La maladie d’Alzheimer est une maladie neuro-dégénérative caractérisée par une dégénérescence progressive des cellules cérébrales. Elle est souvent associée à la perte de mémoire car elle affecte en premier lieu les neurones de la région de l’hippocampe, siège de la mémoire. Progressivement, les altérations portent sur d’autres zones du cerveau. La définition de la maladie associe une altération de la mémoire à au moins une autre perturbation cognitive (langage, agnosie, apraxie et/ou fonctions exécutives). Les conséquences de la maladie conduisent à une perte progressive d’autonomie. Aujourd’hui, avec plus de 850 000 personnes atteintes, la maladie d’Alzheimer touche directement ou indirectement environ 3 millions de Français. Bien qu’elle frappe en majorité les personnes après 65 ans, elle ne doit pas être considérée comme une conséquence normale du vieillissement.
Les maladies neurodégénératives sont liées à des altérations principalement neuronales (dégénérescence) qui surviennent de manière isolée. Si aucun facteur causal n’a pu être identifié, la maladie neurodégénérative est dite « primaire ». C’est le cas de la maladie d’Alzheimer. Plus de cent ans après la première description de la maladie par le médecin psychiatre et neurologue allemand Aloïs Alzheimer, en 1906, ses causes restent méconnues. Deux types de lésions sont répertoriées. D’installation progressive, elles conduisent à la mort des neurones. Ce sont :
– les « plaques amyloïdes » ou « plaques séniles », constituées de dépôts d’une protéine (β-amyloïde) qui s’agrègent autour des neurones et de leurs prolongements sous forme de plaques ;
– les dégénérescences neurofibrillaires : l’accumulation de filaments pathologiques, observés à l’intérieur des neurones et appelés « dégénérescences neurofibrillaires », est constituée d’une protéine, la protéine Tau, rendue dysfonctionnelle par une anomalie (hyperphosphorylation).
Les formes familiales de la maladie d’Alzheimer, héréditaires et liées à une mutation sur certains gènes, sont rares (moins de 1 % des cas). Elles concernent les formes jeunes de la maladie (début précoce, avant 65 ans). Trois types de mutations génétiques sont identifiés. « La recherche d’une mutation est faite lorsque l’arbre généalogique laisse supposer une maladie familiale chez les sujets de moins de 65 ans, ou, dans une forme extrêmement précoce de la maladie d’Alzheimer, avant 50 ans », explique le Dr Agnès Michon, neurologue au Centre mémoire de ressources et de recherches d’Ile-de-France Sud (Paris). Actuellement, le traitement et la prise en charge sont les mêmes que pour les formes « non génétiques », en attente de pistes éventuelles en thérapie génique.
La maladie d’Alzheimer débute bien avant le stade démentiel et se manifeste par l’apparition de troubles cognitifs, éventuellement de troubles du comportement ou de la personnalité.
Elle est souvent associée à la perte de mémoire car elle affecte en premier les neurones de la région de l’hippocampe (siège de la mémoire). Progressivement, d’autres zones du cerveau et d’autres fonctions cognitives sont touchées. L’évolution est généralement décrite selon trois grands stades, « léger, modéré et avancé » ; ou trois phases, « prédémentielle, démentielle, ou de démence sévère ». L’Échelle de détérioration globale (Global Deterioration Scale) du Dr Barry Reisberg est la plus employée dans le monde. Elle distingue sept stades, du « stade 1 », asymptomatique, au « stade 7 », celui de la démence très sévère à terminale.
L’ordre d’apparition et la sévérité des symptômes sont variables d’un patient à l’autre. Dans la plupart des cas, la maladie progresse lentement sur quinze à vingt ans, caractérisée par un trouble essentiellement mnésique, sans complications somatiques. Il existe des formes très rapides et graves, qui conduisent le patient au décès en quelques années.
→ Troubles de la mémoire : c’est le premier symptôme faisant évoquer le diagnostic. Les troubles portent d’abord sur les faits récents (emplacement d’objets, noms de personnes peu familières, difficultés pour acquérir de nouvelles informations, faire répéter plusieurs fois la même chose), on parle d’« oubli à mesure » ou d’atteinte de la consolidation en mémoire épisodique. Le patient minimise parfois ses troubles (anosognosie), alors que l’entourage s’en inquiète.
→ Difficultés à communiquer ou à se concentrer et changements d’humeur ou de comportement sont aussi possibles.
→ Autonomie conservée dans la plupart des activités quotidiennes, mais ces premiers symptômes peuvent causer des difficultés dans l’organisation de la vie quotidienne (gestion du budget, transports en commun…).
→ Troubles « aphaso-apraxo-agnosiques »
– Aphasie : troubles du langage, manque de mots jusqu’à la perte totale du langage. L’écriture devient illisible ;
– Apraxie : perte de la gestuelle, de la compréhension et de l’usage des objets malgré des fonctions motrices intactes. L’apraxie idéomotrice est l’incapacité à réaliser des gestes automatiques ou symboliques (salut militaire par exemple). L’apraxie idéatoire (souvent plus tardive) est une perturbation des fonctions exécutives : ne plus savoir se brosser les dents ou manger.
– Agnosie : incapacité (assez tardive) à reconnaître des objets malgré des fonctions sensorielles intactes. Elle peut être associée à une aprosognosie, difficulté à reconnaître les visages (y compris son propre visage dans un miroir).
→ Entrée dans la dépendance : les troubles « aphaso-apraxo-agnosiques » reflètent une extension des lésions aux régions corticales associatives (cortex préfrontal, pariétal et temporal externe). Ils entraînent une dépendance envers les aides extérieures car l’autonomie est significativement altérée (courses, toilette, habillage, repas…). Les changements d’humeur et de caractère s’aggravent à ce stade de la maladie. La qualité de l’environnement conjugal ou familial et la désignation d’un aidant principal sont des facteurs de stabilité et de durée à ce stade.
Cette phase survient en moyenne sept à huit ans après la détection des premiers symptômes. À ce stade très avancé, la perte d’autonomie est totale et justifie souvent une « institutionnalisation ». La maladie évolue vers un stade terminal où la vigilance est altérée par des épisodes de confusion. Des signes neurologiques apparaissent sous forme de crise comitiale ou d’un syndrome extrapyramidal entraînant des chutes et des fausses routes à répétition. Leurs conséquences sont à l’origine de l’entrée en fin de vie
Elle est souvent associée aux stades tardifs de la maladie alors qu’elle peut survenir dès l’apparition des premiers symptômes. Les troubles du comportement alimentaire sont associés au déficit cognitif et à la confusion mentale, mais aussi à la perte de la coordination neuromusculaire au cours de la mastication et de la déglutition. Le risque de perte de poids augmente avec la sévérité de la maladie. C’est un facteur de risque de mortalité.
Les troubles de l’équilibre et de la marche, liés à une atteinte corticale, sont fréquents et précoces dans la maladie d’Alzheimer. Ils sont aggravés par d’autres facteurs liés au vieillissement (baisse de la vue, fonte musculaire…), et peuvent être à l’origine de nombreuses chutes, qui exposent à des complications parfois sévères. À un stade plus avancé de la maladie peuvent survenir une rétropulsion avec un risque de chute en arrière et une marche à pas raccourcis et traînants, source de chutes.
L’exercice physique, notamment la marche, pourrait avoir un effet positif non seulement sur la prévention du risque de chute, mais aussi sur certaines aptitudes fonctionnelles et certains aspects du comportement
Les accidents surviennent plus souvent chez des personnes pour lesquelles le diagnostic de maladie d’Alzheimer n’a pas encore été posé. Ils peuvent prendre des formes très diverses, parmi lesquelles les erreurs médicamenteuses, les accidents de la voie publique ou domestiques. Ils peuvent être à l’origine d’une institutionnalisation.
Les symptômes psychologiques et comportementaux sont une des complications majeures de la maladie d’Alzheimer. Leur survenue, leur sévérité et leur durée sont imprévisibles.
Les troubles du comportement prennent la forme d’un désintérêt, d’un défaut d’initiative, d’un manque de plaisir et d’un repli sur soi. Les manifestations anxieuses et dépressives sont fréquentes. Les idées délirantes, très variées et fréquentes au cours de la maladie, apparaissent le plus souvent avec la phase de démence modérée, mais ils peuvent aussi être plus précoces ou plus tardifs. Les thèmes de délire les plus fréquents sont la persécution, le préjudice et la jalousie. Des hallucinations, le plus souvent visuelles, sources d’anxiété ou d’agitation, sont possibles (elles peuvent faire évoquer la possibilité d’une démence à corps de Lewy).
L’agitation verbale et/ou motrice peut s’accompagner d’agressivité verbale, plus rarement physique. L’instabilité motrice prend la forme de déambulations et d’incapacités à rester en place. Des comportements aberrants sont possibles (répétitions verbales ou gestuelles, ouverture des placards…). Les troubles du sommeil et des conduites alimentaires entraînent agitation et amaigrissement.
Dans le cadre de la maladie d’Alzheimer, les causes de décès sont essentiellement liées aux répercussions motrices de l’affection et aux problèmes de grabatisation (infections pulmonaires, urinaires, dénutrition, escarres…). « Les causes de décès sont également les mêmes que pour la population générale, précise le Dr Agnès Michon. Les accidents vasculaires, infarctus du myocarde ou cancers, sont diagnostiqués plus tardivement du fait de l’absence de plainte du patient vis-à-vis de ses symptômes. »
En 2010, les décès avec une MAAD (maladie d’Alzheimer et démences apparentées) représentaient 12,6 % des décès toutes causes survenus chez les personnes de 65 ans et plus
1- L’aide-mémoire de psychogériatrie, en 24 notions, Pierre Charazac, Éditions Dunod, septembre 2011.
2- « Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées. Diagnostic et prise en charge », Haute Autorité de santé, décembre 2011.
3- « Maladie d’Alzheimer et démences apparentées : taux d’ALD, de patients hospitalisés et de mortalité en France métropolitaine, 2007 et 2010 », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, BEH n° 30, septembre 2013.
DR AGNÈS MICHON NEUROLOGUE, CENTRE MÉMOIRE DE RECHERCHE ET DE RESSOURCES ILE-DE-FRANCE SUD, CHU PITIÉ-SALPÊTRIÈRE (PARIS)
La mise en place d’une prise en charge et d’un accompagnement précoce est, en premier lieu, importante pour le patient qui souffre des symptômes dès le début de la maladie. Le sentiment de perdre le contrôle de son existence peut générer une angoisse terrible. Plus le patient est aidé précocement dans la mise en place de stratégies pour faire face à la situation, meilleure seront son évolution personnelle et ses interactions avec l’entourage. Évoquer une maladie d’Alzheimer dès les premiers symptômes permet aussi d’impliquer le patient pour le rendre acteur de sa prise en charge. Quand le diagnostic est tardif, le patient est exclu car c’est l’entourage qui prend des décisions pour lui. Le médecin doit être attentif aux demandes du patient qui le sollicite sur la question de la perte d’autonomie, sur ce qu’il souhaite pour son avenir, ce qui peut être une ouverture pour évoquer des directives anticipées.