Élevé chez les soignants, l’absentéisme révèle des problèmes profonds. Lors du colloque de l’Association pour le développement des ressources humaines des établissements sanitaires et sociaux (Adrhess), en avril à Paris, des hôpitaux ont présenté leurs actions.
Cauchemar des cadres de santé qui doivent quotidiennement « colmater » les trous dans les plannings, la gestion des absences est au centre des préoccupations des directions hospitalières. En effet, l’hôpital s’illustre par un taux d’absentéisme élevé par rapport à la moyenne nationale - 7,4 % pour l’ensemble des personnels et 8,1 % pour les seuls services de soin en 2012. « L’absentéisme désorganise le travail, altère la qualité des soins et démotive les équipes », pointe Jean-Marie Barbot, président de l’Adrhess. Pour les établissements, c’est un enjeu économique. « En 2011, le taux d’absentéisme culminait à plus de 10 %, expose Matthieu Girier, DRH du centre hospitalier de Lens, alors aux prises avec un déficit de 11 millions d’euros. Un point d’absentéisme gagné, c’est un million de déficit en moins. » Mais, c’est aussi un enjeu social : celui de la préservation de la santé des agents.
Pour Thierry Rousseau, sociologue à l’Anact
L’établissement s’est donc doté d’un outil de suivi en temps réel. Des pools de remplacement, ainsi qu’une cellule de gestion dédiée, ont été mis en place. Pour « rassurer », des règles ont été édictées : au sein des urgences, le taux de compensation des absences a, par exemple, été fixé à 60 %. « En hématologie, l’objectif était de récupérer 700 000 euros en 2013, en contrepartie d’un taux de remplacement de 80 % des IDE et AS », développe Matthieu Girier. Quant au 100 000 m2 de couloirs que doivent quotidiennement arpenter les soignants, ils seront réduits à 74 000 m2 en 2020 dans le nouvel hôpital.
Au CHU de Rouen, où le taux d’absentéisme culminait à 12 % en 2011, l’accent a été mis sur la prévention. « Il a été décidé que les conditions de travail seraient intégrées dans tous les actes de gestion, au même titre que la démarche qualité et la tarification à l’activité (T2A), explique Asmahane Khelfat, DRH. On ne parle plus simplement d’effectifs, mais de ressources humaines. Systématiquement, on évoque la formation, le dialogue social, etc. »
Des actions concrètes ont été lancées : un plan de déplacement pour résoudre le problème de stationnement, une augmentation de la dotation en linge pour mettre fin à la « course au gant de toilette qui fatigue l’aide-soignante », un renforcement de la sûreté des travailleurs isolés… « Il faut bouger le quotidien des gens, on ne peut pas uniquement leur vendre des plans », lance la DRH. Résultat : un taux d’absentéisme en baisse, légère mais régulière.
Enfin, à l’établissement public de santé mentale de Lille (EPSM), la réduction de l’absentéisme est allée de paire avec la lutte contre la violence des patients. Du directeur au jardinier, tous les professionnels ont été formés. Un groupe d’intervention d’urgence, composé de quatre paramédicaux et d’un agent de sécurité, a été composé. Le jeune personnel infirmier, handicapé par l’absence d’une formation spécifique en psychiatrie, bénéficie désormais d’un programme de professionnalisation et de tutorat « pour l’aider à faire face à une évolution de la santé mentale qui l’expose davantage (équipe mobile, consultation première demande) », rapporte Éliane Bourgeois, directrice des soins. Cette dernière propose à chaque professionnel victime de violence un entretien pour évoquer une éventuelle mobilité. « Ils savent qu’il y a une porte de sortie, cela permet d’éviter les arrêts. » Leur nombre a, ainsi, été divisé par 10 entre 2000 et 2013.
1- Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail.