Les bilans sociaux 2012 des établissements publics de santé, dont une synthèse vient d’être publiée par le ministère, livrent une photographie du travail à l’hôpital. Ces statistiques « rénovées », fournies en 2013 par 348 établissements, seront mises en ligne pour permettre les comparaisons entre hôpitaux. Accidents du travail, absentéisme, rémunération… Décryptage des données clé avec Jean-Marie Barbot, directeur du CH « Fondation Vallée » (Val-de-Marne) et président de l’Adrhess
Au premier rang des métiers dits « sensibles », figurent les masseurs-kinésithérapeutes, cités par 69,1 % des établissements. Ils devancent les infirmières de soins généraux (39,4 %) et les Iade (23,6 %). De par leur importance numérique ou la rareté de leurs compétences, ces professions sont considérées comme étant « en tension » par les directions hospitalières. Peu tentée par l’exercice hospitalier, la population des masseurs-kinésithérapeutes est également vieillissante. Quant aux Iade, leurs compétences restent très prisées. Mais, s’agissant des infirmières de soins généraux, touchées par le chômage, ce classement en « métier sensible » surprend. « La situation pénurique d’il y a dix ans tend à s’estomper grâce à une augmentation des quotas en Ifsi, reconnaît Jean-Marie Barbot. Mais cela reste un métier sensible, notamment en Île de-France, où la rotation du personnel est très forte. Les jeunes professionnelles ne restent pas longtemps dans les établissements. » Côté médecins, les anesthésistes-réanimateurs, les radiologues et les psychiatres sont considérés comme étant les métiers les plus sensibles.
La masse salariale chargée par équivalent temps plein rémunéré (ETPR) s’élève à 113 174 euros annuels pour le personnel médical et à 43 044 euros pour le personnel non médical. Pour ces derniers, elle est plus élevée dans les CHU, avec un coût moyen de 44 124 euros, que dans les petits centres hospitaliers (43 149 euros par ETP). Un agent de catégorie C représente un coût moyen de 35 995 euros. Les différences entre catégories A et B sont nettement moins marquées, avec une masse salariale moyenne de 50 852 euros par ETPR pour les premiers et 49 463 euros pour les seconds.
Par ailleurs, l’intérim médical représente 3,3 % des dépenses totales des 104 établissements ayant renseigné cette donnée, soit un peu plus de 38 millions d’euros, contre 0,32 % pour le personnel non médical (17,1 millions d’euros).
Fin 2012, la journée de 12 heures était le quotidien de quelque 42 000 agents, exerçant au sein de 239 hôpitaux, soit 10,5 % de l’effectif total. Dans les centres hospitaliers de petite taille et de taille moyenne, cette proportion s’élève respectivement à 13,4 % et 13,6 %, contre 10 % dans les CHU. « Tout le monde n’est pas en service de soins, relève Jean-Marie Barbot. La proportion de soignants en 12 heures doit être plus importante. Les horaires dérogatoires se développent dans un grand nombre d’établissements. En Île-de-France, deux tiers d’entre eux l’ont mis en place dans tous ou une partie des services. Ceux qui ont une continuité de services H24, comme la réanimation, la cardiologie et les urgences, sont les plus concernés », détaille le directeur hospitalier. La journée de 12 heures est devenue un atout de recrutement pour les petits établissements, alors que « dans les CHU, qui possèdent une attractivité naturelle, le recrutement est plus aisé », analyse Jean-Marie Barbot.
C’est le nombre d’heures supplémentaires accumulées par quelque 213 000 soignants fin 2012. En moyenne, chaque agent avait à son actif 20,8 heures supplémentaires non récupérées ou rémunérées. Impossible, en revanche, de savoir depuis quand. « Quand les services sont en sous-effectif, il est difficile de les récupérer, relève Alexis Brones, de la CGT santé. Elles sont de plus en plus souvent payées, ce que certains agents préfèrent. » « Il se passe toujours deux ou trois mois avant que les heures supplémentaires ne soient traitées, note, pour sa part, Jean-Marie Barbot. Il aurait été plus pertinent de recenser le nombre d’heures supplémentaires effectuées par les agents, pour mettre leur évolution en corrélation avec les vacances d’emploi et l’intérim. » Fin 2012, les 26 375 médecins avaient, quant à eux, capitalisé 6 demi-journées de temps de travail additionnel. Les comptes épargne temps (CET) fonctionnent à plein régime pour ces derniers : en moyenne, un médecin a emmagasiné 26,9 jours, contre seulement 2,2 jours pour le personnel non médical des services de soins. « Dans les hôpitaux de province, le CET s’est relativement peu développé, remarque Jean-Marie Barbot. Dans de nombreux établissements, il est réservé aux cadres. »
Les championnes des accidents de travail ne sont autres que les infirmières ! Ces dernières font partie des cinq métiers les plus touchés pour 97,94 % des 238 établissements ayant renseigné cet item. Elles sont suivies de près par les aides-soignantes (97,1 %), puis par les ASH (77,4 %). En cause, les chutes (citées par 78,4 % des établissements), les efforts liés à la manutention des malades (72,7 %), les accidents exposant au sang (AES, 59 %) et le « contact avec un malade agité » (23,6 %). Si les aides-soignantes et les ASH sont particulièrement sujets aux chutes et aux troubles musculo-squelettiques liés à la manutention des patients, les infirmières sont davantage exposées aux risques d’AES par projection de produit biologique et par coupure ou piqûre avec des instruments souillés. « Ce sont des incidents graves qui entraînent des examens mais ne font pas toujours l’objet d’un arrêt de travail », remarque le directeur de l’Adhress. Les soignants des services de psychiatrie, des urgences et de gériatrie sont les plus touchés par les violences des patients.
Derrière ce taux d’absentéisme global (nombre de journée d’absences divisé par l’effectif moyen), se cachent de fortes disparités de personnel. Si le corps médical fait figure de bon élève avec 2,8 % d’absentéisme, le personnel non médical affiche un taux de 7,4 % bien supérieur à la moyenne nationale des salariés (environ 4 %). Ce pourcentage est encore plus élevé s’agissant des seuls personnels des services de soins (8,1 %). « Il y a un surabsentéisme chez les aides-soignantes, dont la moyenne d’âge est plus élevée que celle des infirmières », note Jean-Marie Barbot.
Pour toutes les catégories, il s’agit essentiellement d’absences supérieures à six jours avec, dans l’ordre, la maladie ordinaire, les congés maternité et les congés de longue durée ou de longue maladie. S’il est difficile de faire des comparaisons en raison d’un changement du mode de calcul, l’absentéisme serait « en lègère augmentation par rapport à 2011 », avance Jean-Marie Barbot. L’instauration du jour de carence en 2012 – supprimé le 1er janvier dernier – est pointé du doigt par Alexis Brones, pour qui ces taux « ne traduisent pas la réalité ». « Les gens ont renoncé au droit à la maladie », assène le responsable CGT. Le directeur de l’Adhress se montre plus mesuré : « Le tableau de 2011 ne faisait pas la distinction entre les absences de courte et de longue durée ; on ne dispose pas, non plus, du nombre d’arrêts mais du nombre de journées d’absence. On ne peut pas dire ce qui a évolué avec le jour de carence mais on peut penser qu’il a eu un effet sur ce que l’on appelle l’absentéisme perlé. »
1- Association pour le développement des ressources humaines dans les établissements sanitaires et sociaux.
Parmi les 479 établissements publics de plus de 300 agents astreints au bilan social, 300 l’ont transmis partiellement ou en totalité (tous les items n’étaient pas obligatoires) sur la plateforme ATIH avant le 31 octobre 2013. 48 établissements de moins de 300 agents ont également fait cette démarche et ont été inclus dans l’analyse. Le ministère vise l’exhaustivité en 2015.