PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ
ACTUALITÉ
DU CÔTÉ DES… ÉTABLISSEMENTS
Le groupe Eiffage et l’établissement hospitalier ont mis un terme au bail, très coûteux, qui devait les lier jusqu’en 2041. Mais la reprise des embauches n’est pas encore à l’ordre du jour.
Ils ont tous poussé un « ouf » de soulagement : l’ARS d’Île-de-France comme la direction et les personnels du Centre hospitalier sud-francilien (CHSF), situé à Corbeil-Essonnes (91). Après un an de tractations discrètes, l’établissement, qui avait ouvert ses portes en 2012, a officialisé en mars son « divorce à l’amiable par entente mutuelle » avec Eiffage, selon les mots du directeur, Jean-Michel Toulouse. C’est la fin de l’un des plus gros partenariats public-privé (PPP, cf. encadré) dans le monde de la santé.
Conclu en 2006, le bail emphytéotique hospitalier auprès du groupe de BTP était censé courir jusqu’en 2041, date à laquelle l’hôpital serait devenu propriétaire de ses murs. En effet, l’investissement initial de 344 millions d’euros d’Eiffage devait se traduire par un loyer annuel de 46 millions d’euros pour l’établissement. Mais, le retard de livraison de neuf mois et les diverses modifications au contrat ont abouti à des surcoûts importants pour l’établissement, qui accusait lui-même en 2013 un déficit de 33 millions d’euros. « À cause du retard des travaux, l’hôpital a dû payer un loyer avant même d’emménager, ce qui n’est pas normal, dénonce Catherine Fayet, déléguée SUD-santé du CHSF. Clairement, le contrat avait été très mal négocié au départ et les clauses – par exemple, le paiement de pénalités de retard – n’étaient pas assez contraignantes pour Eiffage. »
Pour beaucoup, le compromis négocié entre les deux parties et approuvé par les représentants du personnel est un moindre mal. Le constructeur empoche, néanmoins, un dédommagement total de 171,5 millions d’euros et le paiement d’un loyer annuel de 21 millions d’euros jusqu’en septembre 2015, date à laquelle l’hôpital recouvrera la propriété du bâtiment. « C’est enfin une bonne nouvelle pour les comptes publics, la résiliation du bail permettant une économie nette de 600 à 700 millions d’euros par rapport à la poursuite du bail », s’est félicitée l’ARS, qui devra, toutefois, continuer à mettre la main au pot pour éponger le déficit de l’hôpital.
Dans la tourmente, ce sont aussi les conditions de travail dans l’établissement qui ont été difficiles pour les soignants : turnover important dans les équipes, augmentation des accidents du travail et des arrêts de longue maladie, 200 000 heures de travail non encore récupérées en raison du sous-effectif. « Nous avons toujours été contre ce PPP, qui a eu pour conséquence une dégradation des conditions de travail des soignants ; ils ont fait beaucoup d’efforts depuis quatre ans, souligne Catherine Fayet. C’est pourquoi nous demandons qu’ils puissent bénéficier des économies générées par la sortie du PPP. » C’est pourtant loin d’être gagné, car le plan de retour à l’équilibre de l’établissement impose 8 millions d’euros d’économies sur la période 2013-2016. Selon SUD-santé, le gel d’encore 87 postes de soignants serait actuellement à l’étude alors que l’activité du centre a augmenté de 14 % l’an dernier.
La Cour des comptes a consacré un chapitre de son rapport annuel aux PPP du plan Hôpital 2007, les qualifiant dans une litote de « procédure mal maîtrisée ». Dans le détail, 14 opérations ont été passées à la loupe, ce qui a donné lieu à trois critiques majeures : précipitation dans les procédures, atouts du PPP mal exploités et enjeux financiers insuffisamment pris en compte. Dans quatre projets, il s’agit de la construction d’un nouvel hôpital ou d’un regroupement : le CH de Bourgoin-Jallieu dans l’Isère (141 millions d’euros), le CH d’Annemasse-Bonneville en Haute-Savoie (134,6 millions d’euros) et la cité sanitaire de Saint-Nazaire en Loire-Atlantique. Ces établissements espèrent connaître le même dénouement que le CHSF. « Nous réclamons que les autres établissements concernés, notamment l’hôpital de Saint-Nazaire, puissent bénéficier d’une procédure identique », a réagi la fédération CGT santé. Pour sa part, la FHF ne remet pas en cause le principe des PPP mais appelle au « pragmatisme ».