L'infirmière Magazine n° 342 du 01/04/2014

 

ACCÈS AUX SOINS

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

SANDRA MIGNOT  

Dépassements d’honoraires, délais d’attente… Les agents de la fonction publique ne sont pas mieux lotis que les salariés du secteur privé sur le plan de leur santé.

Quatre fonctionnaires sur dix déclarent avoir renoncé à des soins ou à des consultations médicales au cours des douze derniers mois, majoritairement en raison d’un coût trop élevé. Tel est l’un des résultats émanant d’une enquête en ligne(1) menée auprès de 1 078 agents territoriaux, hospitaliers et du ministère de l’Intérieur. Les renoncements – dont 40 % se sont répétés trois fois ou davantage dans l’année – concernent en premier lieu les achats optiques, puis les prothèses et les soins dentaires. Des dépenses parmi les moins bien remboursées par les mutuelles, dont 97 % des personnes interrogées bénéficient ; 15 % déclarent également avoir renoncé à une consultation chez un spécialiste. Sans grande surprise, les données de l’enquête montrent que 57 % des répondants ont indiqué avoir subi des dépassements d’honoraires, engendrant des restes à charge allant de 50 à 200 euros pour la moitié des personnes concernées et dépassant 200 euros pour 17 % d’entre elles.

Gratuité

Les agents hospitaliers semblent, eux, moins concernés par les dépassements d’honoraires (39 %). Mais, malgré un dispositif(2) leur permettant de bénéficier de la gratuité totale des soins, hospitalisation et médicaments prescrits et délivrés dans leur établissement, ils renoncent pourtant davantage aux soins (44 %) que l’ensemble des agents interrogés. « Il est malheureusement inégalement appliqué, ou bien les agents y ont insuffisamment recours », a remarqué Alban Amselli, chef de bureau à la direction générale de l’offre de soins. Les délais d’obtention des rendez-vous et l’obligation de passer par le médecin traitant avant une consultation chez un spécialiste sont également mis en cause. Environ un quart des déclarants reconnaissent ainsi n’avoir pas respecté le parcours de soins au cours des deux dernières années, alors qu’ils savent qu’ils seront moins remboursés. Parmi eux, un tiers le font afin de gagner du temps.

Différences de catégorie

Franck Von Lennep, directeur de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, a tenu à relativiser ces résultats en soulignant les limites des enquêtes en ligne. « Il s’agit davantage d’une photographie que d’un sondage, a-t-il insisté. Il manque des données importantes en fonction du sexe, de l’âge, de la catégorie d’emploi. Or, il y a fort à parier que les résultats ne sont pas les mêmes pour les catégories C et A. » Le chercheur a tenu à souligner que la situation financière n’est pas la seule explication de cette situation. « Il y a une dimension culturelle et normative qui fait que certaines catégories de la population consultent moins, argue-t-il. Les notions d’accessibilité géographique et temporelle peuvent également être en cause. » En population générale, les statistiques du renoncement aux soins pour raisons financières sont relativement stables depuis plusieurs années, à environ 15 %.

1- Enquête conduite par la Mutuelle Interiale et le groupe Moniteur en décembre et janvier derniers.

2- Article 44 de la loi n° 86-33 du 9 janv. 1986.

EUROPE

LE MÉDECIN GÉNÉRALISTE PLÉBISCITÉ

Alors que certains s’inquiètent des renoncements aux soins et de l’augmentation du reste à charge en France, les données comparatives semblent plutôt rassurantes. « La France est le pays où la part de la population qui consulte un généraliste est la plus élevée, a remarqué Caroline Berchet, analyste des politiques de santé pour l’OCDE, intervenant à la table ronde. Environ 86 % des Français contre, par exemple, 58 % des Finlandais ou 66 % des Suisses, ont consulté leur généraliste au cours des douze derniers mois. Une situation qui s’explique sans doute par une organisation différente des systèmes de soins. Le recours au spécialiste est moins fréquent : environ 56 % des Français en ont consulté un dans les douze derniers mois. Mais, ce qui frappe l’analyste, c’est surtout l’existence d’inégalités d’accès à ces médecins : « La France figure parmi les champions de l’inéquité. Seulement 45 % du quintilé de population ayant le revenu le plus bas a pu consulter un spécialiste dans les douze derniers mois, contre 68 % des plus riches. »