L'infirmière Magazine n° 342 du 01/04/2014

 

ÉTATS-UNIS

ACTUALITÉ

ADRIEN RENAUD  

Un tiers des patients des SSR, services qui reposent sur les infirmières, ont subi des événements indésirables, alerte une étude gouvernementale.

Ce sont des endroits très dangereux ». Richard Mollot, qui dirige une association américaine de défense des patients, qualifie ainsi les « nursing homes », sortes de services de soins de suite et de réadaptation (SSR). Interrogé par le site d’investigation Pro­Publica, ce lobbyiste est « ahuri » par les résultats d’une enquête dévoilée début mars : 33 % des patients de ces structures ont été victimes d’erreurs. Des médecins de l’inspection générale du département de la santé ont étudié les dossiers de 653 patients qui avaient effectué, au cours du mois d’août 2011, un séjour dans les nursing homes suite à une hospitalisation. Dans 22 % des cas, ils ont relevé des incidents graves, c’est-à-dire des erreurs ayant conduit à une prolongation du séjour, à une réhospitalisation, à une invalidité permanente ou au décès : chute d’un patient ; hémorragie suite à une erreur de médicament ; infection associée au traitement des plaies… Dans 11 % des cas, ils ont identifié des erreurs de moindre importance, mais ayant entraîné une intervention médicale. Ils ont estimé que 59 % de ces événements étaient « clairement évitables ».

Causes profondes

Dans un pays où les SSR reposent presque exclusivement sur le travail des infirmières (moins de 20 % des établissements emploient des médecins), les compétences, le manque de formation et d’encadrement des soignantes ont été pointés du doigt par les enquêteurs comme par l’opinion publique. Mais ce scandale sanitaire a des origines plus profondes. Plusieurs experts mettent en cause la pression financière subie par les hôpitaux : les durées de séjour diminuent, et nombre de patients ne sont pas encore stabilisés quand ils arrivent dans ces centres de convalescence. Ruth Ann Dorrill, qui a travaillé sur le rapport, expliquait à la radio publique NPR qu’il y a vingt ans, on trouvait le patient moyen en train de jouer aux cartes. De nos jours, il est dans sa chambre, sous assistance respiratoire. Pour le professeur Yvon Berland, président de l’université d’Aix-Marseille et auteur de plusieurs rapports sur les professions de santé intermédiaires, cette étude ne doit pas remettre en cause le principe, acté dans la stratégie nationale de santé, d’une place plus importante pour les infirmières dans la prise en charge en France. D’ailleurs, en 2010, une étude en tous points similaire avait estimé que dans les hôpitaux américains, la proportion d’erreurs était de 27 %. Un taux pas si éloigné de celui des nursing homes.