Le ministère de la Santé a publié, le 20 décembre, les résultats de l’appel à projets du Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP). La sélection de 2013 se caractérise par la qualité de sa méthodologie et sa diversité.
La recherche infirmière reste la favorite du PHRIP. Sur les 20 projets de recherche sélectionnés en 2013 par le ministère parmi 133 candidatures, 15 sont portés par des infirmières. Une proportion légèrement supérieure à celle des résultats de l’an dernier, qui avait vu 12 dossiers infirmiers primés, sur un total de 19. La recherche en kinésithérapie confirme sa dynamique avec trois projets ayant obtenu un financement, et placés aux deux premières places du classement. Les deux autres recherches paramédicales primées concernent l’orthophonie et la diététique. Pascale Beloni, responsable de la mission transversale de recherche en soins du CHU de Limoges et membre du jury de sélection, se réjouit du niveau d’exigence méthodologique des dossiers déposés en 2013 : « C’est assez relevé et, de son côté, le jury se montre de plus en plus exigeant. Nous constatons que les équipes se sont approprié la méthodologie nécessaire pour la rédaction des projets. » Pour ce quatrième appel d’offres en recherche paramédicale, un cap semble avoir été franchi. Le jury a noté que la tendance à candidater au PHRIP suite à un échec à un appel d’offres en recherche médicale s’est nettement estompée. « Une dynamique semble enclenchée. La limite entre recherche paramédicale et recherche médicale commence à être bien visible et fixée. Les établissements sont plus au fait de ce que nous faisons et de nos objets de recherche. Nous nous éloignons du modèle de l’infirmière recueillant des données », commente Pascale Beloni.
Les projets primés cette année révèlent la grande diversité des préoccupations soignantes. Si l’édition 2012 avait été marquée par l’intérêt porté aux traitements non médicamenteux, aucune thématique ne semble dominer le PHRIP 2013. Les recherches en réanimation occupent une place importante dans la sélection, avec cinq projets, dont « La prévention des événements indésirables liés au nursing chez les patients de réanimation » et « La musicothérapie en réanimation : effet sur la tolérance et l’acceptation de la ventilation non invasive au cours de l’insuffisance respiratoire aiguë »; ainsi qu’un projet particulièrement original, présenté par le CHRU de Lille sous la conduite d’Hélène Dehaut : « Comment combler le “trou de la réa” par l’instauration d’un journal de bord après une mort ressuscitée : impact sur le syndrome de stress post-traumatique chez le patient et ses proches ». Ce carnet sera rempli par les soignants et les proches du patient. Coïncidence ou révélateur d’une communauté de vues, le carnet de bord fait également l’objet d’un autre projet de recherche primé. Marie Benazzouz, de l’AP-HP, propose de s’intéresser à « L’évaluation de l’efficacité d’un journal de bord lors de la prise en charge initiale des patients traumatisés graves sur la qualité de vie des patients à un an ». La psychiatrie et la néonatalogie sont également largement présentes dans le résultat final du PHRIP, avec 6 des 15 projets sélectionnés.
La recherche en encadrement est représentée cette année par un projet portant sur « Les déterminants individuels, organisationnels et managériaux de la qualité de vie au travail des infirmiers en psychiatrie et retentissement sur la qualité des soins », déposée par le CHRU de Tours.
La recherche qualitative est représentée par une étude particulièrement originale, menée au CHU de Brest, portant sur « Le rôle des pères dans le soutien à l’allaitement maternel des enfants nés dans un contexte de grande prématurité » (voir encadré ci-contre).
Le PHRIP 2013 est également marqué par une hausse notable de son budget, qui dépasse les 2 millions d’euros, contre 1,2 million lors des deux précédentes années. Pour 2013, le ministère n’a imposé aucun plafond financier au jury de sélection. S’il se félicite de la pérennisation du programme de recherche paramédicale et de la hausse de son budget, Christophe Debout, coordinateur du laboratoire de recherche infirmière à l’EHESP (École des hautes études en santé publique), tient à faire remarquer les limites qu’imposent les conditions de formation actuelle à la recherche infirmière. « On donne la possibilité aux infirmiers, depuis 2010, de devenir investigateurs principaux, souligne le chercheur et enseignant, mais, actuellement, il reste beaucoup à faire en termes de reconnaissance et concernant l’offre de formation spécifique dans le champ de la recherche en sciences infirmières. On constate que des porteurs de projet, dans nombre d’universités, souhaiteraient proposer des programmes – notamment de master – dédiés pour construire les compétences dont ont besoin ces investigateurs principaux pour mener à bien toutes les étapes de leur recherche. Mais, actuellement, ces projets ne peuvent pas bénéficier d’habilitation, et l’on doit se tourner vers des modèles de type DU. »
Christophe Debout note également l’importance de « lier la production de savoir scientifique et l’utilisation de ce savoir ». Le PHRIP va franchir dans les mois à venir une nouvelle étape. Ses premiers projets de recherche, financés en 2010 ou même en 2011, sont en cours de finalisation. S’approche donc l’occasion d’observer les opportunités de publication qui se dégageront et la façon dont les résultats des recherches seront intégrés aux pratiques, dans les établissements.
→ Infirmière clinicienne en réanimation néonatale, Sandrine Roudaut a fait appel au monde universitaire pour rédiger son projet, portant sur le rôle du père dans le soutien à l’allaitement des grands prématurés. « Je me suis rapprochée de chercheurs en psychologie sociale à la faculté de Brest, qui m’ont aidée à préciser la problématique et à déterminer les moyens. J’ai également suivi une formation universitaire, en sociologie, pour conduire des entretiens. »
L’infirmière interrogera 20 pères de nouveau-né prématuré à moins de 32 semaines d’aménorrhée. Ces entretiens, menés assez librement, auront pour but de « voir ce qui est problématique dans leur vécu, leurs croyances et leurs pratiques ». Les soignants en relation avec ces pères seront également questionnés. Il s’agira d’analyser « leurs pratiques, comment les familles sont considérées, comment se construit le lien avec le papa, souvent le premier interlocuteur du personnel soignant ». Deux doctorants en psychologie seront partie prenante de ce travail de recherche et aideront l’infirmière à recenser les mots-clés des discours recueillis et à analyser ces résultats.