L'infirmière Magazine n° 348 du 01/07/2014

 

BLOC OPÉRATOIRE

ACTUALITÉ

LAURE MARTIN  

L’Ordre national des infirmiers (ONI) a déposé six nouvelles plaintes, qui s’ajoutent aux cinq en cours, pour exercice illégal.

Six établissements de santé publics et privés (1) sont visés par une plainte de l’ONI, déposée le 19 juin. Des personnels non qualifiés (techniciens de surface, aides-soignantes, ASH) ne bénéficiant ni du diplôme, ni de la formation, ni des compétences nécessaires y rempliraient les fonctions d’IDE circulantes au sein des blocs opératoires. Cette mission, exercée par des Ibode ou des faisant fonction, permet d’assurer le relais auprès de l’équipe chirurgicale, entre les zones stérile et non stérile. Les établissements et les chirurgiens sont également poursuivis.

Danger

L’Ordre a été tenu informé de ces pratiques illégales « à la suite de dénonciations ou par aveux d’étudiants étonnés de certaines pratiques au sein des blocs opératoires », indique Didier Borniche, son président. L’instance estime qu’il est de son devoir « de remplir cette mission de lanceur d’alerte quand les Français sont pris en charge dans des conditions qui les mettent en danger ». « On a été vraiment surpris par ces accusations, lance Sofien Khachremi, directeur de la clinique Fontvert, à Sorgues (84). Dire que des femmes de ménage et des ASH travaillent au bloc opératoire au contact des patients est totalement faux. Il n’y a que des IDE, nous ne sommes pas des kamikazes. Nous sommes loin de la réalité décrite par l’Ordre et si cela avait été le cas, l’ARS serait déjà intervenue », dément le directeur, qui s’est tourné vers le conseil départemental de l’Ordre pour « avoir des informations », sans succès.

Ces six plaintes s’ajoutent aux cinq déposées en 2011 et 2012 (2), dont trois ont donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire, « face au manque d’action des pouvoirs publics pour garantir aux patients la sécurité des soins », dénonce l’ONI. « Actuellement, le procureur de Mulhouse a effectué des expertises locales [au CH de Thann, NDLR] et le dossier est bien avancé, précise Didier Borniche. Il dispose de tous les éléments nécessaires pour prendre les décisions qui s’imposent. »

Multiplication

La multiplication de ces pratiques illégales inquiète l’ONI. « Ce dossier montre le rôle que doit jouer l’Ordre dans la protection des citoyens car les pouvoirs publics sont inefficaces et débordés », soutient son président. Et de poursuivre : « La Loi a créé l’Ordre infirmier et sa fonction est de veiller au respect de la Loi et de garantir la qualité des prises en charge, ainsi que la sécurité des patients. Or, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, et ses services, ne sont pas facilitateurs de cette démarche. » La ministre de la Santé a, en effet, déclaré à plusieurs reprises vouloir rendre l’adhésion à l’Ordre facultative pour les salariées, voire de supprimer l’instance. C’est un « signe fort de désengagement envers les patients, à l’heure de l’annonce des orientations de la future loi de santé » (lire l’article, ci-contre), estime l’ONI, qui considère qu’une telle mesure reviendrait à supprimer purement et simplement la seule organisation de régulation et de contrôle de la profession.

1- Clinique Fontvert à Sorgues (84), clinique Saint-Gatien à Tours (37), CH de Saint-Palais (64), clinique Ambroise-Paré à Beuvry (62), CHU de Rennes (35), clinique de Villeneuve-sur-Lot (47). À l’heure où nous bouclons, seul l’un des établissements contactés a pu être joint.

2- CH de Thann (68, information judiciaire ouverte), polyclinique du Parc à Bar-le-Duc (55, information judiciaire ouverte), CH de Castelsarrasin-Moissac (82, information judiciaire ouverte), clinique Mathilde à Rouen (76), CH du Pays d’Olmes à Lavelanet (09).