À L’ÉCOLE DE L’AUTONOMIE - L'Infirmière Magazine n° 334 du 01/12/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 334 du 01/12/2013

 

HANDICAP

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES…ÉTABLISSEMENTS

Donner à de jeunes handicapés moteurs sévères les clés de leur indépendance, tel est l’objectif de l’École de la vie autonome, à Vandœuvre-lès-Nancy (54). Cette structure vient de fêter son premier anniversaire.

Pierre est là « pour avoir une vie la plus décente possible, même si c’est dur ». Emma apprend à « prendre des décisions importantes et à devenir acteur de la société ». Emmanuel, quant à lui, souhaite vaincre sa peur de la solitude et surmonter une première expérience ratée de vie en solitaire. Infirmes moteurs cérébraux ou atteints de spina bifida(1), les douze résidents d’Eva (pour École de la vie autonome), située à Vandœuvre-lès-Nancy, en Meurthe-et-Moselle, ont, en moyenne, 23 ans.

Cette maison d’accueil spécialisée, gérée par l’Office d’hygiène sociale du département, est une structure originale, plus proche d’un centre de formation que d’un établissement médico-social.

Motivation

Comme pour entrer dans une grande école, les candidats doivent écrire une lettre de motivation et passer un entretien de préadmission. « L’élément clé est la motivation, insiste la directrice, Vanessa Balthazard. Nous sommes ouverts à tous types de handicaps, à partir du moment où la personne a les capacités cognitives pour entrer en apprentissage et possède un minimum d’autonomie physiologique. » Le cursus se déroule en trois étapes : deux ans pour apprendre les bases de la vie ordinaire, chacun dans son studio mais au sein de la structure ; puis, deux ans dans un appartement situé à Nancy et dans ses environs, avec un suivi appuyé de l’équipe pluridisciplinaire ; et, enfin, l’envol, dans un appartement, à Nancy ou ailleurs.

Une vie ordinaire

« La plupart des résidents ont comme seul référentiel la vie en institution. On a toujours fait pour eux, pensé pour eux…, explique Vanessa Balthazard. Notre rôle est de passer de ce référentiel institutionnel à un référentiel de milieu ordinaire. » Savoir gérer un budget, préparer des repas, effectuer des démarches administratives, s’inscrire à des activités de loisirs (toujours à l’extérieur), prendre les transports en commun ou les transports à la demande, s’occuper de son linge… « L’une des premières choses que nous leur demandons, c’est de trouver un médecin traitant. Pour beaucoup, c’est déjà un gros changement. Ici, on essaye d’externaliser tous les soins, la kiné, l’orthophonie ou la pédicure », souligne Nathalie Guehl, l’infirmière. Le médecin spécialisé en médecine physique et de réadaptation qui travaille à l’École de la vie autonome est là pour s’occuper du suivi ayant trait au handicap et non des « petits bobos », qui relèvent d’un médecin généraliste. Le rôle de la soignante consiste à s’assurer de la coordination et de la continuité des soins. Elle est également chargée de la prévention et de la promotion de la santé, de la préparation des traitements, et travaille avec certains résidents pour qu’ils réussissent à s’en charger eux-mêmes. Elle réalise quelques gestes techniques (pansements, lavements…). Avec la conseillère en économie sociale et familiale, l’IDE accompagne les jeunes lors de leurs courses, pour leur enseigner des notions d’équilibre alimentaire.

Lien social

Nathalie Guehl intervient aussi pour les inciter à pratiquer une activité physique, et aborde le thème de la sexualité : « Certaines jeunes femmes, à 18 ans passés, n’ont jamais vu de gynécologue… », relève-t-elle. L’école a ouvert ses portes en novembre 2012. Aucun de ses résidents n’a encore franchi l’étape numéro deux, qui implique de partir vivre seul, dans son propre appartement. Une perspective qui semble encore bien lointaine pour beaucoup d’entre eux : « J’espère que j’aurai les moyens de le faire, confie Pierre, 25 ans. Mais, l’important, ce n’est pas seulement l’appartement, c’est le lien social. Et ici, on apprend pour soi, pas pour les autres. »

1- Une malformation congénitale de la moelle épinière.