initiative accueillie avec méfiance par certains représentants des établissements. « Des réunions ont été menées avec les représentants des maisons de retraite pour désamorcer les inquiétudes », assure Aude Muscatelli. La balle est maintenant dans le camp du gouvernement, qui doit se prononcer sur cette proposition.
De son côté, Paulette Guinchard, présidente de la Fondation nationale de gérontologie, insiste sur « la notion du risque à vivre, du risque à prendre dans les discussions sur la bientraitance ». Elle cite l’exemple d’une maison de retraite à Montreux, en Suisse, dont les portes sont en permanence ouvertes vers l’extérieur… À l’arrivée de chaque nouveau résident, ses proches signent un document attestant qu’ils sont conscients des risques encourus. L’équation n’est donc pas insoluble.