L'infirmière Magazine n° 337 du 15/01/2014

 

FORMATION CONTINUE

LE POINT SUR

DENIS RICHARD  

Liée au vieillissement de l’oreille interne, la presbyacousie altère profondément la qualité de l’audition. Elle peut être à l’origine d’un repli social. Sa prise en charge, qui devrait être la plus précoce possible, nécessite le port d’audioprothèses.

DESCRIPTION

La presbyacousie (du grec presby : vieux, et akousis : audition) est une perte progressive de l’audition et de la capacité à discriminer les sons, bilatérale et symétrique, affectant surtout la perception des fréquences sonores élevées. L’importance de cette perte varie d’un individu à l’autre et il existe, de plus, une différence entre l’homme et la femme dans l’évolution des seuils d’audition avec l’âge : le premier est concerné plus précocement et plus rapidement.

Physiopathologie

La presbyacousie résulte de la conjonction de mécanismes divers dont les effets se combinent généralement : perte de souplesse des muscles qui gèrent le dispositif des osselets, dégénérescence progressive des cellules ciliées externes de la cochlée qui permettent à l’oreille interne d’amplifier les sons et qui l’aident à les discriminer… Il existe ainsi quatre types principaux de presbyacousie selon la typologie proposée en 1964 par l’otologiste américain Harold F. Schuknecht (1917-1996) : mécanique (perte d’élasticité de la membrane basilaire) ; métabolique (altération biochimique de l’endolymphe) ; sensorielle (atrophie de l’organe de Corti) ; neuronale (perte des populations/connections neuronales).

Symptomatologie

Il importe de repérer aussi tôt que possible les signes caractérisant une presbyacousie naissante car c’est à un stade précoce que l’intervention correctrice sera la plus efficace. Le principal symptôme correspond à la perte de sélectivité : le patient entend encore souvent suffisamment les sons (pas de perte notable en sensibilité), mais il ne peut plus discriminer deux sources sonores (lors d’une conversation à plusieurs par exemple), d’où une diminution de la compréhension des mots ou une confusion entre des mots voisins (conversation, spectacle…), une impression de confusion ou de brouillage des sons (dans les magasins, la rue…), une intolérance aux sons de forte intensité, voire une perception erronée de bruits désagréables. Il est cependant rare qu’un patient consulte pour de tels signes : il a tendance à nier le trouble, et à voir dans ces signes une insuffisante articulation de son interlocuteur ou une expression verbale trop rapide. Il compense partiellement son handicap en cherchant à lire sur les lèvres de son interlocuteur. Cela explique que le patient victime de presbyacousie se plaigne d’être épuisé en fin de journée car il lui faut se concentrer en permanence pour percevoir au mieux certains sons et notamment les fréquences aiguës. Un isolement peut s’installer progressivement, avec mise en marge de la vie sociale, perte des activités antérieures, risque de dépression, voire de régression cognitive.

Étiologie

La presbyacousie est conditionnée par divers facteurs innés ou acquis pouvant se conjuguer :

> Vulnérabilité génétique : il existe des familles où la presbyacousie se manifeste précocement et intensément. De même, la sensibilité cochléaire à la prise de certains médicaments ototoxiques (antibiotiques de la famille des aminosides ou aspirine notamment) est génétiquement déterminée.

> Artériosclérose : elle peut réduire la vascularisation de la cochlée et donc son oxygénation. Ce phénomène est aggravé par le tabagisme.

> Régime alimentaire : un excès de matières grasses peut accélérer l’artériosclérose.

> Diabète : il favorise l’inflammation chronique et une prolifération endothéliale des vaisseaux de la cochlée, diminuant ainsi le flux sanguin.

> Hypertension : elle provoque des modifications vasculaires et une diminution de la circulation sanguine dans l’oreille interne.

> Exposition au bruit : une exposition prolongée à des bruits excessifs (travail, mais aussi sport comme le tir ou musique) perturbe la cochlée et accélère le processus de presbyacousie. Toutefois, la perte auditive due aux bruits (Noise-induced hearing loss ou NIHL) ne doit pas être confondue avec la presbyacousie.

DIAGNOSTIC

L’altération de l’ouïe avec l’âge commence aux environs de l’âge de 18 ans. Elle est plus manifeste dans les hautes fréquences que dans les basses. Une de ses premières conséquences est la perte de la capacité pour les jeunes adultes à percevoir les fréquences sonores hautes, situées au-dessus de 15 ou 16 kHz. Cette altération évolue en véritable presbyacousie lorsqu’elle affecte la perception des fréquences situées au-dessus de 8 kHz, puis au-dessus de 6 kHz et enfin de 4 kHz. La perception des fréquences basses demeurant généralement moins affectée, l’audition des sons graves reste longtemps meilleure que celle des sons aigus. Avec le temps, la perception de la parole devient plus difficile, surtout pour les consonnes sifflantes (s, z, ch) et fricatives (f, v). Les deux oreilles ont tendance à être affectées. Le trouble auditif devient handicapant lorsque la perte affecte les fréquences supérieures à 1 kHz. Le diagnostic repose sur un examen audiométrique, qui prouve une surdité de perception bilatérale, symétrique, prédominant sur les fréquences aiguës. L’audiogramme explore les capacités à entendre (tonale) et à comprendre (vocale). La perte tonale s’exprime en décibels ; la perte vocale en pourcentage de gêne sociale.

PRISE EN CHARGE

> Audioprothèse : l’appareillage par une audio– prothèse constitue le traitement par excellence de la presbyacousie, mais le nombre de patients appareillés reste faible en France (quelque 800 000 personnes). Les audioptothèses ne peuvent être vendues que sur prescription médicale, après examen audiométrique tonal et vocal par un ORL.

> Le choix du type de prothèse relève de la compétence de l’audioprothésiste. Il réalise en fait une suite de compromis : le spécialiste doit déterminer la meilleure solution pour satisfaire le confort du patient et obtenir le résultat optimal.

> L’appareillage audioprothétique mériterait d’être adapté le plus précocement possible, dès que le bilan auditif est préoccupant, chez un patient convenablement informé et adhérant pleinement au projet d’appareillage. Il faut, de plus, envisager les modalités de financement de la prothèse. Elles conditionnent souvent l’acceptation du patient et le choix de l’appareil.

> La prothèse peut être monaurale (la meilleure oreille est alors appareillée) ou binaurale – cette solution améliore la localisation spatiale de la source sonore mais n’est possible que s’il n’y a pas une trop grande asymétrie entre les deux oreilles.

> La technologie permet de régler l’audioprothèse selon l’ambiance sonore (loisirs, restaurant, travail). Un traitement numérique du signal sonore reçu élimine largement les bruits parasites. Certaines prothèses peuvent être connectées par ondes courtes à une source sonore centrale (micro, téléphone, cinéma…).

> Le patient doit être soigneusement préparé à l’utilisation de la prothèse en exerçant préalablement son oreille pendant quelques semaines grâce à des appareils modificateurs de l’écoute ou grâce à des CD personnalisés à son ouïe. Ces exercices, prolongés après la mise en place de la prothèse, minimisent l’amplification nécessaire et améliorent la compliance au port de l’appareil.

Savoir plus

> Sites d’information : www.presbyacousie.fr et www.francepresbyacousie.org

> Test d’acuité auditive par téléphone : www.hein-test.fr

> Livres :

– Challier G., Lafosse Ph. (2008), Bien vivre en étant malentendant, Éditions Josette Lyon, 278 p.

– Frachet B., Vormes E. (2009), Guide de l’audition, Odile Jacob, Paris, 235 p.

– Goust J. (2009), Guide des aides techniques pour les malentendants et les sourds, Éditions Groupe Liaisons, coll. Néret, 211 p.

– Legent F., Bordure Ph. et al. (2011), Audiologie pratique, Elsevier-Masson 308 p.