L’E-LEARNING - L'Infirmière Magazine n° 332 du 01/11/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 332 du 01/11/2013

 

FORMATION CONTINUE

L’ESSENTIEL

Les évolutions de la réglementation, des technologies et des modes de prise en charge ainsi que les tensions budgétaires influent sur la façon d’exercer le métier d’infirmière, mais aussi de l’apprendre. L’e-learning apparaît de plus en plus comme une solution – à défaut d’être encore beaucoup pratiqué. Dans ce dispositif, en formation initiale ou continue, les « apprenants » recourent au numérique, le formateur n’étant plus toujours présent à leurs côtés. Mais l’e-learning n’est pas en soi un objectif : il est un moyen, un outil. Il s’intègre dans une vision transversale de la formation, comme un complément possible aux modules plus classiques, en groupe, en « présentiel ». Il répond à des besoins, et n’est pas utilisé seul : l’accompagnement des apprenants reste nécessaire. Si elle n’apporte pas de plus-value, la formule risque d’apparaître comme un pis-aller, un cache-misère. Comme une mode – davantage qu’un mode – pédagogique.

1. L’OUTIL E-LEARNING

Une définition variable

La Commission européenne définit l’e-learning comme « l’utilisation des nouvelles technologies multimédias et de l’Internet pour améliorer la qualité de l'apprentissage en facilitant l’accès à des ressources et des services ainsi que les échanges et la collaboration à distance »(1). Le Robert, dictionnaire de référence, décrit plus basiquement un « mode d’apprentissage à distance utilisant les moyens de communication d’Internet ». L’anglicisme « e-learning » sous-entend donc un recours à Internet – ou au réseau interne d’un établissement. Mais, comme dans tout domaine récent, la définition des termes ne fait pas consensus, même entre les membres d’une institution. Il est possible de donner au « e » d’e-learning, « e » pour électronique, un sens plus large, impliquant un recours à un outil numérique, avec le passage fréquent – mais pas systématique – par un réseau. Ce recours aux technologies range l’e-learning dans la catégorie des formations ouvertes et/ou à distance(2).

Les raisons du développement

À l’origine, la diffusion de l’e-learning ciblait les candidats préparant leurs concours à distance. Puis, son usage s’est élargi. D’abord pour des raisons financières. Certes, de leur conception à leur commercialisation, la mise au point d’outils informatiques utilisables à distance exige de l’argent et du temps : 500 heures de travail préalables, selon certains, pour proposer une heure de formation à distance. Le client, lui, règle, par exemple, un abonnement. Mais, pour le concepteur de l’outil, le nombre d’apprenants rentabilise l’investissement, surtout si la thématique explorée est stable (évitant des mises à jour). Pour un établissement, une formation « en distanciel » coûte cinq fois moins cher par professionnel qu’une formation classique « en présentiel », en groupe et avec un animateur. La différence est même plus grande, selon d’autres estimations. Comment s’expliquent ces économies ? En premier lieu, une formation à distance réduit – voire supprime – la nécessité d’un formateur. Comme elle réunit le personnel quatre fois moins longtemps qu’une formation en présentiel, celui-ci est davantage disponible pour le planning. Il s’avère aussi plus facilement mobilisable, surtout s’il travaille de nuit ou pour un remplacement. En outre, les établissements ne disposent pas tous des formateurs adéquats. En termes logistiques, nul besoin de payer des frais de déplacement ou d’hébergement. L’obligation nouvelle de développement professionnel continu (DPC) pour chaque professionnel de santé rend encore plus complexe cette problématique économique et matérielle. Mais d’autres avantages de la formation numérique se dessinent : un aspect ludique, avec des images et des animations (rendant plus agréable, par exemple, l’apprentissage d’un austère texte de loi) ; un moyen de disposer de preuves informatiques sur la maîtrise des risques (en vue d’une certification par la Haute Autorité de santé) ; une répétition de protocoles par une infirmière, sans danger pour le patient (et, sans doute, avec un stress moindre pour l’infirmière)… A priori, un employé a son mot à dire sur le choix de cette formation et celui de l’organisme, du moins dans le cadre d’un dispositif tel que le droit individuel à la formation (DIF). Cela est moins vrai dans le cadre du plan de formation d’une institution. Ce sont plutôt les intérêts de l’établissement qui motivent le choix de telle ou telle formation.

2. UNE SOPHISTICATION CROISSANTE

L’e-learning repose sur des outils de formes et de complexités diverses, mis à disposition par les établissements de formation et/ou leurs prestataires. Sur les plans pédagogique et informatique, le degré zéro consiste à simplement mettre en ligne un contenu, un cours, que des étudiants en soins infirmiers (ESI) ou des infirmières consultent, voire téléchargent. Sur des plates-formes(3) accessibles par réseau, les institutions peuvent déposer ces documents ou des exercices, comme des quiz ou des questionnaires à choix multiple (QCM) pour s’entraîner ou s’évaluer, avec des corrections qui changent selon la réponse donnée – bonne ou mauvaise. L’e-learning désigne aussi des moyens de communication. Enseignants et apprenants peuvent entrer en contact par l’intermédiaire des plateformes. De même, les ESI se retrouvent à distance sur un forum de discussion, sur Internet, pour analyser leurs pratiques en période de stage. Internet offre, par ailleurs, d’autres possibilités pédagogiques, par exemple pour des ESI qui déposent sur l’encyclopédie en ligne Wikipédia un article bâti en groupe. Même exercice concevable pour une vidéo.

Il est possible d’organiser une classe virtuelle, mélange d’e-learning et de présentiel : le formateur et les apprenants (jusqu’à dix dans l’idéal) sont mobilisés à distance les uns des autres, mais au même moment. Grâce aux animations visuelles et sonores, les technologies numériques permettent de replonger les professionnels dans leur contexte de travail, de mener des études de cas interactives. Ce type d’immersion passe notamment par le « serious game, », ou « jeu sérieux », un support pédagogique élaboré. L’avatar numérique de l’appprenant se trouve dans une situation recomposée numériquement, et son action a des conséquences sur les événements. Pour schématiser, de mauvaises décisions font mourir le malade virtuel. Un jeu sérieux installé directement sur un poste informatique s’exécute, en théorie, sans passer par Internet. Dans ses versions les plus avancées, le numérique – à distance ou non – permet, enfin, de se replacer dans une situation réaliste au travers de la simulation d’actes, par exemple sur des mannequins. Quand le monde réel est « augmenté » d’images ou de sons virtuels, on parle, enfin, de réalité augmentée. Exemple imaginé par Jérôme Poulain, de la société Audace : l’apprenant regarde une vraie chambre de patient mais, en mettant des lunettes, y découvre virus et bactéries – « une prise de conscience du milieu réel, invisible à l’œil nu ». En dehors de cette hiérarchie technologique des outils, un même instrument peut être amélioré, par la reformulation d’un énoncé mal compris, une mise à jour en fonction de la réglementation, le renouvellement de contenu ou encore l’adaptation selon les apprenants – en ornant un quiz du logo d’un établissement ou encore en ajoutant aux étapes d’un serious game un document non obligatoire au regard de la législation mais mis en place dans tel hôpital spécifique.

3. L’E-LEARNING EN ACTION

Des objectifs d’une formation dépendent la forme de l’outil et la façon dont son utilisation se déroule.

Ce qui est testé

La finalité d’une formation, n’est-ce pas, au moins autant que l’acquisition de connaissances, l’utilisation de celles-ci à bon escient, dans un contexte donné, ce que d’aucuns appellent la compétence ? Ces deux dimensions sont intégrées dans le DPC. Celui-ci se compose d’une partie cognitive (les connaissances) et d’un aspect lié aux pratiques à améliorer. L’e-learning permet de travailler sur la première dimension, à travers un quiz par exemple, renouvelable à intervalles réguliers, donnant ainsi la possibilité de jauger la bonne mémorisation des étapes d’une procédure. En revanche, une formation à distance permet-elle de vérifier la réalisation correcte d’un geste ? Il s’avère difficile d’expliquer sous cette forme certaines techniques concrètes, ou plus onéreux – en raison des animations graphiques alors nécessaires. On imagine donc que l’apprenant et son tuteur se mettent d’accord sur un programme d’amélioration des pratiques dans le monde réel, et non virtuel. Mais, en fait, certains dispositifs (à l’image de l’un des outils du Centre hospitalier universitaire vaudois) permettent à la fois de tester des connaissances (« qu’est-ce qu’un trouble du rythme cardiaque ? ») et des façons d’agir (lire p. 42). En général, dans un serious game, c’est même plutôt la compétence qui est mise en œuvre, pour expérimenter et utiliser ses connaissances afin de remplir une mission, plus que les actions de connaître et de comprendre. En d’autres termes, une formation qui vise à placer l’apprenant dans une situation professionnelle reconstituée afin d’avoir les bonnes réactions se trouve dans une zone intermédiaire, ou plutôt commune, au cognitif et au pratique. Si tel ou tel geste n’est pas reproductible dans le jeu, il est au moins possible pour le formateur de vérifier que l’apprenant l’a effectivement réalisé. Certains experts affirment même que toutes les dimensions du soin sont intégrables à un logiciel, comme en chirurgie. Il existe deux approches, résume Frédéric Haeuw, docteur en sciences de l’éducation et expert en e-formation. Dans la première, il s’agit de travailler les connaissances en e-learning et la pratique en présentiel. C’est le modèle des « classes inversées » : avant ou en début de cours, les élèves regardent une vidéo postée par l’enseignant sur Internet, puis ils travaillent ensemble. L’autre école consiste à aborder la théorie en cours et la pratique sur le lieu de travail, comme dans un dispositif d’alternance. Pour Frédéric Haeuw, l’intérêt du numérique réside dans un modèle constructiviste : d’abord la pratique, ensuite la théorie. Il défend une « approche compétences » : « On apprend en agissant, en touchant, par exemple en manipulant un mannequin. Le savoir n’existe pas en soi, il est un construit de la personne, qui l’intègre plus ou moins bien par rapport à son équilibre cognitif. » Le savoir se construit en agissant sur son environnement : « Je transforme l’objet et je me transforme moi-même. »

Seul face à l’écran ?

À l’image du patient pris en charge en télésanté, l’e-apprenant est rarement laissé seul face à un écran. Des tentatives de formation menée exclusivement à distance ont échoué. L’e-learning pur et dur se cantonne essentiellement à la préparation des concours, dans une logique de motivation individuelle. Si la solitude convient à certains moments et à certaines personnes, beaucoup ressentent le besoin d’être en groupe pour ne pas décrocher. Seuls face à l’ordinateur, faute de présentiel, les apprenants ont tendance à se démotiver – jusqu’au dégoût. Car une formation à distance requiert de l’autodétermination. L’apprenant doit, en quelque sorte, prendre rendez-vous avec lui-même pour se rendre sur l’outil de formation, un effort accru en formation continue puisque, souvent, il ne choisit pas ses thèmes de travail, et d’autant plus que la formation s’étire dans le temps. Surtout, rencontrer des collègues, partager des expériences, avoir des réponses et prendre du recul représentent des intérêts majeurs d’une formation. Nombre d’établissements préfèrent d’ailleurs encore les modules où le personnel sort de son service, à la rencontre d’autres employés. En conséquence, les sessions faisant appel aux apprentissages à distance sont souvent mixtes, ou « blended », c’est-à-dire couplées à du présentiel. Distanciel et présentiel : ces deux phases peuvent se suivre. Cette succession s’opère parfois de manière banale, avec une modeste présentation initiale des outils lors d’une réunion spécifique ou d’un staff, ou de façon plus élaborée. À l’Institut national de la transfusion sanguine (INTS), la formation EF01, destinée aux médecins et pharmaciens, se déroule en trois périodes : de l’e-learning individuel pour la partie théorique, une journée pratique dans un établissement, et une dernière journée pendant laquelle les apprenants se rencontrent. Comme ils sont présents dans une même pièce, il leur est plus facile de débattre de situations complexes qui risquent de susciter chez eux des réactions différentes. Au CHUV (exemple développé p. 42), une introduction de deux heures en groupe se termine par un quiz : au-delà de 70 % de bonnes réponses, la suite de cette formation mixte sur la lecture des électrocardiogrammes (ECG) peut devenir optionnelle. Puis, les apprenants, tutorés à distance, « s’autoforment » pendant deux heures trente par informatique. Avant l’évaluation finale par QCM, intervient une séance de régulation d’une heure et demie, pendant laquelle le groupe retrouve son formateur pour dissiper d’éventuels points d’incompréhension, et entretenir les dynamiques individuelle et collective. Le présentiel peut aussi être programmé à l’issue de ce type de formation mixte, en cas d’évaluation insuffisante. Un entretien vise à analyser avec l’apprenant ce qui l’a conduit à l’échec, ce qu’il doit corriger, et comment : se lancer dans une autre formation ou dans un atelier en effectif réduit, assister à une présentation, réaliser des exercices pratiques, être tutoré par une infirmière plus aguerrie ou employée dans un service où l’acte objet de la formation est pratiqué plus couramment ? « Ce n’est pas parce que les apprenants se forment devant un écran qu’il ne faut pas un accompagnement », synthétise Jean-Jacques Cabaud, médecin à l’INTS(4). Les formateurs ou tuteurs se doivent d’être disponibles par courriel. Si une formation totalement en e-learning est peu envisageable, c’est parce que l’apprenant doit se confronter au réel et que, pour cela, il a besoin d’un médiateur. Frédéric Haeuw fait un parallèle avec le pilotage d’un avion. Pour apprendre, le recours à un simulateur de vol est plus économique et aussi efficace que la mobilisation d’un appareil, mais il faut aussi se confronter à « la vraie vie », accompagné. « Monterait-on à bord d’un avion dont le pilote n’a appris à piloter qu’en e-learning ? », interroge-t-il. De même, peut-on devenir infirmière en ne rencontrant « son » premier malade qu’une fois en poste ? L’e-learning s’enrichit donc de l’échange avec le formateur. L’hybridation distanciel-présentiel peut, enfin, être simultanée. C’est le cas (peu répandu) quand l’usage d’Internet allège un travail en groupe, les interventions du formateur étant pondérées par des questions auxquelles les apprenants répondent en ligne.

Traçabilité et évaluation

L’e-learning repose sur une traçabilité précise des données, qui offre la garantie de valider rigoureusement le DPC, par exemple. Mais comment utiliser cette traçabilité pour certifier qu’une formation a été menée à son terme ? En effet, le temps de présence d’un apprenant sur un site de formation à distance n’est pas toujours un indice fiable, tel professionnel pouvant laisser son application ouverte pendant qu’il effectue d’autres activités. De même, le nombre de connexions n’est pas un élément de référence absolu : une personne peut terminer un même programme de formation en s’y rendant une seule fois et d’un seul jet, ou bien plusieurs fois, pour le traiter lentement mais sûrement, sujet après sujet – ce qui est d’ailleurs rendu possible par le découpage de logiciels en séquences brèves, adaptées aux courts moments de répit laissés aux infirmières pendant leur temps de travail. Un bon moyen d’évaluer reste la comparaison des résultats, en réinterrogeant le personnel à intervalles réguliers à partir d’un même test. Dans tous les cas, les critères d’évaluation – par un taux de bonnes réponses ? À quel moment ? En présentiel ou en distanciel ? – doivent être clairs, dès le début de la formation, pour les apprenants, les employeurs et les éventuels prestataires.

La place des acteurs

L’autonomie des apprenants

Les étudiants n’ont pas attendu la téléformation pour partager leurs cours via Internet, ni pour consacrer du temps aux réseaux virtuels. Les nouvelles générations de professionnels sont elles aussi accoutumées à l’informatique avec l’essor du dossier patient informatisé. Néanmoins, il peut arriver à certains étudiants de peiner dans l’accès à une connexion, faute de matériel, ou pour avoir oublié un code. Tous ne savent pas forcément se servir des outils à disposition, ni trouver rapidement l’information sur un ordinateur : il leur faut du temps, accompagnés, pour apprendre à apprendre.

De même, l’autonomie – objectif crucial d’une formation – nécessite un accompagnement préalable. On confie de l’autonomie à l’apprenant, qui, à son tour, en développe. La mise à disposition d’un cours ou d’un outil d’apprentissage sur Internet permet à l’apprenant de s’imprégner du contenu quand il le souhaite, à son rythme, de revenir sur certaines parties en fonction de ses propres besoins, acquis et manques, de poser des questions et de s’autoévaluer par des quiz. En ce sens, une formation en e-learning est ressentie comme plus individusalisée qu’un cours en présentiel. Les professionnels eux-mêmes consultent les outils de formation continue à l’issue de celle-ci. Au CHUV, tant qu’ils sont salariés, les personnels ont accès à une « ECG-thèque », un répertoire d’électrocardiogrammes agrémenté d’explications. 10 % des accès à cette ressource se font spontanément, après la formation. Parler de formation « à distance », c’est donc aussi parler de distance… dans le temps. Le personnel infirmier utilise par ailleurs ce document de référence pour former les étudiants en stage.

La mutation des formateurs

Certains apprenants se méfient de cet e-learning, qu’ils jugent déshumanisant. Sans oublier la crainte – qui peut être légitime – de se voir dépossédés de leur activité. Pour autant, peut-on toujours dire que présentiel est synonyme de perfection, et distanciel, d’isolement ? Non. « La distance rapproche », avance même Lisette Cazellet, de FormaticSanté(5). C’est le cas lorsque le formateur conçoit un document spécifiquement adapté à l’e-learning. De même que l’outil numérique est un complément aux autres moyens d’apprentissage, « le recours à l’e-learning déplace la place du formateur, mais ne le remplace pas », indique Claire Fournier-Prud’homme, cadre de santé pédagogique à l’Ifsi de Tours.

Le rôle principal de l’enseignant n’est plus d’apporter les contenus, mais de les expliciter, de s’en servir pour appuyer son discours et animer des travaux dirigés. Sa présence auprès des étudiants est accrue dans la mesure où, notamment, l’informatique affine leur évaluation. Et nul besoin d’une expertise numérique hyper pointue : dans une institution, un seul formateur peut être initié, qui, à son tour, épaulera ses collègues.

Un nouveau rapport au savoir ?

Dans le modèle de la formation académique, souvent vu comme dépassé, le formateur a la parole, enseignant à l’apprenant comme s’il remplissait un verre vide. Le savoir se transmet de haut en bas, sans réelle interaction. Tout n’est pas qu’une question générationnelle : des enseignants fraîchement recrutés appliquent, eux aussi, ce modèle traditionnel dans lequel ils ont réussi. Les promoteurs de la téléformation vantent, eux, une interactivité grandissante, qui fait travailler l’apprenant à partir d’un contenu, en lien (par e-mail ou téléphone) avec le corps enseignant en cas d’incompréhension ou de bug informatique, dans un délai court. À les entendre, le suivi est plus personnalisé, adaptable au gré des apprenants ainsi que des établissements pour perfectionner telle ou telle pratique. L’autonomie en est augmentée.

L’e-learning reste cependant un mode d’apprentissage, un ensemble d’outils. Il ne préjuge pas du mode de pédagogie. Ainsi, assister à la visioconférence d’un professeur, même par l’intermédiaire des technologies les plus avancées, reproduit la traditionnelle méthode transmissive. De même qu’un cours magistral disponible en vidéo sur Internet ou un diaporama mal ficelé. À l’inverse, des travaux dirigés en présentiel peuvent être exemplaires, l’interaction humaine le disputant à l’autonomisation. Le choix du modèle pédagogique passe par une interrogation approfondie du contenu (ce qui est enseigné) au moins autant que du contenant (comment il est enseigné). Et il n’est pas interdit de le réviser régulièrement. Ainsi, la séance de régulation présentielle introduite dans la formation hybride du CHUV sur les ECG permet de modifier les stratégies d’apprentissage en cours de route, si certains apprenants n’ont pas compris un point du module en téléformation. À l’enseignant d’éclairer le groupe, de prier un apprenant d’expliquer aux autres s’il a compris…

4. D’ABORD UN PROJET

L’e-learning exige des postes informatiques en nombre suffisant reliés à Internet. Or, les hôpitaux ne sont pas tous à la pointe de la technologie. Certains d’entre eux sont contraints d’installer les outils sur leur réseau interne, ou encore, ne disposant pas de carte son sur leurs ordinateurs, se contentent de la transcription écrite des dialogues normalement sonores entre les personnages apparaissant à l’écran… Mais l’absence d’équipements est une problématique secondaire. Ce qui devrait convaincre de privilégier l’e-learning, c’est le projet pédagogique d’une équipe, d’un formateur. L’e-learning doit être pensé comme le support complémentaire d’un cours en amphithéâtre ou de travaux dirigés. Pour lui donner du sens, il faut le ramener à ce qu’il est : un outil parmi d’autres dans une vision transversale de la formation.

1- Voir le site Internet eur-lex.europa.eu, via le raccourci bit.ly/15vBahf

2- Les FOAD sont définies dans une circulaire du 20 juillet 2001: bit.ly/14JPnVc

3- « Des établissements veulent développer des plates-formes », corrobore Catherine Dupire, de l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH).

4- Chargé de mission DPC à l’INTS, il travaille notamment aux côtés du Dr Catherine Trophilme, responsable de la formation EF02, et de Laurence Reignier, chargée de mission e-learning, qui ont aussi répondu à nos questions.

5- Réseau d’échanges et de formation en ligne des professionnels de santé. Voir www.formaticsante.com

CROISSANCE

JUSTE UN DÉBUT DANS LA SANTÉ

→ C’est autant un espoir, sans doute, qu’un constat : les acteurs de l’e-learning se targuent d’une dynamique croissante dans leur secteur. Le nombre d’organismes proposant cet outil augmente, les métiers (concepteur, hébergeur…) se diversifient, un marché existe (la France est le deuxième producteur mondial de serious games). Mais, pour le moment, l’arrivée de l’e-learning dans le domaine de la santé reste une petite révolution.

→ Son utilisation, plus développée pour les médecins, en est à ses balbutiements pour les infirmières. En Ifsi, la mise à disposition des cours sur un serveur est loin d’être généralisée. En écoles de cadres, elle commence à peine. En formation continue, la formule émerge tout juste, par exemple pour que le personnel révise périodiquement ses connaissances. Comme pour tous les établissements de l’Éducation nationale, certains, dans ce domaine, sont donc plus en avance que d’autres. Mais beaucoup sont encore distancés par les universités, friandes de technologies, ou les grandes entreprises privées, qui recourent aux plateformes numériques de formation depuis au moins vingt ans.