INTERVIEW : FRANÇOIS BÉRARD CHEF DU SERVICE CERTIFICATION DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ À LA HAS
DOSSIER
Avec l’émergence des dispositifs de soins à domicile, François Bérard constate une confrontation entre les cultures des secteurs hospitalier et libéral plutôt qu’un conflit de générations entre IDE.
L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Quelle évolution observez-vous dans les pratiques des soignants ?
FRANÇOIS BÉRARD : Depuis 2009 et la loi qui autorise la mise en place de protocoles de coopération entre professionnels de santé
L’I. M. : Cela conduit-il à une confrontation entre professionnels ?
F. B. : De mon point de vue, il y a surtout une confrontation de deux cultures [avec l’émergence des dispositifs de soins à domicile, ndlr]. D’une part, on trouve la culture libérale, qui repose sur la confiance dans le patient à domicile. Et, d’autre part, il y a la culture hospitalière, qui, fondamentalement, interdit de lui faire confiance. Nos experts visiteurs ont parfois du mal à faire comprendre aux professionnels libéraux les obligations des uns et des autres. Dès lors que l’on se trouve dans un dispositif hospitalier, il faut répondre aux exigences d’un établissement de santé, et notamment en termes de traçabilité de la prise en charge médicamenteuse. Les professionnels sont tenus de respecter la traçabilité de leurs actes dans le dossier du patient. La construction d’un protocole de soins est prégnante dans ce genre de structures. La gestion du traitement médicamenteux est d’ailleurs un élément important.
L’I. M. : Quelles différences remarquez-vous entre les générations d’infirmières ?
F. B. : Pour ma part, je constate une évolution des exigences en matière de responsabilité juridique, notamment vis-à-vis des infirmières. Il y a une volonté de formalisation et de normalisation d’un certain nombre de leurs pratiques quant à l’organisation de la prise en charge des patients.
J’ai le sentiment, aujourd’hui, que la jeune génération est techniquement de très bon niveau, et connaît des techniques que ses aînés ne connaissaient pas. Je pense, par exemple, aux pansements par pression négative, les fameux pansements VAC. Cela se voit également dans le corps médical. En termes de techniques, il y a en effet une montée en compétence assez naturelle, que les anciennes ont acquise et que les nouvelles apprennent durant leur cursus et dans leur formation initiale, étant donné que ce sont des techniques que l’on retrouve à l’hôpital.
L’I. M. : Comment la HAS garantitelle une qualité des soins ?
F. B. : Nous pouvons garantir la manière dont nos experts visiteurs évaluent la qualité des soins dans les établissements de santé. En revanche, il m’est impossible de répondre de manière globale. Cela relève des missions régaliennes du ministère de la Santé, au regard des retours d’expérience. La sousdivision ressources humaines est en relation directe avec l’ensemble des organismes de formation, les partenaires sociaux. C’est vraiment un sujet qui relève de la DGOS. C’est son coeur de métier. Elle travaille dessus aujourd’hui, notamment sur la réforme LMD et la montée en compétence. Cela dit, au sein des établissements de santé, j’observe une réinterrogation des pratiques, une réflexion sur la manière dont chacun occupe son rôle. C’est lié à l’essor des démarches qualitégestion des risques. À travers l’évaluation que nous réalisons, nous rappelons chacun à ses pratiques. Le plus classique reste la retranscription de prescriptions à l’hôpital. Les infirmières s’en chargent bien souvent, car elles ont besoin d’avancer dans la prise en charge du patient. Elles pallient une insuffisance du médecin. Nous sommes là pour nous assurer que tout cela tienne la route.
L’I. M. : Sur qui repose cette qualité ?
F. B. : Il faut que la diffusion de la culture qualité et gestion des risques arrive au plus près du terrain. Les infirmières doivent comprendre pourquoi il est nécessaire de s’interroger sur ses pratiques et de les évaluer. On assiste à l’émergence de l’évaluation des pratiques professionnelles soignantes, soit à partir d’événements indésirables, soit à l’occasion d’évaluations des risques professionnels, de revues de morbidité-mortalité, ou encore suite à des Rex [retours d’expérience, ndlr] associant l’ensemble des acteurs de la chaîne de soin. Tout cela contribue à ce que chacun prenne conscience que la culture qualité et gestion des risques assure une meilleure sécurité de la prise en charge du patient.
1- Article 51 de la loi HPST du 21 juillet 2009.