PERSPECTIVES
DOSSIER
Impliquant une prise en charge plus « éclatée » dans le temps, la chirurgie ambulatoire donne la part belle à la fonction Infirmière, en pré et post-opératoire et lui ouvre de nouvelles perspectives pour des consultations paramédicales.
Accueil de l’unité de chirurgie ambulatoire de l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP). Michel Le Goff, aide-soignant, une liste à la main, se tourne vers sa droite pour annoncer la sortie de la jeune femme qui prend une collation dans le box attenant. Puis il décroche son téléphone et appelle un patient qui doit être opéré le lendemain. De manière enjouée et donnant l’impression de le connaître depuis toujours, il lui précise l’horaire auquel il doit se présenter à l’unité et vérifie avec lui qu’il a compris et appliqué les recommandations qui lui ont été données. Le lendemain, quand cette personne se présentera à l’hôpital, c’est Michel qui l’accueillera. Dans cette unité dédiée à l’ambulatoire, les soignants qui effectuent l’appel à J-1 sont ceux qui, le lendemain, prendront en charge les patients. Pour le médecin coordonnateur de l’UCA, Marc Beaussier, « avoir le même interlocuteur facilite l’échange d’informations et cela a une fonction indéniablement rassurante pour le patient ». Michel apprécie cette nouvelle fonction, stratégique : « J’ai l’impression d’exister beaucoup plus au sein du service. À l’accueil, le relationnel est capital. » Et le soignant paie de sa personne, avec un sourire, une petite plaisanterie qui détendra l’atmosphère, sans perdre de vue sa check-list et son programme journalier. Laurent Maudieu est infirmier au centre Gauducheau (ou ICO). Il travaille à la fois en chirurgie ambulatoire et conventionnelle. L’accueil est une fonction très importante à ses yeux. « Il s’agit de tout concentrer. Cela nous demande une présence intense et une grande vigilance. » La veille de l’opération, le dossier d’entrée du patient a été préparé. « Cela nous permet de mettre en avant certains points qui nous paraissent sensibles, souligne l’IDE. Éventuellement, nous avons pu prendre des contacts s’il apparaît nécessaire de faire venir une diététicienne ou un psychologue pendant l’hospitalisation en ambulatoire. » Lors de l’admission du patient, le déroulement de la journée lui est communiqué. Les soignants lui détaillent les documents avec lesquels il repartira à sa sortie, lui expliquent qu’il sera appelé le lendemain, à son domicile, et s’assurent ainsi de détenir le bon numéro de téléphone pour cet appel en J+1.
Dans les services de chirurgie ambulatoire, infirmières et aides-soignants, se voient proposer de nouveaux rôles et de nouvelles responsabilités, avant, pendant et après l’intervention. Le professeur Beaussier caresse le rêve de mettre en place une consultation infirmière pré-opératoire : « Dans nos consultations médicales, on a énormément de questions sur l’organisation, qui pourraient parfaitement être traitées par une infirmière de coordination, qui interviendrait une fois que le feu vert pour l’ambulatoire aurait été donné. Cela serait une grande avancée. Elle expliquerait au patient comment l’intervention va se dérouler, les risques, ce qui doit être surveillé. Et les patients ont des questions passionnantes à poser… » Le pas a déjà été sauté à l’Institut cancérologique de l’Ouest. En sénologie, afin d’améliorer l’information donnée aux patientes et le soutien qui leur est apporté, une consultation infirmière d’annonce a été créée (lire p. 17). Proposée depuis 2007 aux patientes lors de la consultation d’annonce avec le chirurgien, elle se tient environ une dizaine de jours après ce premier rendez-vous et une quinzaine de jours avant l’intervention. Cela laisse le temps aux patientes de dépasser le choc de l’annonce et, le cas échéant, de préparer leurs questions.
À Saint-Antoine (AP-HP), une quarantaine de chirurgiens interviennent en salle d’opération, mais le personnel de l’unité est paramédical. En salle de préparation, Véronique Taleb, IDE, assure un dernier contrôle : « C’est parfois quand il est arrivé en salle de préparation que le patient ose évoquer quelque chose dont il a oublié de nous faire part, lors des étapes précédentes. Malgré les informations orales et écrites qui lui ont été données, il a pu oublier de signaler certaines chose ou il n’a pas bien suivi les recommandations qui lui avaient été données. La salle de préparation est le dernier sas avant l’opération. Il se confie alors plus librement. » La soignante s’assure que le patient est à jeun, qu’il a pris sa douche, qu’il n’a pas pris les médicaments qui lui ont été contre-indiqués. Elle contrôle son état cutané. Si le patient ne se présente pas dans les bonnes conditions, son opération peut être repoussée plus tard dans la journée ou même reprogrammée.
À l’issue de l’opération, une fois que le chirurgien et l’anesthésiste ont donné leur feu vert pour la sortie du patient, le personnel paramédical s’assure que celui-ci repartira avec tous les documents nécessaires. En chirurgie ambulatoire, le compte-rendu opératoire est confié au patient à sa sortie de l’hôpital. Les soignants doivent également s’assurer que la personne qui vient d’être opérée dispose de ses prescriptions médicales, notamment pour la prise en charge de la douleur, ou la réfection de son pansement. Les patients repartent également avec une date de consultation post-opératoire et un numéro de téléphone, à appeler en cas d’urgence. L’appel post-opératoire est une des clés du bon fonctionnement de la chirurgie ambulatoire. Au centre Goducheau, les patients sont systématiquement appelés le lendemain de l’intervention. Il s’agit d’abord de s’assurer de l’absence de complications ou de difficultés. « Je commence d’abord par demander comment s’est passée la nuit, explique Laurent Maudieu. Si des douleurs ont été éprouvées, je me renseigne pour savoir si l’anti-douleur a été pris et à quelle quantité. Cela peut être l’occasion d’inciter le patient à prendre son traitement antalgique, s’il ne l’a pas fait. Puis nous parlons du pansement. Le cas échéant, je peux lui conseiller de contacter son infirmière libérale pour refaire le pansement. »
Les soignants apportent une écoute et des réponses, ce qui permet d’apaiser les angoisse et de réduire les réhospitalisations. À Saint-Antoine (AP-HP), plusieurs appels post-opératoires peuvent être programmés, en fonction des types d’opération et d’anesthésie. « C’est l’occasion pour nous de faire de l’éducation thérapeutique, souligne Véronique Taleb. Nous répondons à des questions qu’ils n’avaient pas pensé à nous poser avant, par exemple s’ils peuvent conduire ou non. Nous les rassurons. C’est un moment très important. Si nécessaire, notamment en cas d’apparition d’hématome, nous programmons une consultation supplémentaire. »
Une consultation infirmière « Plaies et Cicatrisations » a été mise en place à l’institut Gauducheau. Cette initiative est liée la mise en place d’un protocole de coopération interprofessionnelle concernant la ponction de lymphocèle. Nicoletta Huart, IDE et titulaire d’un DU « Plaies et Cicatrisation » se réjouit de ses nouvelles responsabilités : « Le but de cette consultation est d’apporter une réponse rapide aux patientes. Au téléphone, elles nous font part de leurs inquiétudes, décrivent d’éventuelles difficultés à enlever leur pansement, des rougeurs. Cela nous permet d’apporter une vraie réponse à des problèmes liés à un manque d’information. Si cela s’avère nécessaire, nous les recevons rapidement. » Les infirmières se chargent du suivi si un problème infectieux est suspecté. Si nécessaire, le médecin intervient pour la prescription d’antibiotiques et les infirmières gardent le contact avec la patiente. Cette consultation a fait l’objet d’une étude qui a montré qu’elle avait permis une baisse des reprises chirurgicales. Une troisième infirmière est en train d’être formée pour augmenter l’équipe.