Le manuel de certification des établissements de santé, dans sa nouvelle version dite « V2014 », a paru en janvier. Désormais installée dans le paysage sanitaire français, la certification a contribué depuis 12 ans à la structuration et au développement des démarches d’amélioration de la qualité et de gestion des risques. Cette nouvelle édition tient compte du retour d’expérience et des attentes des professionnels de santé.
L’instauration d’une démarche qualité en santé a été rendue obligatoire par son inscription dans la Loi (ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 dite « ordonnance Juppé »). Le début de la démarche qualité des établissements de santé se situe en 1996 avec l’apparition de la démarche d’accréditation sous la responsabilité de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes). Il s’agissait, dans un premier temps, de sensibiliser l’ensemble des acteurs à la démarche qualité, jusqu’alors inexistante dans ce domaine. Cette première étape a duré de 1997 à 2003. Ont suivi les deux premières phases de certification : la « V1 », débutée en 2004, et la « V2010 », qui doit son intitulé à l’année de son démarrage. Elles se sont déroulées sous la responsabilité de la Haute Autorité de santé (HAS), qui a succédé à l’Anaes, et ont duré 3 ans. Au cours de ces 12 années, les exigences ont évolué. Il s’est agit, en premier lieu, d’instaurer une culture qualité au sein des établissements, puis de leur donner les bases d’une méthodologie pour, enfin, au cours de la V2010, travailler à partir d’un manuel de certification qui englobe l’ensemble des démarches, concernant à la fois le management d’un établissement et la prise en charge des patients.
Depuis fin 2010, pour l’ensemble des établissements de santé ayant répondu aux obligations de la V2010, l’étape suivante est entamée. Elle a été préparée en amont et les premières informations la concernant ont été diffusées en 2013.
En janvier 2014, les établissements de santé sont donc entrés dans une nouvelle étape de certification : la « V2014 », quatrième étape du processus entamé en 1997, appelé alors accréditation. Si cette nouvelle procédure se situe dans la continuité de la précédente, pour permettre de poursuivre le travail entamé, elle apporte quelques spécificités.
La V2014 s’inscrit dans le prolongement de l’étape précédente afin de permettre aux établissements et aux professionnels de poursuivre et de consolider l’ensemble des pratiques déjà évaluées lors des phases précédentes.
Ses objectifs officiels ont été décrits dans le J.O. du 27 novembre 2013 :
« La certification a pour objet d’évaluer la qualité et la sécurité des soins dispensés et l’ensemble des prestations délivrées par les établissements de santé et autres structures soumises à la présente procédure. Elle tient compte, notamment, de leur organisation interne et de la satisfaction des patients. La certification consiste en une appréciation globale et indépendante de l’établissement afin de favoriser l’amélioration continue des conditions de prises en charge des patients. Elle s’attache plus particulièrement à évaluer la capacité de l’établissement à identifier et maîtriser ses risques et à mettre en œuvre les bonnes pratiques. La présente procédure de certification se réfère à un manuel de certification élaboré par la Haute Autorité de santé et publié sur son site internet. La version du manuel de certification applicable est celle en vigueur à la date de la visite. La HAS met à disposition des établissements différents outils méthodologiques et publications sur son site. »
Dans ses intentions, la HAS souhaite « agir sur les cultures hospitalières pour aller plus loin ». Cette 4e procédure augmenterait donc les liens entre la démarche qualité et la compréhension de la certification par les acteurs de l’institution de soin. S’inspirant des enseignements de la V2010 (voir ci-après) la V2014 devrait permettre de mieux encore « ancrer la qualité dans le quotidien des professionnels pour plus de garanties pour le patient et une meilleure efficience pour les soignants », en fait réconcilier démarche qualité et évaluation de la qualité réelle. Par ailleurs, la place des usagers dans la certification devrait être développée.
Jusqu’à présent, les étapes de la certification d’un établissement de santé étaient les suivantes :
– Une auto-évaluation réalisée en collaboration entre les professionnels des différents services et les responsables de la qualité au sein de l’établissement ;
– Une rencontre avec des experts-visiteurs, souvent vécue comme un « grand oral » pour lequel, parfois, les pratiques n’étaient pas celles mises en œuvre habituellement ;
– La remise d’un rapport d’évaluation, par le groupe d’experts, confirmant ou non les résultats des auto-évaluations, les points forts et les points à améliorer au sein de l’établissement. Les réajustements pouvaient faire l’objet de recommandations spécifiques et de délais parfois assez courts, en particulier en ce qui concerne les Pratiques exigibles prioritaires (PEP) ;
– Une réévaluation en cas d’ajustement nécessaire.
Ce système a fait l’objet de critiques tant de la part des professionnels de proximité que des acteurs de la HAS. En effet, il occasionnait une importante charge de travail orientée en vue de « passer la visite de certification », un peu comme on passe un examen important mais ne favorisait pas suffisamment l’appropriation de la démarche qualité par les professionnels, en particulier ceux intervenant au plus près du patient. Dans certains établissements ou pour certains professionnels, toutes fonctions confondues, la certification était parfois déconnectée de la réalité quotidienne, le risque étant alors de ne pas évaluer la qualité réelle mais une qualité définie dans des processus, évalués ponctuellement. L’une des difficultés ressenties lors des étapes précédentes, a été la lourdeur de la préparation de la revue des experts, laissant ensuite les équipes épuisées. Il y avait trop souvent peu de travail entre les étapes de certification, comme si qualité et certification étaient dissociées.
Dans combien de services, les classeurs de protocoles n’ont-ils pas été placés, sans consultation par les personnels qui n’ont, le plus souvent, pas contribué à leur élaboration, leur mise en œuvre et leur évaluation ? Trop souvent, la certification est comprise comme un « contrôle » voire un moyen de pression pour obtenir des financements. Si l’on ne peut nier que la poursuite de l’activité d’un établissement dépend de la conformité de son fonctionnement lors de la certification, celle-ci est avant tout une appropriation de la démarche qualité, le contrôle de la conformité de son fonctionnement dépendant, par ailleurs, des autorités sanitaires.
Par ailleurs, des critiques ont été émises concernant le manque de personnalisation d’une démarche trop standardisée, ne prenant pas suffisamment en considération les particularités des établissements.
Enfin, si lors de la 2e étape, les pratiques dites « remarquables » bénéficiaient d’une bonne visibilité, celles-ci ont disparu au cours de la V2010. Malgré les efforts et les remarques, l’un des reproches fait à la V2010, c’est qu’elle ne souligne pas suffisamment « ce qui se fait de bien ». Pour Jean-Paul Guérin
Elle s’échelonnera sur 4 ans, favorisant une démarche continue d’évaluation de la qualité, marquée par des étapes tous les 2 ans. La V2014 se présentera dans la continuité des travaux déjà réalisés grâce au maintien de méthodes et de moyens connus et utilisés par les équipes avec, toutefois, des évolutions tenant compte des constats des étapes précédentes et des innovations sur certains points. Concrètement, le souhait est de diminuer la charge des professionnels, d’intégrer la certification au management de la qualité, de valoriser ce qui fonctionne et de mieux intégrer les patients et leur entourage.
Parmi les moyens déjà connus des professionnels, le manuel de certification V2010
Afin d’éviter l’excès d’activité engendré par la venue des experts-visiteurs et la fréquente relâche qui suit, il est proposé des points de rencontre plus réguliers avec les représentants des établissements.
Ces étapes porteront sur les avancées de la démarche afin de favoriser la continuité de l’investissement des équipes. Elles devraient avoir lieu tous les 18 à 24 mois. Il revient à l’établissement de définir les axes d’amélioration poursuivis. Le but de la visite des experts est alors de « dire si l’établissement est au rendez-vous des engagements pris ». La V2014 se clôturera par une visite de fin de cycle. Un rapport de certification sera établi. Il identifie les acquis, les risques et les points de non-conformité de l’établissement. Il s’appuie sur des preuves tangibles obtenues lors des visites.
Il s’agit pour l’établissement de réunir les axes prioritaires d’évaluation externe (la certification) et le programme d’amélioration de la qualité et de gestion des risques. Ce compte qualité a vocation à être rendu public, il reprend les indicateurs qualité, les engagements et les axes de progression de l’établissement.
Parmi les moyens permettant d’évaluer que l’établissement « est au rendez-vous » dans ses engagements, de nouvelles méthodes sont proposées, en particulier celle dite du « patient-traceur ». Cette technique, déjà utilisée aux États-Unis, trouve sa place dans le cadre des visites de certification. Elle est complémentaire des autres démarches d’amélioration de la qualité déjà connues des acteurs de santé comme l’analyse de pratiques, l’audit clinique, la revue de morbidité et de mortalité, l’évaluation des pratiques professionnelles, etc.
Pour sa mise en œuvre, elle requiert un temps dédié estimé à deux à trois heures pour l’ensemble des personnes concernées. Ce temps permet à la fois d’analyser la situation et de dégager des axes d’amélioration pour le même type de prise en charge. L’analyse proposée avec le patient-traceur permet donc d’identifier, en équipe, la qualité de la prise en charge d’un patient choisi, afin d’en tirer des enseignements pour l’amélioration de la prise en charge des patients suivants.
L’utilisation de ce type d’étude de cas permet de répondre à la remarque de Thomas Le Ludec, directeur de l’Amélioration de la qualité et de la sécurité des soins à la HAS
La V2014 voit un renforcement du regard des patients sur la qualité des prises en charge, l’amélioration de leur information au sein des hôpitaux et un développement de la démocratie sanitaire.
La démarche qualité est une culture encore difficile à implanter dans les institutions de soins et, plus largement, sur le parcours des personnes soignées, même si, comme le soulignait récemment un directeur d’établissement : « Les évolutions qui ont été faites au cours de ces 15 dernières années concernant la qualité des soins dispensés sont considérables, il faut que les personnels en aient conscience et maintiennent leurs efforts. » Pour Jean-Luc Harousseau, président de la HAS
1- Décision n° 2013.0142/DC/SCES du 27 novembre 2013 du collège de la Haute Autorité de santé portant adoption de la procédure de certification des établissements de santé et des structures visées aux articles L. 6133-7, L. 6321-1, L. 6147-7 et L. 6322-1 du Code de la santé publique, parution au J.O. du 21 décembre 2013 – NOR : HASX1330913S. En ligne sur www.legifrance.gouv.fr (suivre le petit lien http://petitlien.fr/76wv)
2- Certification 2014-2018 : les enjeux de la 4e procédure. Site de la HAS : www.has-sante.fr (http://petitlien.fr/76wp)
3- Manuel de certification des établissements de santé révisé en 2011. www.has-sante.fr (http://petitlien.fr/76wu)
4- Voir L’infirmière magazine n° 344 du 1er mai 2014, p. 32.
5- Guide méthodologique : Le patient-traceur en établissement de santé, octobre 2013, www.has-sante.fr/ (http://petitlien.fr/76wq)
6- Thématiques : www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2013-09/20130926_liste_20_thematiques_v2014.pdf (http://petitlien.fr/76wt)
La démarche qualité permet :
→ D’assurer au patient une qualité des soins, quel que soit le lieu et le moment où il est pris en charge ;
→ D’exercer, pour l’ensemble des personnels d’une institution hospitalière, son travail de façon harmonieuse et cohérente au regard des normes en vigueur et, en particulier, pour les personnels soignants de se référer à des recommandations de bonne pratique (RBP).
→ Cette démarche qualité, déjà existante dans de nombreux domaines, est apparue tardivement dans le secteur des services et elle a été intégrée, fin des années 90, dans le milieu de la santé. Pour autant, la culture de la qualité n’est pas encore complètement assimilée par tous les professionnels et c’est l’un des enjeux majeurs de la prochaine étape de certification que de la rendre accessible à l’ensemble des acteurs, en particulier ceux qui sont les plus proches des patients.