GUIDE
DOSSIER
Vu des unités de soin, l’achat paraît parfois un peu nébuleux. Il semble impliquer tout le monde mais qui achète vraiment ? Et combien coûte un produit ? Petit état des lieux sur ces questions.
Des fournitures de bureau aux scanners, de la construction de bâtiments aux sabots de bloc, le spectre des achats hospitaliers est particulièrement large. Et tous les prix varient en fonction de la qualité, des options, de la capacité de négociation des acheteurs et des fournisseurs, ainsi que du mode de calcul du coût : soit au coût direct (le prix catalogue) soit en coût global, c’est-à-dire en prenant en compte tous les coûts liés à la vie et la fin du produit. Par exemple, le prix catalogue d’un tabouret tourne autour de 90 € ; celui d’un chariot de soin de 2 500 € (car produit en petite série et les moules servant à faire la pièce en ABS sont très coûteux). Pour une armoire à pharmacie, il faut compter 2 000 €, et plus si l’on ajoute des tiroirs sécurités ; un lit de base d’hospitalisation MC (médecine chirurgie) oscille entre 1 800 et 2 300 € selon les options choisies.
Le directeur général de l’établissement a l’autorité et l’habilité à signer un contrat. Néanmoins, il peut donner délégation de signature. À Toulouse, en-dessous d’un montant de 90 000 €, cas des deux tiers des contrats, c’est le directeur des achats qui signe. Le processus de l’achat est piloté par un acheteur. Il fait le lien entre les prescripteurs, c’est-à-dire tous les professionnels amenés à utiliser une compresse ou un stylo, un scanner comme un ordinateur. Les cadres, qui représentent leur unité, font remonter les demandes en matériels ou services de leurs équipes. Ils organisent les tests de produits, réunissant les soignants qu’il convient d’impliquer (lire notre article p. 22). Ces derniers réalisent leurs tests et octroient des notes. Un comité achats ou une commission de choix regroupant les professionnels concernés passe ensuite en revue les propositions des fournisseurs en pondérant les notes des tests en fonction des critères et des barèmes établis, pour chaque élément (prix, qualité technique, etc.) du cahier des charges. Ce dernier est parfois directement rédigé par le prescripteur, par exemple, par les pharmaciens dans le cas des médicaments.
Depuis deux ans, nombre de CH et de CHU se sont dotés d’une direction achats à part entière, parfois deux en séparant les achats médicaux et non-médicaux. Au CHU de Toulouse, comme dans beaucoup d’établissements, la direction achats n’existait pas lorsque Raphaël Ruano en a été nommé directeur, en 2012. Il a donc dû entièrement organiser un service composée de 55 personnes et gérant 420 millions d’euros d’achats chaque année avec 3 000 fournisseurs et 3 500 contrats en cours. Il a aussi créé trois structures : une cellule juridique assurant la conformité des marchés au Code des marchés publics, une cellule méthodes et outils qui élabore le référentiel métier achat (calcul des gains, cartographie des achats, etc.) et la cellule des acheteurs. Ils sont répartis en quatre filières : les produits de santé, les achats généraux, l’équipement informatique et bio-médical et les consommables de laboratoire, les achats patrimoniaux et d’exploitation des infrastructures et de l’énergie. Toutes les directions achats des établissements hospitaliers ne sont pas organisées de la même manière mais beaucoup intègrent au moins une cellule juridique, et spécialisent leurs acheteurs dans des grandes domaines ou des familles spécifiques. Certaines gèrent même l’approvisionnement (passation des commandes et gestion de la chaîne logistique).
Le principe des centrales est simplement de regrouper les commandes de plusieurs établissements pour obtenir un poids plus important dans la négociation et de bénéficier d’une expertise extérieure. Elles sont positionnées sur des secteurs géographiques ou thématiques différents. Un établissement de santé peut avoir recours à plusieurs centrales d’achats. La plus importante, dans le public, est UniHa, qui a vocation à négocier pour les plus grands CHU et CH de France. Lancée en 2008, elle regroupe 58 établissements, gère un périmètre de près de 2 milliards d’euros et affiche 80,6 millions d’euros de gains en 2013. Elle propose également un accompagnement à la professionnalisation des achats à travers des missions de formation, de conseil et d’aide à la définition des plans d’action.
Par ailleurs, des hôpitaux coordonnent les filières et gèrent les processus achats (analyse du besoin, étude de marché, réalisation de l’appel d’offre, tests) : le CHU de Bordeaux mène des travaux sur l’énergie, celui de Rennes sur l’ingénierie bio-médicale, celui de Saint-Étienne sur la fonction linge… Le Resah-Idf implanté en région francilienne regroupe 134 membres qui pèsent 1,5 milliards d’euros d’achats. Il coordonne en outre Alliance-Groupement, le réseau des groupements de commandes régionaux qui rassemble une centaine d’établissements et cumule 7 milliards d’euros d’achats traitables (mais non encore totalement traités aujourd’hui). D’autres entités fonctionnent davantage sur des thématiques. Ainsi, UniCancer Achats (périmètre de 360 millions d’euros) réunit les 20 centres de lutte contre le cancer. L’Ugap (Union des groupements d’achats publics), centrale d’achats public généraliste, propose ses services à la demande aux acheteurs de l’État, des collectivités comme aux hôpitaux. Elle achète pour 1,7 milliards d’euros. Le secteur privé a également sa centrale d’achat, la Centrale de conseil et de référencement pour l’hospitalisation privée et publique (CAHPP) qui affiche 4 milliards d’euros d’achats, soit 80 % des dépenses des établissements privés.
Le développement comporte plusieurs axes : économique, écologique et social. Pour Olivier Toma, président du Comité développement durable santé (C2DS), « chaque acteur du processus achat doit pouvoir être sensibilisé à la politique développement durable de l’établissement. Ensuite, il faut intégrer cinq éléments de développement durable dans les critères de choix des achats : la consommation d’énergie ; le chiffrage des impacts de maintenance, fin de vie, bref du coût global ; un étiquetage complet du produit (intégrant la composition du contenant, la fiche de données de sécurité avec les conditions d’utilisation, de stockage et de destruction en fin de vie qui génèrent des coûts) ; un objectif de réduction des emballages et l’impact carbone. L’étape consiste à évaluer les produits et les services, et à obtenir le retour du terrain afin d’éviter, par exemple, des allergies à des pyjamas de bloc ».