Une pénurie de médicaments ? En France ? L’idée aurait semblé totalement absurde il y a encore peu de temps. Dans les esprits, elle reste le triste privilège des pays en voie de développement. Mais, depuis trois ans, les ruptures de stock ont pris un rythme exponentiel (lire P. 6). Le Levothyrox® à l’été 2013, le Doxycycline®, antibiotique très souvent prescrit, devenu générique en janvier 2014… Un vrai choc dans le monde de la pharmacie ! Plus grave, les pénuries touchent des médicaments indispensables. Les hôpitaux sont, par exemple, régulièrement en panne de produits anti-cancéreux. Comment expliquer cette pénurie ? Comme n’importe quel secteur de production, le médicament n’échappe pas aux effets pervers des délocalisations et de la mondialisation. Les pays comme la France, qui pouvait se vanter de détenir des fleurons de l’industrie pharmaceutique, sont de plus en plus dépendants de pays de moins en moins émergents – 60 à 80 % des matières actives sont fabriquées principalement en Inde et en Asie, contre 20 % il y a trente ans. L’ampleur du mouvement est tel que l’on imagine mal un retour en arrière. Les exigences réglementaires et environnementales, légitimes, ont pour effet d’encourager les délocalisations. À cela s’ajoute les politiques publiques orientées vers la baisse des dépenses de santé, qui se heurtent à la logique de rentabilité économique des industriels, enclins à faire disparaître de vieux produits, devenus génériques, pour obliger à consommer d’autres médicaments aux gains substantiels. Le médicament semble plus que jamais hors de portée des réglementations nationales, alors même qu’il n’est pas un produit comme les autres. Sans régulation planétaire, le pire est à craindre. À quand les morts en série pour cause de rupture de stocks ?