L'infirmière Magazine n° 334 du 01/12/2013

 

SAGES-FEMMES

ACTUALITÉ

Depuis mi-octobre, une grande partie des 20 000 sages-femmes de France se mobilisent pour faire évoluer leur statut. Malgré la mise en place de groupes de travail, leur mouvement de grève se poursuit.

S’il faut durcir le mouvement, je le ferai. » Aude Lemoigne est sage-femme libérale dans la région d’Aix-en-Provence. Elle s’associe aux revendications que porte le Collectif des sages-femmes(1) depuis le 16 octobre. Celui-ci s’est organisé autour de trois revendications : une reconnaissance large de la sage-femme comme professionnel de premier recours pour la femme enceinte, la création d’un statut médical de praticien sage-femme à l’hôpital et l’intégration des écoles de sages-femmes en tant que composantes autonomes au sein des universités. « Le mouvement est parti de l’hôpital, mais nous voulons améliorer la situation de l’ensemble de la profession », insiste la porte-parole des grévistes, Anne Blanchemanche, sage-femme de l’hôpital Nord, à Marseille. « Nos revendications visent à ce que toutes les sages-femmes – à l’hôpital, en clinique, en PMI ou en cabinet – soient reconnues à leur juste valeur », poursuit la soignante.

Premier recours

Pour les libérales, la visibilité de leur profession comme acteur médical de premier recours est essentielle. Trop peu de femmes sont, par exemple, informées qu’une sage-femme peut réaliser leur déclaration de grossesse puis tout leur suivi, échographie incluse, en toute sécurité. « Mes patientes sont même déçues d’apprendre qu’elles ne pourront pas accoucher avec moi, remarque Aude Lemoigne. Il est tellement compliqué d’organiser l’intervention d’une sage-femme libérale sur le plateau technique d’un hôpital ou d’une clinique que peu d’entre nous le font. » Sur ce plan, la revendication d’un statut de praticien sage-femme pourrait faciliter l’activité des libérales. « Tout est intriqué. La reconnaissance de notre niveau de formation à Bac + 5 n’est pas en accord avec le niveau des rémunérations des hospitalières, ni avec celui de nos actes. Notre qualification de profession médicale à compétence définie ne justifie pas de relever de la fonction publique hospitalière »(2), résume Aude Lemoigne. Au quotidien, le mouvement de grève se traduit ici et là de manière différente. « Des collègues font grève pendant une heure par jour, d’autres, une journée par semaine, poursuit Aude Lemoigne. Moi, je refuse toutes les nouvelles patientes Prado(3). Et j’informe beaucoup mes patientes. Pendant mon suivi, je m’aperçois souvent qu’elles ne connaissent pas l’étendue de nos compétences et de nos fonctions. »

À l’hôpital Nord de Marseille, où 100 % des sages-femmes adhèrent au mouvement, les professionnelles ont suspendu la cotation des actes réalisés dans le service et en salle d’accouchement. Réquisitionnées, elles sont, néanmoins, chaque jour à leur poste. Le 19 novembre, elles se sont rendues à l’ARS pour transmettre leur propre cahier de doléances, alors que les représentants nationaux du collectif étaient reçus, eux, au ministère, pour le lancement de quatre groupes de travail portant sur : la reconnaissance statutaire des sages-femmes hospitalières ; le rôle des sages-femmes dans la stratégie nationale de santé ; l’évaluation des décrets périnatalité et la place des sages-femmes ; la formation des sages-femmes et la recherche.

Reconnaissance

Les premières recommandations sont promises pour la fin de l’année. Mais, le collectif a voté la reconduite du mouvement, soulignant le manque de propositions concrètes formulées durant la réunion. La bataille risque donc d’être longue, d’autant qu’une partie de la profession, silencieuse et réunie derrière l’Union nationale des syndicats de sages-femmes, ne partage pas la volonté de développer un statut de praticien sage-femme.

Par ailleurs, la création d’un autre groupe de travail, auprès de l’assurance maladie, permettra de travailler à l’élaboration d’une classification commune des actes médicaux maïeutiques afin de coter précisément les actes que les sages-femmes réalisent dans les secteurs public, privé, ou en libéral. En filigrane, bien sûr, ces professionnelles revendiquent des tarifs égaux à ceux des médecins pour les actes dont elles partagent la compétence (suivi accouchement, échographie, consultation…). À suivre.

1- Le Collectif regroupe cinq organisations représentatives de la profession : l’Organisation nationale des syndicats de sages-femmes, le Collège national des sages-femmes, l’Association nationale des sages-femmes cadres, l’Association des étudiants sages-femmes, et la Conférence nationale des enseignants en maïeutique.

2- Le code de santé publique considère qu’il s’agit d’une profession médicale, mais leur statut hospitalier les assimile aux professions paramédicales (rémunération différente, subordination au chef de service).

3- Le programme d’accompagnement du retour au domicile, visant à raccourcir le séjour hospitalier, propose aux jeunes accouchées deux visites à domicile de sages-femmes libérales.