Cette dame traîne depuis des années une maladie alcoolique rebelle qui a, peu à peu, éloigné d’elle ses deux filles. Son mari, resté à ses côtés, supplie ses enfants de venir embrasser leur mère avant qu’il ne soit trop tard. Cette dernière sait que le temps est compté, tant les effets secondaires de cette pathologie s’installent, un peu plus chaque jour. Lors de sa dernière hospitalisation, le gastroentérologue l’a prévenue qu’une goutte d’alcool de plus lui serait fatale. Mais, une autre hospitalisation s’est imposée et la situation devient critique ; l’une de ses filles se déplace enfin. Parce qu’elle est médecin de profession, le gastroentérologue la considère d’emblée comme son interlocutrice privilégiée et exclut son père, pourtant désigné comme personne de confiance par la malade, de toute concertation quant aux décisions à prendre. Ensemble, les deux médecins organisent un transfert au CHU pour envisager une transplantation hépatique… sans même demander l’avis de la principale concernée. Les doutes et inquiétudes exprimés par le mari quant à la pertinence d’une opération menée sur une patiente « à bout de tout » n’ébranleront pas la confiance des praticiens.
La loi du 22 mars 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie (dite « Léonetti ») reconnaît au patient le droit de refuser un traitement. Elle condamne l’acharnement thérapeutique, institue une procédure de décision collégiale et réaffirme le rôle de la personne de confiance, instituée par la loi « Kouchner » en 2002.
Pourtant, des années après, l’histoire de cette femme atteste que certains médecins continuent de prendre des décisions sans poser les bonnes questions, aux bonnes personnes, au bon moment. Ils ne sont toujours pas prêts à considérer la personne malade ou handicapée comme quelqu'un qui veut, qui peut et qui doit disposer de son libre arbitre.