SUR LE TERRAIN
RENCONTRE AVEC
Une jeune infirmière vendéenne a décidé de s’installer en Inde. Après quelques expériences professionnelles en France, un premier voyage touristique en Inde, la voilà à Bénarès, où elle a créé un dispensaire pour les plus démunis.
Elle a des yeux bleus qui pétillent et l’enthousiasme de ceux qui vivent leur rêve. Céline Hégron est de passage en France pour quelques semaines. Cette infirmière originaire de Vendée vit en Inde depuis maintenant quatre ans. Plus précisément à Varanasi, ville plus connue sous le nom de Bénarès. C’est donc là, tout près du Gange, qu’elle a décidé de pratiquer. Auprès des plus pauvres, dans les faubourgs surpeuplés de la cité la plus sainte du sous-continent indien. Céline y a ouvert son dispensaire et créé « Un rêve indien », l’association qui permet de le faire fonctionner. La jeune femme a d’abord suivi un parcours somme toute classique. « Dès l’obtention de mon diplôme, en 2000, j’ai travaillé en maison de retraite. Un remplacement de quinze jours qui s’est transformé en un contrat de cinq mois. » On lui a même proposé une embauche, qu’elle a déclinée. « J’avais plutôt envie d’apprendre d’autres choses, dans d’autres services », reconnaît-elle. Elle postule alors au CHU de Nantes. Et elle se voit engagée dans un service d’hématologie stérile. « À peine diplômée, cela me semblait au-dessus de mes compétences, mais je ne pouvais pas refuser ! » Elle y restera huit années, jusqu’en 2009. Mais le virus de l’Inde l’avait déjà atteinte ! Ce fut d’abord un premier voyage touristique, en 2004. « Nous sommes parties trois semaines avec des amies. Le Rajasthan, Delhi et… Bénarès. Un choc, et un coup de cœur. Cette ville m’a de suite envoûtée », admet-elle. Il est vrai que ce haut lieu de l’hindouisme a de quoi « retourner » les voyageurs. La proximité du Gange, les lieux saints, les temples et l’ambiance singulière qui enveloppe la ville ont de quoi attirer, ou effrayer ! Ou l’on aime ou l’on déteste. Et Céline a décidé de revenir quelques années plus tard. Cette fois, pour six mois. « Nous sommes reparties à deux, avec une amie rencontrée à l’école d’infirmières. Ensemble, nous avons fait du bénévolat dans les centres de missionnaires de la charité de mère Teresa. Quelques expériences à Calcutta, Madras et… Bénarès ! » C’est au cours de ce séjour qu’elle fait la connaissance d’un Français, responsable d’une association audoise soutenant un petit dispensaire. « Il nous a montré son travail, j’ai rencontré les patients et les soignants. Ce fut la révélation ! Cela correspondait tout à fait à ce que j’attendais, à ce à quoi j’aspirais. » De retour en France, Céline reprend son poste au CHU de Nantes.
Elle repart en 2008. Bénévole pendant un mois, elle décide de s’engager totalement dans sa mission. « Je me suis dit que c’était exactement ma vocation : combiner mon métier d’infirmière et ma passion pour l’Inde. » Elle prend une disponibilité et retourne sur les bords du Gange, au sein de l’association. « Et tout en œuvrant dans ce dispensaire, j’ai créé ma propre structure. Le temps de s’organiser, de trouver les fonds, le local, et “Un rêve indien” est né ! » Pour ce projet, Céline s’est associée avec une petite ONG indienne, et a installé le dispensaire dans un autre quartier, décentré. « En interrogeant les patients, je me suis aperçue que certains venaient de très loin. Car il n’y avait rien dans leur secteur, en dehors de dispensaires payants. C’est naturellement que nous nous sommes installés à Khojwa », précise-t-elle. Un terrain recouvert de déchets, un local de 12 m2 à retaper… Dès l’ouverture, c’est l’affluence : « Le troisième jour, nous avions déjà plus de 30 patients, se souvient la jeune femme. Pourtant, je n’aurais pas été surprise s’il m’avait fallu deux ou trois mois pour mettre en confiance la population du quartier ! » Deux fois par semaine, un médecin vient en consultation. Céline a commencé seule, puis s’est liée avec une jeune Indienne, Soni, qui est devenue son assistante. Celle-ci n’a aucune formation, mais l’infirmière française lui montre les gestes et lui laisse aussi faire quelques soins. Ici, il s’agit surtout de pansements et de quelques injections, pour soigner des plaies et des brûlures. Mais il faut parfois prendre en charge des choses plus graves, comme des plaies surinfectées. Six jours par semaine, de 8?heures à 14?heures, ce sont 40 à 60 patients qui se présentent quotidiennement. « Ces personnes n’ont pas une roupie pour se rendre à l’hôpital, reconnaît Céline. En Inde, il faut aussi qu’un membre de la famille accompagne le patient, pour préparer les repas, faire les toilettes… » On est bien loin des établissements ultra-modernes qui font la fierté du pays. Des hôpitaux pour les riches Indiens et les étrangers.
Chaque mois, l’association lui verse 220?euros d’indemnité. Même en Inde, ce n’est pas une fortune ! Avec cela, elle se nourrit et paye un loyer dans un logement à l’écart de l’agitation urbaine. « Même si Bénarès n’est pas Bombay, la vie y est intense, le bruit incessant. C’est important d’avoir un lieu de vie où l’on peut souffler et se reposer. » Après quatre années passées ici, elle a pu tisser des liens avec quelques familles. Et les membres de la (toute) petite communauté française. De toute façon, elle n’a vraiment pas le temps de s’ennuyer. En dehors des soins, elle doit aussi gérer l’association, répondre aux mails, aux sollicitations sur Facebook, faire les bilans… Et, surtout, chercher les fonds pour faire vivre « Le rêve indien? ». Bien sûr, des relais en France la soutiennent. Il faut trouver des donateurs, organiser quelques événements pour récolter un peu d’argent. Un repas par-ci, un loto par-là… Il est même possible de se procurer un livre-témoignage. L’éditeur reverse les droits d’auteur. Quant aux médicaments, Céline préfère privilégier la production locale « parce que les médecins les connaissent et que les notices sont en anglais, ce qui évite des erreurs ». En revanche, tout don de bandes, de compresses ou de pansements est bienvenu ! Le dispensaire peut aussi recevoir des bénévoles. « Cela demande un peu d’organisation, car nous ne pouvons pas en recevoir trop à la fois. Pendant les périodes de vacances françaises, nous avons des demandes. Ensuite, on se retrouve sans personne ! » C’est d’ailleurs une aide-soignante bénévole, Anne, qui la remplace le temps de son séjour en France. « Elle a passé quelques semaines avec nous au début de l’année. Enchantée par sa mission, elle nous a proposé de revenir. Elle travaille avec Soni jusqu’à mon retour. » Après quelques semaines en France, Céline a hâte de repartir. Elle va attaquer sa cinquième année consécutive en Inde. Toujours en disponibilité au CHU de Nantes, elle ne sait pas si elle y reviendra ou pas. « Je reste attachée à l’établissement. Au cas où je décide de revenir, je pourrai réintégrer le CHU, s’il y a un poste vacant. Mais aurai-je encore envie de travailler dans un centre hospitalier ? Avec une hiérarchie ? Aujourd’hui, je vis en Inde, j’y travaille et j’y réalise mon rêve avec ces populations qui sont si défavorisées. » Bien sûr, ce n’est pas facile tous les jours. La condition des pauvres, mais aussi la situation des femmes indiennes ne laissent pas Céline indifférente. L’infirmière est heureuse auprès des Indiens. Aujourd’hui, elle parle hindi et peut communiquer. « Avec des fautes ! », souligne-t-elle. Elle assume totalement son choix de vie. Quoiqu’il arrive, l’Inde restera à jamais pour elle une expérience enrichissante. Dans sa vie personnelle mais également dans sa vie professionnelle. Son parcours singulier, loin des sentiers battus, mérite le respect. Celles et ceux qui connaissent l’Inde le savent : ce pays est un aimant. Et Bénarès, c’est l’Inde à la puissance dix !
1997-2000 Études d’infirmière à l’école de la Croix-Rouge à Laval.
2000 Infirmière dans une maison de retraite.
2001-2009 CHU de Nantes, en service d’hématologie stérile.
2004 Première découverte de l’Inde.
2008 Départ pour Bénarès.Création de l’association « Un rêve indien ».
Pour soutenir l’action de Cécile Hégron : unreveindien@hotmail.fr
« Un rêve indien », 3, rue des Baladins, 85260 Saint-André-13-Voies.