Chefs d’orchestre - L'Infirmière Magazine n° 339 du 15/02/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 339 du 15/02/2014

 

CENTRES DE RÉFÉRENCE

DOSSIER

N. DA CRUZ  

Aide au diagnostic, suivi clinique, recherche, éducation thérapeutique… À l’image de la grande diversité des maladies rares et de leur prise en charge, les missions des infirmières qui interviennent dans les centres de référence sont éclectiques. Témoignages.

Seize ans déjà que Florinda Livinici est infirmière à l’Unité des maladies génétiques du globule rouge (UMGGR) de l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (94). Cette unité a été labellisée centre de référence des syndromes drépanocytaires majeurs peu après la mise en place du premier PNMR. La mission de Florinda ? Orchestrer le suivi thérapeutique décidé par le médecin lors des bilans annuels, et programmer les examens et les rendez-vous avec d’autres spécialistes de l’hôpital. Car la drépano-cytose, qui peut atteindre de nombreux organes, requiert des consultations en médecine interne, endocrinologie, cardiologie… Tous les lundis, l’hôpital de jour est ouvert aux malades, notamment à ceux qui bénéficient d’un programme régulier de transfusions. « Le patient passe alors la journée à l’hôpital, témoigne Florinda. Pour moi, c’est l’occasion d’engager le dialogue, d’évaluer ses besoins, de l’interroger sur son hygiène de vie. Je vérifie qu’il n’abuse pas des antalgiques à domicile et qu’il n’est pas confronté à des problèmes sociaux. Il s’agit également de l’encourager, de lui apporter un soutien psychologique, de réexpliquer la maladie, en s’adaptant à son niveau de compréhension. »

À quelques kilomètres de Créteil, dans le XVe arrondissement de Paris, l’institut Imagine a ouvert ses portes en janvier dernier, dans les locaux de l’hôpital Necker. Trente-six centres de référence des maladies rares (CRMR) sont représentés dans ce grand établissement dédié aux maladies génétiques. Parmi eux : le CRMR des surdités génétiques, dans lequel officie Fabienne Saint-Jalmes Digeon, en tant qu’infirmière clinicienne : « J’ai un rôle de coordination : j’organise les rendez-vous et examens complémentaires, je gère les dossiers médicaux, je reconvoque les familles et les apparentés si besoin… Je dois aussi pratiquer les prélèvements sanguins qui vont servir aux tests génétiques. » Pour cela, face à de jeunes enfants sourds, il faut trouver des moyens de communication parallèles et rassurants, avant de faire la piqûre. « J’utilise des ressources pour détourner l’attention, telles que le jeu, le doudou… » Ensuite, les résultats, envoyés dans un laboratoire spécialisé, mettent plusieurs semaines avant d’être publiés. Aussi, l’infirmière doit souvent tranquilliser les parents au téléphone. En tant qu’infirmière référente, elle est également leur relais auprès du médecin. Une fois le diagnostic posé, les surdités génétiques se traitent à partir d’appareillages ou d’implants.

Protocoles de recherche

Autre mission possible dévolue aux infirmières : la recherche. Toujours au sein de l’institut Imagine, Candice Brunet est infirmière mobile de recherche clinique. « Je travaille en binôme avec un collègue ; nous aidons les différents CRMR dans la réalisation de protocoles de recherche clinique. » L’objectif est de tester des médicaments qui n’ont pas encore une AMM pour une maladie rare, ou qui disposent seulement d’une ATU (autorisation temporaire d’utilisation), et ce afin de vérifier s’ils ont ou non une efficacité thérapeutique. Candice Brunet et son collègue se déplacent dans les services pour réaliser ces protocoles. Il leur faut, dans un premier temps, colliger les fiches de procédure infirmière, celle des personnes à contacter, la liste des effets indésirables, les produits, le matériel… « Puis, le jour J, nous allons chercher le médicament à la pharmacie hospitalière. Nous l’administrons au patient et effectuons une surveillance dans les heures qui suivent. » Ces essais cliniques incluent entre 20 et 30 patients, qui, le plus souvent, ignorent quel médicament leur est prodigué, pour éviter tout effet placebo. « L’essai clinique est souvent perçu comme une chance et suscite de la curiosité. J’entends souvent : “Si ça ne marche pas pour moi, cela fera quand même avancer la recherche et sera bénéfique pour d’autres malades”, ce qui est très touchant… », commente Candice Brunet. Comme pour toutes les maladies chroniques, l’éducation thérapeutique est essentielle dans les maladies rares. Récemment validé par l’ARS d’Aquitaine, le programme d’éducation thérapeutique « Mieux vivre avec la maladie de Gaucher » est peu à peu déployé sur le territoire national. Infirmière d’éducation thérapeutique, Stéphanie Occhipinti est chargée de le décliner depuis novembre 2013 au centre de référence de la maladie de Gaucher, à l’hôpital Saint-Joseph de Marseille. « Le programme commence par un diagnostic éducatif individuel qui dure une heure, témoigne-t-elle. Ensuite, j’aiguille les patients vers un des trois ateliers collectifs que nous avons mis en place. L’un porte sur la diététique ; un autre, sur la connaissance de la maladie et des traitements, en partenariat avec le médecin ; un autre, enfin, est consacré au vécu quotidien avec la maladie et à la dimension psychocomportementale. Le fait de partager ses expériences avec d’autres malades apporte un certain soulagement. Pour moi, l’éducation thérapeutique est un soin à part entière. » L’administration du traitement, à savoir l’enzymo-thérapie mise au point par le laboratoire Genzyme, fait l’objet d’une attention particulière. « La reconstitution de cette solution injectable à partir de la poudre et du solvant doit être réalisée avec précaution et précision ; sinon, le patient risque d’être sous-dosé, et à terme, de manifester des complications, indique Julien Arnal, infirmier coordonnateur chez Genzyme. C’est pourquoi je forme, à la demande, équipes hospitalières et cabinets d’infirmières libérales aux bonnes pratiques de reconstitution du produit. » Puis, les infirmières forment les patients qui choisissent de s’autoperfuser.

Crises graves

Depuis janvier 2011, Ghislaine Masurier s’occupe du programme d’éducation thérapeutique de l’angio-œdème héréditaire (AOH), à l’hôpital de Bondy, en Seine-Saint-Denis, et à l’hôpital Cochin, à Paris. « Je suis chargée d’éduquer les patients. Il leur faut savoir repérer une crise, prendre le traitement adapté en fonction de la sévérité de la crise (il existe des médicaments par voie orale ou injectable), gérer les crises graves - à savoir les oedèmes aux lèvres, sur la langue, à l’abdomen… Je cible en priorité les patients qui font des crises régulièrement, que je vois une fois, lors d’une rencontre individuelle. Ensuite, j’assure un suivi par téléphone. » Mais Ghislaine Masurier intervient aussi en marge de l’éducation thérapeutique. « Tous les lundis, à l’hôpital Verdier de Bondy (93), j’accueille les patients nouvellement diagnostiqués et je fais réaliser des examens, ainsi que le test génétique à partir de la prise de sang. Par ailleurs, je constitue un registre des patients, en fonction du type d’angio-œdème concerné et du traitement qu’ils reçoivent. » Le poste de Ghislaine Masurier est entièrement financé par l’industrie pharmaceutique, jusqu’en 2015. Mais sera-t-il renouvelé ? Rien n’est moins sûr. Ce qui serait fort préjudiciable à la prise en charge des patients mais aussi au référencement des malades en Ile-de-France…

À SAVOIR

L’association Vaincre les maladies lysomales (VML) organise des séjours répit d’une semaine en été permettant aux familles de partir en vacances avec leur enfant malade. Elle recherche des infirmières bénévoles pour accompagner ces séjours.

Contact : 01 69 75 40 30 www.vml-asso.org

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