L'infirmière Magazine n° 347 du 15/06/2014

 

FORMATION CONTINUE

LE POINT SUR…

NATHALIE BELIN*   DR ISABELLA CHANAVAZ-LACHERAY**  

L’endométriose est une maladie invalidante à l’origine de douleurs et parfois d’une infertilité. Un diagnostic et une prise en charge précoce, basée sur l’obtention d’une aménorrhée, limite son évolution.

PATHOLOGIE

L’endométriose se définit par la présence de tissu endométrial en dehors de la cavité utérine. Comme l’endomètre, ces foyers de muqueuse utérine sont sous l’influence des fluctuations hormonales : ils saignent et provoquent une réaction inflammatoire locale à chaque épisode de règles. Les premiers symptômes douloureux apparaissent très tôt dans l’adolescence, pratiquement dès les premières règles mais, actuellement, la maladie est diagnostiquée avec un retard moyen d’environ 10 ans. L’incidence de la maladie atteindrait un tiers chez les femmes infertiles.

Son origine est multifactorielle mais imparfaitement connue. Outre une prédisposition génétique et familiale, des facteurs immunitaires et environnementaux pourraient entrer en jeu.

Signes cliniques

Il existe des formes asymptomatiques, découvertes de manière fortuite mais, fréquemment, l’endométriose est à l’origine d’une symptomatologie douloureuse et/ou d’une infertilité.

→ Douleurs : Elle provoque des douleurs pelviennes chroniques, une dyspareunie profonde (douleur au fond du vagin durant les rapports sexuels) et des dysménorrhées (règles douloureuses). Ces dernières surviennent souvent dès les premières menstruations chez l’adolescente et tendent à s’aggraver. Elles aboutissent à la prescription d’antalgiques ou d’une pilule qui améliore généralement les symptômes mais ne stoppe pas l’évolution de la maladie. Les douleurs sont corrélées à la localisation des lésions et à leur infiltration en profondeur : une dysurie, une hématurie, des douleurs lors de la défécation ou des troubles du transit, des rectorragies peuvent ainsi être présents.

→ Infertilité : Le fonctionnement de l’ovaire peut être entravé par des kystes ovariens (endométriomes). Les îlots d’endomètres ectopiques ou les adhérences modifient les rapports entre le pavillon, la trompe et l’ovaire, provoquant des anomalies de la fécondation.

À savoir : l’adénomyose est une « forme particulière » d’endométriose. Elle correspond à la présence de tissu endométriosique à l’intérieur même du muscle utérin (ou myomètre). Elle apparait plutôt après 30 ans et peut être associée à une endométriose. Son traitement est médical (visant également à obtenir une aménorrhée) et/ou chirurgical.

Diagnostic

Le diagnostic est souvent posé avec retard, d’une part parce que les femmes consultent tardivement, d’autre part parce que la douleur décrite est souvent banalisée par les professionnels de santé.

→ L’examen clinique peut révéler des signes évocateurs : nodules, kystes, mise en évidence d’une douleur reproduisant une dyspareunie.

→ Les examens médicaux (échographie pelvienne par voie endovaginale en première intention, IRM et éventuellement cœlioscopie, seul examen de certitude permettant une biopsie des lésions) doivent être menés par des praticiens spécialisés, les lésions ne faisant parfois que quelques millimètres. D’autres examens sont réalisés au cas par cas, à la recherche de lésions avant un acte chirurgical (exploration des voies urinaires, coloscanner, échoendoscopie endorectale…).

→ Classification des stades de la maladie : le score r-AFS (score révisé de l’American Fertility Society) définit 4 stades de gravité croissante en fonction de la taille des lésions, de leur localisation, de l’importance des adhérences et du degré d’atteinte du cul-de-sac de Douglas.

Évolution

L’évolution de l’endométriose est imprévisible avec l’alternance de périodes de calme (durant lesquelles les douleurs régressent) et des phases où la symptomatologie douloureuse réapparaît. Les complications dépendent de l’évolution de la maladie et de son ancienneté (voir infographie ci-contre).

Les symptômes s’atténuent au cours de la ménopause et de la grossesse. Après cette dernière, l’endométriose récidive lors de la reprise des cycles menstruels et, au cours de la ménopause, la maladie peut être réactivée par un traitement hormonal de substitution.

PRISE EN CHARGE

Le traitement, fonction de l’âge, de la gravité des symptômes et du désir d’enfant, est médical et/ou chirurgical. L’objectif est de soulager les douleurs, de limiter l’extension de la maladie et, selon le cas, de prendre en charge une grossesse. Les patientes asymptomatiques ne nécessitent aucune thérapeutique.

De la douleur et des lésions

→ Le traitement hormonal a pour objectif l’obtention d’une aménorrhée pour faire régresser les lésions et la symptomatologie douloureuse. Il est donc forcément contraceptif et son action n’est que suspensive.

Estroprogestatifs en continu et désogestrel (Cerazette) sont proposés hors Autorisation de mise sur le marché (AMM) en première intention chez la femme jeune. Mieux tolérés que les macroprogestatifs, ces traitements peuvent toutefois être à l’origine de spotting (petits saignements utérins). En l’absence d’amélioration après 3 mois de traitement, une autre pilule est essayée. Chez les femmes plus âgées, le dispositif intra-utérin (DIU) au lévonorgestrel (Mirena) est également prescrit. En cas d’échec de ces traitements, les macroprogestatifs en continu (Luteran, Colprone…) sont indiqués.

→ Les stérilets au cuivre augmentent les saignements utérins et aggravent l’endométriose. Ils ne doivent donc pas être proposés aux patientes atteintes.

→ Les agonistes de la LH-RH (Enantone, Décapeptyl, Synarel, Gonapeptyl) qui induisent une castration hormonale sont surtout indiqués en péri-opératoire, pour diminuer l’inflammation des lésions et favoriser la cicatrisation. En raison du risque de perte osseuse, le traitement est limité à 6 mois (un an pour la leuproréline). Après 3 mois de traitement, une hormonothérapie de substitution (« add-back therapy ») est instaurée : elle consiste en l’administration de faibles doses d’œstrogènes pour limiter les effets indésirables.

→ Le danazol n’est quasiment plus utilisé du fait de ses effets androgéniques importants.

→ La chirurgie peut être un recours en cas d’échec du traitement médical.

→ Souvent peu efficaces, les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) et les antalgiques sont utilisés pour limiter les douleurs notamment lorsque l’aménorrhée est difficile à obtenir.

De l’infertilité

Un geste chirurgical ou les techniques d’Aide médicale à la procréation sont proposées au cas par cas. Entre les tentatives d’AMP ou après une grossesse, l’obtention d’un état d’aménorrhée est toujours de mise.

POINT DE VUE

Prendre en charge les jeunes femmes dès l’adolescence

DR ISABELLA CHANAVAZ-LACHERAY GYNÉCOLOGUE AU CENTRE HOSPITALIER DU BELVÉDÈRE, MONT-SAINT-AIGNAN (76)

« L’endométriose est une maladie chronique qui nécessite une prise en charge à vie. L’aménorrhée ne va pas guérir mais suspendre l’évolution de la maladie. En intervenant tôt, on peut éviter une aggravation vers des stades plus sévères. Il ne faut donc pas banaliser les douleurs de règles. Certaines situations doivent alerter : règles douloureuses responsables d’un absentéisme ou de malaises ou encore recours systématique à un AINS pour soulager les douleurs. Chez une jeune fille récemment réglée, au-delà de 12 à 18 mois de règles douloureuses, il faut se poser la question d’une endométriose. Les patientes sont souvent inquiètes de l’aménorrhée provoquée par les traitements. Il faut leur expliquer que celle-ci est nécessaire pour stabiliser la maladie mais n’a pas d’impact sur la santé ni sur la fertilité. »

Sources utiles

→ Prise en charge de l’endométriose. Recommandations pour la pratique clinique, Collège national des gynécologues et obstétriciens français, 2006. www.cngof.asso.fr

→ Traitement médical de l’endométriose, Les Entretiens de Bichat, 2013. www.lesentretiens debichat.com

→ Associations :

– Endofrance, Association française de lutte contre l’endométriose www.endofrance.org ; contact@endofrance.org

– Ensemble contre l’endométriose www.ensemblecontrelendometriose.fr