Relevant à la fois du rôle prescrit et du rôle propre, l’entretien infirmier en psychiatrie est mené dans le but d’accompagner le patient face à sa problématique mentale, dans une démarche professionnelle bienveillante.
L’entretien infirmier constitue un soin. En psychiatrie, le soin se réalise dans et par la relation. C’est un temps d’échange entre un infirmier et un patient. Support pour un travail individualisé, d’expression et de réflexion, c’est aussi un temps individuel s’inscrivant dans une logique thérapeutique. Il est pensé par une équipe composée de psychiatres, de psychologues, d’infirmiers, d’aides-soignants et d’assistantes sociales dans un projet de soins. Il peut s’appuyer sur une collaboration avec des partenaires socio-éducatifs. Ce n’est ni une conversation, ni un interrogatoire, et il a plusieurs objectifs : aide, accueil, suivi, recadrage, sortie ou gestion d’une crise. Il peut s’effectuer par le biais du téléphone.
• L’objectif de l’entretien est d’aider le patient à s’exprimer, à verbaliser et à prendre conscience de ses peurs et de ses difficultés, de recueillir le récit de son histoire, des événements qui l’ont conduit à l’hôpital. Il donne à l’infirmière l’opportunité de connaître le patient et son contexte de vie, de comprendre sa logique.
• Il permet donc de repérer des problèmes et d’aider le patient à en prendre conscience. Ainsi, l’infirmière peut développer une évaluation et une analyse avec ce dernier. Ensemble, ils tentent de comprendre les mécanismes sous-jacents à son mal-être : ses origines, ses liens avec des événements récents ou anciens, personnels ou familiaux.
• Dans cet espace de parole, l’infirmière est une interlocutrice à toutes épreuves. Elle offre au patient un espace de parole dans lequel il peut s’exprimer sans risquer de la blesser.
L’entretien d’accueil a lieu lors d’une première consultation en CMP ou au moment de l’admission d’un patient à l’hôpital. Il consiste à présenter la structure, à évaluer la problématique et la demande du patient, et à l’orienter. Cette entrevue permet de faire connaissance et de créer un lien, l’objectif étant de rassurer le patient et ses proches.
L’indication d’un entretien de suivi est décidée en équipe pluridisciplinaire. Il peut avoir lieu en collaboration avec un autre professionnel, en alternance ou en binôme. Il rend possible un travail préparatoire, lorsque le patient n’est pas encore en mesure de mener une élaboration suffisante permettant un travail avec un psychologue. Le but est de mener le patient à une introspection.
L’entretien d’aide correspond à un accompagnement dans « l’ici et maintenant ». Il répond à une demande exprimée ou s’effectue à l’initiative de l’infirmière face à une situation problématique. Il n’appelle pas de réponse immédiate.
Rappeler le cadre de prise en charge, tel est l’objectif de l’entretien de recadrage, suite à un passage à l’acte. Il s’agit d’en comprendre les raisons en laissant le patient s’exprimer, pour tenter de savoir ce que cela représente dans sa problématique. Le but est également de l’aider à valoriser ses ressources et à s’en servir pour éviter un nouveau passage à l’acte.
L’entretien de crise intervient dans la gestion d’un moment de crise aiguë, dans l’écoute et la réassurance.
• L’entretien téléphonique est effectué à la demande du patient, le plus souvent dans un contexte de crise alors que celui-ci se trouve en dehors des murs (unité de soins ou centre de consultation).
• En amont d’un entretien d’accueil, il sert aussi à évaluer la demande du patient ou de sa famille. Il permet ainsi à la personne qui appelle d’être entendue, rassurée, parfois orientée. Cela peut favoriser un apaisement en attendant un rendez-vous en CMP, les délais étant souvent longs.
L’entretien de sortie permet de faire le bilan de l’hospitalisation, de présenter les modalités de sortie.
• Pour mener un entretien infirmier, il faut privilégier un lieu professionnel, pas une chambre : l’entrevue nécessite de disposer d’un bureau où l’on ne sera pas dérangé. L’infirmière et le cadre ainsi proposé ont une fonction contenante. L’usage du bureau dans l’unité de soins permet au soignant de différencier l’entretien infirmier d’un acte de vie quotidienne au sein du service.
• L’infirmière a besoin de matériel pour écrire, afin que les paroles échangées puissent être conservées en mémoire. Les notes donnent aussi une importance aux paroles du patient et l’aident à se mobiliser. La soignante doit également disposer d’une montre, la gestion du temps s’avérant nécessaire pour conduire l’échange.
• Prendre le temps de lire les notes prises lors du dernier entretien permet de se remémorer les éléments importants. La préparation de l’entretien consiste ensuite à définir son objectif.
• L’accueil du patient avec ou sans sa famille se fait en salle d’attente ou dans l’unité de soins, un rendez-vous ayant été donné au préalable, avec indication de la durée approximative de l’entretien.
• Après s’être installés dans le bureau, l’infirmière et le patient commencent à échanger. La prise de notes permet de reprendre certains éléments des entretiens précédents. L’infirmière écoute et repère les problèmes, aide la personne à s’exprimer et à prendre conscience des enjeux, des processus et des mécanismes de défense qu’elle met en place. Elle développe avec lui une évaluation et une analyse. Elle peut reformuler certaines paroles, afin de permettre au patient de « s’entendre dire ». Il ne faut pas redouter les silences, ils rythment l’échange et sont parfois évocateurs, ou permettent de peser le sens des mots échangés.
• L’infirmière offre au patient une écoute bienveillante, de l’empathie et une disponibilité d’écoute. Elle se laisse guider par la parole du patient, en gardant en tête l’idée qu’une souffrance est à explorer et à accompagner, et en ne perdant pas de vue l’objectif de l’entretien. Au cours de celui-ci, la soignante doit savoir s’adapter et trouver la bonne distance relationnelle.
Elle peut proposer une rencontre avec la famille qui accompagne le patient, selon son âge, la situation, et la demande du patient ou de ses proches.
• À la fin de l’entretien, l’infirmière conclut, en fait la synthèse, et propose un nouveau rendez-vous. Le suivi doit être régulier. Le patient doit ensuite être accompagné vers la sortie du bureau.
• En intra-hospitalier, l’infirmière observe le comportement, l’humeur du patient, le but étant d’anticiper les passages à l’acte.
• En extra-hospitalier, quand la situation le nécessite, elle propose des rendez-vous plus rapprochés en soutien pour prévenir un éventuel passage à l’acte. Elle peut également proposer un relais avec un psychiatre pour une évaluation ou la prescription d’un traitement. Elle prend en compte les appels téléphoniques qui suivent la rencontre. Elle pourra aussi s’appuyer sur la présence et l’attention particulière des proches du patient et les inviter à faire appel à des tiers en cas de crise (CMP, pompiers, police ou urgences).
• Au cours de l’entretien, l’infirmière peut observer ce que le patient a pu mettre en place, s’approprier ou élaborer depuis les rendez-vous précédents. Cependant, cette évaluation s’avère parfois difficile. Les effets des entretiens infirmiers se mettent en place, le plus souvent, sur le moyen ou le long terme.
• Une évaluation a également lieu lors de temps de réflexion en équipe pluridisciplinaire et avec le réseau (socio-éducatif et pédagogique, infirmière scolaire ou à domicile, médecin traitant).
La Haute Autorité de santé recommande les transmissions écrites dans le dossier informatisé, et les a rendues obligatoires par le décret du 19 juillet 2004, article R. 4311-2. En outre, il ne faut pas omettre de noter les informations émanant d’un tiers ou concernant un tiers dans un document distinct non communicable au patient et à sa famille. Des transmissions orales sont faites à l’équipe pluridisciplinaire, et parfois au réseau socio-éducatif.
Le cas particulier des enfants :
→ L’accueil des parents, au départ de la prise en charge de leur enfant ou pour faire le point en cours de suivi est important. Il se fait de préférence en présence de leur enfant et avec son consentement. Il permet d’entendre leur parole dès le premier rendez-vous. La famille se sent ainsi écoutée, et non exclue de la prise en charge. Bien souvent, les parents vivent avec culpabilité le mal-être de leur enfant et ont besoin d’être rassurés dans leur parentalité, cette réassurance pouvant s’établir grâce à leur participation dans le suivi. Pour autant, il ne s’agit pas de rendre compte aux parents de la teneur des entretiens avec leur enfant. Le travail avec le réseau est souvent nécessaire, par le biais d’entretiens téléphoniques ou de réunions.
> http://www.serpsy.org/piste_recherche/entretien_infirmier/ entretien_technique.html
> Soins psychiatrie, n° 249, mars/avril 2007.
> « L’entretien informel », Santé mentale n° 136, mars 2009, www.santementale.fr