L'infirmière Magazine n° 334 du 01/12/2013

 

ACTUALITÉ

CHRONIQUE

Travailler dans l’urgence, au jour le jour, c’est le quotidien d’Isabelle, infirmière bénévole de Médecins du monde (MDM) à Dunkerque. Iraniens, Afghans, Irakiens, Syriens, Pakistanais passent quelques jours dans les lieux isolés où elle intervient, avec un médecin et un médiateur, dans une ambulance aménagée. De ces patients migrants, en transit vers le Royaume-Uni, elle ne sait presque rien, sinon que leur santé est déplorable. Dans la boue, sous des bâches, lorsqu’il pleut, Isabelle tente d’apporter son aide à des patients qu’elle ne reverra jamais. Combien sont-ils ainsi, ces gens de passage, dont nous ne connaissons rien ? Que sait-on des Roms, condamnés eux aussi à toujours fuir ? Qui d’autre, encore, quitte sa région, son pays et sa famille pour échapper à des menaces qui le pousse à l’exil ?

Entre indifférence et rejet, dans le silence ou l’agitation médiatique, des infirmières ne se résignent pas, et vont là où l’on n’imagine pas que des humains puissent chercher refuge pour survivre. Car la misère ne se réduit pas à cette détresse extrême.

Toutes les soignantes, quelles que soient leurs conditions d’exercice, longent désormais d’autres « diagonales de la misère »(1). SDF, agriculteurs au bord du désespoir, mères célibataires, chômeurs longue durée, retraités précaires… À l’hôpital, en ville ou à la campagne, à domicile ou dans la boue, les infirmières comme Isabelle se sentent parfois bien seules face à cette détresse. Pour elles, la Journée mondiale du refus de la misère, ce n’est pas seulement le 17 octobre.

1- Titre d’un reportage de Médiapart, accessible en ligne : http://bit.ly/GR8fJ5