Si l’on se réfère à l’enquête diligentée par l’AP-HP, la personne victime d’une mort subite à l’hôpital Cochin le 20 février dernier aurait été vue vivante à plusieurs reprises, par plusieurs personnes… Jusqu’à ce que l’on constate qu’elle ne l’était plus. Comme son nom l’indique, la mort subite est imprévisible. Elle peut donc se produire n’importe où, y compris aux urgences. Pour autant, l’invisibilité organisée de cette patiente, en ces lieux destinés à la soigner, est le symptôme d’un changement pour le moins délétère. Je n’ai pas l’intention de juger les protagonistes de cette malheureuse affaire. Mais, je ne peux m’empêcher d’y voir le résultat d’une politique du protocole dont nous n’avons pas fini de pâtir, soignants comme patients. Comment cette manie de la procédure a-t-elle pu nous conduire dans les labyrinthes ubuesques d’une partition des patients et des tâches qui nous rendent, finalement, inefficients ? Ce n’est pas faute d’essayer de mieux organiser, ni le fait que nous soyons devenus plus négligents qu’avant ; c’est, paradoxalement, en raison de cette organisation déresponsabilisante, déshumanisante, voire débilitante, que de tels faits peuvent se produire. Lorsqu’on lit le contenu de cette enquête, on est abasourdi. Triés en cinq niveaux de priorité, disposés en plusieurs lieux pour une attente dont rien ni personne ne peut prédire la durée, les patients, munis d’un bracelet après avoir renseigné le dossier administratif, sont abandonnés à leur sort.
La conclusion de cette enquête, c’est que les soignants ne se parlent pas. Et les patients ? Nul ne s’adresse à eux pendant des heures entières, et ils sont condamnés à regarder passer des soignants qui les envisagent à peine…