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QUESTIONS SUR
Je suis infirmière dans un Ehpad. Ai-je le droit de confier l’étape de l’administration des médicaments aux AS et aux AMP ?
L’étape d’administration consiste à permettre au résident de prendre seul son médicament après vérification ou à l’aider à le prendre tout en contrôlant sa prise effective. L’administration peut être réalisée en collaboration avec les AS et les AMP sous la responsabilité de l’infirmière et sous certaines conditions.
Selon le dictionnaire français de l’erreur médicamenteuse (SFPC), l’administration des médicaments est un « ensemble d’activités assurées par un soignant et comportant, à partir de la prise de connaissance de l’ordonnance : la préparation extemporanée conformément aux recommandations des modalités d’utilisation du résumé des caractéristiques du produit (RCP) ; les contrôles préalables (« 3P3 : prescription versus produit versus patient) ; l’administration proprement dite du médicament au patient ; l’information du patient ; l’enregistrement de l’administration. Il s’agit de l’une des étapes du circuit du médicament. »
La Haute autorité de santé (HAS) énonce les principaux enjeux : l’acte d’administration consiste à faire prendre le bon médicament au bon patient, à la bonne posologie, au bon moment, par la bonne voie, tout en contrôlant la prise effective du traitement.
– Le bon médicament : choisir la bonne forme galénique adaptée à l’état du patient en gériatrie est un enjeu majeur du fait des troubles fréquents de déglutition et des difficultés de maniement des médicaments lorsque le patient se les administre lui-même.
– Le bon moment : respecter le délai entre deux administrations d’un même médicament pour un même patient et les conditions d’administration par rapport aux repas.
– Le bon patient : rester vigilant sur l’identité du patient malgré sa présence au long cours ; vérifier l’identité pour tous les patients et s’assurer de la correspondance avec l’identification du médicament.
– La bonne surveillance : prendre en compte la sensibilité accrue des personnes âgées aux effets des médicaments.
L’administration des médicaments fait partie des actes que l’IDE est habilitée à pratiquer « soit en application d’une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d’un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin » (art. R. 4311-7 du CSP).
Dans le cadre de son rôle propre, défini par les dispositions de l’article R. 4311-5 du CSP, alinéas 4°, 5° et 6°, l’IDE aide à la prise des médicaments présentés sous forme non injectable, vérifie leur prise, surveille leurs effets et assure l’éducation du patient. Pour rappel, l’IDE « est personnellement responsable des actes professionnels qu’il est habilité à effectuer. Dans le cadre de son rôle propre, il est également responsable des actes qu’il assure, notamment, avec la collaboration des AS qu’il encadre ». (art. R. 4312-14 du CSP).
« Lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social, l’infirmier ou l’infirmière peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d’aides-soignants, d’auxiliaires de puériculture ou d’aides médico-psychologiques qu’il encadre et dans les limites de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation. Cette collaboration peut s’inscrire dans le cadre des protocoles de soins infirmiers mentionnés à l’article R. 4311-3 » (art. R. 4311-4 du CSP).
Sous ces conditions et de par leur formation (arrêté du 22 octobre 2005 relatif à la formation conduisant au diplôme d’État d’aide-soignant ?, annexe I : Référentiel de formation du diplôme professionnel d’aide-soignant), les AS peuvent, sous la responsabilité des IDE et dans le cadre de l’aide aux soins réalisés par ces derniers, aider à la prise des médicaments présentés sous forme non injectable.
Lorsque le traitement n’est pas administré par l’IDE, il lui incombe :
– d’organiser la collaboration avec les AS en contrôlant leurs connaissances, leurs compétences et leurs pratiques ;
– de transmettre les instructions nécessaires à la bonne administration ;
– de coordonner les informations relatives aux soins, notamment dans le dossier du résident.
L’AS devra, notamment :
– respecter les consignes écrites de l’IDE ;
– transmettre précisément à l’IDE les informations importantes comme la non-prise d’un médicament ;
– signaler tout événement anormal concernant un résident ou toute difficulté rencontrée.
La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a introduit les dispositions suivantes dans le Code de l’action sociale et des familles (CASF) :
« Au sein des établissements et services mentionnés à l’article L. 312-1, lorsque les personnes ne disposent pas d’une autonomie suffisante pour prendre seules le traitement prescrit par un médecin à l’exclusion de tout autre, l’aide à la prise de ce traitement constitue une modalité d’accompagnement de la personne dans les actes de sa vie courante. L’aide à la prise des médicaments peut, à ce titre, être assurée par toute personne chargée de l’aide aux actes de la vie courante dès lors que, compte tenu de la nature du médicament, le mode de prise ne présente ni difficulté d’administration ni d’apprentissage particulier. Le libellé de la prescription médicale permet, selon qu’il est fait ou non référence à la nécessité de l’intervention d’auxiliaires médicaux, de distinguer s’il s’agit ou non d’un acte de la vie courante. Des protocoles de soins sont élaborés avec l’équipe soignante afin que les personnes chargées de l’aide à la prise des médicaments soient informées des doses prescrites et du moment de la prise » (art. L. 313-26 du CASF).
Ainsi, dans ce cas précis, toute personne chargée de l’aide aux actes de la vie courante peut donc assurer cette aide à la prise des médicaments à condition d’être suffisamment informée des doses prescrites aux personnes concernées et du moment de leur prise dans le cadre d’un protocole de soins individualisé.
En application des dispositions de l’article L. 313-26 du CASF, le libellé de la prescription médicale doit être explicite. À défaut de mention, sur cette prescription, de la nécessité de l’intervention d’auxiliaires médicaux, l’aide à la prise médicamenteuse est considérée comme une aide aux actes de la vie courante. L’article L. 313-26 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) concerne :
– tout aidant (pas seulement l’aide-soignant) suffisamment informé ;
– les médicaments prescrits, à l’exclusion de tout autre ;
– les médicaments pour lesquels le mode de prise ne présente ni difficulté particulière d’administration, ni apprentissage spécifique ;
– à la condition que la prescription ne vise pas expressément l’intervention d’auxiliaires médicaux ;
– et que les médicaments aient été préparés par le personnel infirmier.
Toutes ces conditions doivent être réunies. Compte tenu des organisations déjà existantes dans les Ehpad et de la nécessité de disposer de procédures simples et sécurisées touchant au circuit du médicament, il apparaît souhaitable de confier prioritairement à l’équipe soignante (IDE, AS), l’administration et l’aide à la prise des médicaments. Dans le cas où l’aide à la prise d’un médicament est réalisée en tant qu’acte de la vie courante, il convient de s’assurer de l’aptitude de la personne qui en est chargée.
Il convient de :
– s’assurer de la concordance entre l’identité du résident, celle figurant sur la prescription médicale et celle mentionnée sur tout contenant utilisé ;
– veiller à la concordance entre la prescription et les doses préparées ;
– veiller à ce que chaque médicament soit administré selon les modalités prévues par le prescripteur et, le cas échéant, par le pharmacien ;
– faire appel à un médecin, en cas de doute.
L’enregistrement de l’étape d’administration proprement dite des médicaments, c’est-à-dire de leur prise effective par le résident apparaît comme une étape importante du circuit du médicament. Il permet d’attester que le traitement a bien été administré. En l’absence de réglementation spécifique aux établissements médico-sociaux ne disposant pas de pharmacie à usage intérieur, il est souhaitable que cet enregistrement soit réalisé en temps réel et mentionne a minima, les incidents d’administration, dont les non prises afin de déterminer une conduite à tenir. En outre, et dans la mesure du possible, le support peut permettre d’enregistrer, pour chaque médicament : la date ; l’heure d’administration ; l’identité du personnel l’ayant assurée. L’enregistrement peut être assuré sur un support papier ou informatisé et classé dans le dossier médical du résident.
Cette surveillance est assurée par le médecin et l’IDE. Dans le cadre de son rôle propre, défini par les dispositions de l’article R. 4311-5 du CSP, l’IDE aide à la prise des médicaments présentés sous forme non injectable, vérifie leur prise et surveille leurs effets.
Cette surveillance thérapeutique est fondée sur l’observation de la personne afin de déceler tout signe potentiellement révélateur d’une anomalie. Il s’agira notamment de repérer les troubles de la déglutition. Elle permet également de s’assurer de l’efficacité thérapeutique du médicament prescrit. Elle peut conduire à la réévaluation d’un traitement.
Elle doit amener le personnel à réagir face à tout événement anormal, même mineur, pouvant avoir des conséquences pour le résident. Il convient de ne jamais oublier que tout symptôme clinique peut être l’expression d’un effet indésirable médicamenteux et de toujours penser aux médicaments en cas d’altération rapide et inexpliquée de l’état clinique d’un résident. Dans un établissement médico-social tel qu’un Ehpad, l’article R. 4311-4 du Code de santé publique permet, sous la responsabilité de l’IDE, d’assurer l’aide à la prise des médicaments et la surveillance thérapeutique, avec la collaboration des aides-soignantes et des aides médico-psychologiques qu’elles encadrent. Cependant, le même article précise bien que cela se déroule « dans la limite de la qualification reconnue de ces derniers du fait de leur formation ». Le texte dispose que la mission de l’aide-soignant et/ou de l’aide médico-psychologique est, en fait, d’apporter le traitement au patient. Le texte ne demande ni un contrôle ni un enregistrement d’administration, de la part de l’AS ou de l’AMP. Un Ehpad est peu doté en IDE. Aussi la tâche d’administration des médicaments est confiée aux AS et AMP, et la collaboration réglementaire devient alors une délégation.
Les référentiels spécifiques au secteur médico-social sont dédiés à la prescription médicamenteuse, comme « Les bonnes pratiques de soins en Ehpad » et « Prescription médicamenteuse chez le sujet âgé », mais très peu concernent les bonnes pratiques d’administration. Le guide d’autoévaluation du référentiel « Application nationale pour guider une évaluation labellisée interne de la qualité pour les usagers des établissements » (Angelique) contient plusieurs items relatifs aux médicaments, mais n’émet aucune exigence sur la gestion des risques liés à leur administration.
> L’administration des médicaments impliquant un acte technique (injections, aérosols, alimentation entérale…) est de la compétence exclusive de l’IDE.
> L’aide à la prise, acte relevant du rôle propre de l’IDE, peut être assurée en collaboration avec un aide-soignant ou un aide-médico-psychologique.
> L’acte d’administration est suivi de son enregistrement, puis de la surveillance thérapeutique afin d’observer les effets du médicament sur les symptômes et de déceler les éventuels effets indésirables ou secondaires.
> Selon les recommandations, la distribution des médicaments préalablement préparés, leur administration proprement dite, après contrôles, et l’enregistrement de l’administration sont réalisés par la même personne.
> Les problèmes :
– Liés à l’hygiène.
– De modification de la posologie.
– De modification de la biodisponibilité du produit.
– L’irritabilité des voies d’ingestion.
– De matériels mis à la disposition en soins non conformes.
– L’inhalation possible par les professionnels.
– Des interactions médicamenteuses amplifiées.
– L’écrasement des médicaments peut être la seule solution pour un traitement au long cours, mais peut altérer leur efficacité.
– Il expose à des risques pour les malades (interactions chimiques, disparition de formes galéniques spécifiques, toxicité, surdosage, sous-dosage, altération des propriétés pharmacologiques par le véhicule utilisé…) et pour les soignants (toxicité directe, allergie…).
> Les préconisations :
– S’assurer que la voie per os est la mieux adaptée : tracer sur la feuille de prescription les difficultés de l’administration per os.
– Vérifier systématiquement si le médicament est broyable, sécable, ou peut être ouvert : liste des médicaments non broyables non sécables en cas de doute, contacter le pharmacien.
– Ne mélanger deux médicaments qu’après avis du pharmacien.
– Utiliser des matériels sécurisés écraseurs-broyeurs.
– Respecter les règles d’hygiène après chaque médicament (matériel, mains surface).
– Réaliser la préparation au plus proche de l’administration.
– Utiliser une substance véhicule neutre de type eau ou eau gélifiée.
Source : HAS Sécurisation et autoévaluation de l’administration des médicaments. Fiche 3 : Administration en gériatrie. En ligne sur www.has-sante.fr/guide/SITE/geriatrie.htm