Dans son rapport de 2013, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dresse un premier bilan de la réforme des soins psychiatriques sans consentement.
La loi du 5 juillet 2011 prévoit que la personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement doit être informée le plus rapidement possible de la décision d’admission et de chaque décision de maintien de soins. « Deux ans après l’entrée en vigueur de la loi, ces dispositions sont appliquées de manière très différenciée », constate Jean-Marie Delarue. Ce type de soins est pourtant loin d’être marginal : selon l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes), plus de 71 000 patients ont été hospitalisés en psychiatrie sans leur consentement en 2010. De 2006 à 2011, les hospitalisations à la demande d’un tiers ou d’un représentant de l’État ont crû, respectivement, de 44 % et de 41, 5%.
La loi de 2011 introduit également un examen des placements par le juge des libertés à 12 jours du placement initial puis tous les six mois. Or, si l’intervention judiciaire « constitue un indéniable progrès », estime le CGLPL, elle « se heurte à l’image du juge » : la plupart des patients en ont une « représentation répressive ». Les soignants eux-mêmes méconnaissent la dimension protectrice des droits de la personne. Quant aux médecins, ils y voient parfois un « contrôle illégitime de leurs pratiques ». Résultat, certains établissements délivrent systématiquement des « certificats médicaux contre-indiquant l’audition du patient », regrette le contrôleur. Surtout, quand l’audience a lieu, la défense du patient est « embryonnaire » : les avocats ne se déplacent que rarement dans les hôpitaux et se limitent au strict contrôle de la régularité de la procédure, déplore-t-il. Et de recommander la création d’une formation spécialisée pour les avocats et un relèvement de leur rémunération.
D’une manière générale, les équipes sont « très réceptives aux questions relatives aux droits fondamentaux des patients et aux risques de dérives », salue le CGLPL. Ce qui ne met pas l’hôpital psychiatrique à l’abri de « diverses formes d’abus de pouvoir », ajoute-t-il. La suppression du diplôme d’infirmier de secteur psychiatrique a affaibli les pratiques professionnelles, considère le contrôleur : les soignants se disent « insuffisamment préparés » aux « problématiques délinquantes » et à « celles des populations migrantes », pointant le « manque de temps et d’espace d’analyse de leurs pratiques ». Pour le CGLPL, « il serait utile que les IDE affectées en psychiatrie » puissent bénéficier de formations complémentaires dans les établissements.
Le CGLPL épingle aussi le difficile accès aux soins somatiques, « l’insuffisance d’activités » dans les hôpitaux où « les patients déambulent, désœuvrés » et l’interdiction des relations sexuelles. Quant aux « pratiques les plus évidemment attentatoires aux libertés » que sont l’isolement et la contention, le CGLPL réitère sa demande de registres pour en permettre la traçabilité (heure de début et de fin, circonstances, raisons, nom du médecin ayant prescrit ou approuvé la mesure…).