L'infirmière Magazine n° 341 du 15/03/2014

 

DOSSIER

LE POINT SUR…

NATHALIE BELIN*   DR SYLVIE ROZENBERG**  

Très fréquentes, les lombalgies aiguës évoluent le plus souvent spontanémentet rapidement vers la guérison. Elles deviennent rarement chroniques. Plus rarement encore, elles peuvent être révélatrices d’une affection grave.

Dans tous les cas, le maintien des activités quotidiennes est recommandé.

PATHOLOGIE

Les lombalgies font partie des affections rhumatologiques les plus fréquentes. Une lombalgie aiguë commune se définit par une douleur d’origine rachidienne, sans cause tumorale, inflammatoire, infectieuse ou métabolique. Une lombalgie aiguë dure moins de 4 semaines. On parle de lombalgie subaiguë si les symptômes se prolongent entre 4 et 12 semaines. Une lombalgie évoluant depuis plus de 3 mois est qualifiée de chronique.

La douleur siège dans le bas du dos et peut irradier jusqu’à la région fessière. Son intensité est variable, parfois simplement gênante, parfois très invalidante.

Facteurs de risque

Les lombalgies aiguës sont plutôt observées chez des sujets jeunes. Les facteurs favorisants sont nombreux : activité professionnelle (vibrations, posture…) ; port d’une charge…

Outre l’âge, une prise en charge initiale trop tardive ou mal adaptée (repos strict au lit) favorise l’évolution vers une lombalgie chronique. Les antécédents de lombalgie aiguë ou de chirurgie lombaire, des facteurs socio-économiques (bas niveau de ressources ou d’éducation ; situation familiale perturbée ; poste de travail contraignant physiquement) ou psychologiques (troubles de la personnalité ou de l’adaptation, dépression) sont incriminés dans la genèse de la chronicité.

Évolution

→ 90 % des lombalgies aiguës évoluent vers la guérison en moins de 6 semaines. Des douleurs modérées peuvent persister pendant encore quelques semaines. La lombalgie s’accompagne parfois d’une sciatique ou d’une irritation des racines nerveuses. Une des complications de la sciatique, rare mais constituant une urgence neurochirurgicale, est le syndrome de la « queue de cheval ». Lié à la compression d’un faisceau de racines nerveuses, il associe douleur, déficit sensitif et moteur des membres inférieurs et troubles génito-sphinctériens (incontinence urinaire, constipation, impuissance).

→ On estime que 7 à 10 % des lombalgies évoluent vers la chronicité. Ces dernières peuvent altérer considérablement la qualité de vie et, surtout, conduire à une désinsertion socioprofessionnelle. L’inactivité physique engendre un « déconditionnement » caractérisé par une fonte musculaire, des craintes à se mobiliser, et, de ce fait, un handicap de plus en plus important. Des symptômes anxieux sont volontiers associés.

DIAGNOSTIC

Il est essentiellement basé sur l’interrogatoire et l’examen clinique.

→ En cas de lombalgie aiguë, donc d’apparition récente, l’examen met en avant un syndrome rachidien (associant une douleur, une contracture paravertébrale et une limitation de la mobilité du segment lombaire) et élimine tout signe de complication de la lombalgie (compression radiculaire, compression de la queue de cheval). En l’absence de signes d’alerte (fièvre, amaigrissement, signes extra-rachidiens, hyperalgie…) évocateurs d’une pathologie grave (pathologie tumorale ou infectieuse, fracture vertébrale…), aucun examen complémentaire n’est recommandé. En revanche, leur présence implique la réalisation en urgence d’examens complémentaires (bilan biologique inflammatoire et infectieux, TDM, IRM…).

→ Devant une lombalgie chronique, des radiographies du rachis lombaire de face et de profil, un bilan biologique (NFS, VS, CRP), éventuellement une IRM sont recherchés s’il existe des arguments en faveur d’une étiologie infectieuse, inflammatoire, tumorale ou métabolique.

PRISE EN CHARGE

Dans les lombalgies aiguës

L’objectif est de soulager rapidement la douleur, de restaurer les capacités fonctionnelles du patient et d’éviter le passage à la chronicité. Les activités habituelles doivent être reprises rapidement car elles sont préventives d’un passage à la chronicité. Si la douleur l’impose, le repos doit être le plus court possible (2 à 3 jours).

→ En première intention, le paracétamol est l’antalgique de choix chez les patients à risque digestif (> 65 ans ou antécédents d’ulcère) et ceux présentant des antécédents cardio-vasculaires. Les AINS sont notamment indiqués chez l’adulte de moins de 65 ans sans risque digestif.

Les manipulations vertébrales (ostéopathie) peuvent permettre d’accélérer la récupération. Leur effet est d’autant bénéfique qu’elles sont débutées tôt dans les suites de l’épisode aigu.

La chaleur peut aider à décontracter les muscles (patch chauffant ou poches à chauffer).

→ En deuxième intention, un traitement par opioïde faible, éventuellement associé à un myorelaxant (Décontractyl, Lumirelax, Coltramyl, Miorel…) est proposé, voire une infiltration de corticoïdes.

Dans les lombalgies chroniques

L’objectif est de contrôler la douleur, de diminuer la gêne et, selon le cas, de permettre la réinsertion sociale et professionnelle. Les exercices physiques sont recommandés.

→ Les antalgiques de palier I, voire II, le maintien de l’activité et la kinésithérapie basée sur des exercices de renforcement et d’étirement musculaire sont à la base de la prise en charge.

→ Les antalgiques de palier II ou III sont envisagés en cas d’échec des traitements précédents, sur de courtes périodes.

Des infiltrations de corticoïdes peuvent également être effectuées.

→ Les programmes multidisciplinaires de réadaptation à l’effort (menés par des médecins, des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes, des psycho- thérapeutes) sont proposés aux patients ayant un handicap lourd. Une thérapie cognitive et comportementale peut aussi avoir un effet bénéfique.

→ Le port d’une orthèse lombaire est utile dans certaines situations (long trajet en voiture, tâches sollicitant le dos, longues marches…).

À propos des traitements médicamenteux

→ Les AINS sont utilisés par voie orale. Les topiques ont un intérêt limité. La prescription d’un IPP est recommandée chez les sujets à risque, c'est-à-dire les patients de plus de 65 ans, ceux ayant des antécédents d’ulcère gastroduodénal et ceux traités par antiagrégant plaquettaire ou corticoïde. Les AINS au long cours présentent un risque de toxicité rénale, notamment chez les patients déshydratés. Leur prescription nécessite impérativement d’évaluer au préalable le risque cardio-vasculaire.

À savoir : la prise d’AINS doit s’effectuer systématiquement au cours d’un repas pour limiter les effets digestifs indésirables.

→ Outre une somnolence, les opioïdes (codéine, tramadol et opioïdes forts…) peuvent entraîner des nausées et une constipation (prescription systématique d’un laxatif osmotique sous opioïde fort). Le tramadol peut être responsable de convulsions et, chez le patient diabétique, d’hypoglycémie, même aux doses recommandées.

Sous opioïde ou myorelaxant, il faut déconseiller la prise d’alcool, qui majore la sédation, et recommander d’éviter la conduite automobile.

→ Au cours de la grossesse, le paracétamol est l’antalgique privilégié. En cas d’échec, la codéine ou le tramadol peuvent être utilisés quel que soit le terme de la grossesse. Les AINS sont contre-indiqués dès le début du 6e mois de grossesse (et durant toute la grossesse pour les coxibs). Prudence en cas d’automédication.

Sources utiles

→ www.ansm.fr « Rappel des règles de bon usage des AINS » , ANSM, juillet 2013.

→ www.inpes.sante.fr « Mal de dos : ouvrons le dialogue », un guide pratique pour les professionnels de santé et 2 livrets destinés aux patients.

→ www.rhumatologie.asso.fr Société française de rhumatologie.