L'infirmière Magazine n° 349 du 15/07/2014

 

CONGRÈS DE LA SFAP

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

LAURE DE MONTALEMBERT*   THIERRY PENNABLE**  

La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) a tenu son congrès national à Montpellier, du 18 à 20 juin. Des IDE ont présenté des études réalisées au sein de leurs services respectifs, analysant leur mission d’accompagnement du patient en fin de vie.

FIN DE VIE : DES TEXTES MÉCONNUS

Qu’il s’agisse du choix de la personne de confiance ou de la rédaction des directives anticipées, la connaissance des textes de loi par les patients et les soignants est loin d’être suffisante. En témoignent les résultats de l’étude effectuée par Mélanie Chastrusse, infirmière à l’hôpital Foch (Suresnes), entre décembre 2009 et avril 2013. Quelque 70 centres, 2 645 patients et acteurs de soins y ont participé, ce qui lui donne une valeur statistique indéniable. Les réponses portant sur la loi Leonetti confirment que ni les patients ni les soignants ne la connaissent véritablement… bien qu’ils soient persuadés du contraire. Ainsi, parmi les malades ayant déjà désigné une personne de confiance, 71 % sont convaincus de connaître les implications de leur décision alors qu’après des questions plus fines, on observe qu’ils ne sont que 10 %.

Un constat un peu inquiétant alors que l’on parle de nouvelles modifications de cette loi… L’infirmière a également évoqué des problématiques particulièrement d’actualité que sont « les divergences d’intérêts au sein des familles » ou encore, la modification de l’opinion des patients au fur et à mesure du vécu de la maladie.

Réticences

Raquel Rivière, IDE clinicienne au centre hospitalier de Dreux, s’est, quant à elle, attaquée à la problématique des directives anticipées. Sa question fondatrice : pourquoi les soignants ont-ils tant de mal à aborder le sujet avec leurs patients ? Sur les 248 réponses au questionnaire envoyé à une majorité d’infirmières et d’aides-soignantes, mais aussi à des médecins, des psychologues et des assistants sociaux, 33 % témoignent de cette difficulté. Parmi les arguments évoqués par les soignants concernés, « le respect pour le déni du patient », « le manque de connaissance sur les directives anticipées », « la peur de provoquer la souffrance » et « l’ignorance de ce que sait le patient » tiennent le haut du pavé.

Pour pallier cette situation défavorable à une bonne prise en charge de la fin de vie, l’infirmière suggère le lancement de campagnes d’information auprès du grand public. Objectif : permettre aux malades de percevoir la question de manière moins traumatique et aux soignants de la poser sans paraître brutaux.

LA MAÎTRISE DE LA SÉDATION EN PHASE TERMINALE

Lorsqu’une sédation est mise en route dans l’urgence et en l’absence du médecin, la responsabilité de l’infirmière est engagée. Les travaux de l’unité de soins palliatifs (USP) de l’hôpital Sainte-Périne (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) ont mis en lumière des conditions indispensables à sa réalisation.

Bénédicte Chauvron, infirmière à l’USP, a présenté un travail d’équipe sur la sédation en phase terminale réalisée par l’infirmière en l’absence du médecin. Car, malgré les protocoles et l’expérience de cette unité spécialisée, des interrogations subsistent. À l’origine de cette réflexion, la situation d’un patient de 68 ans atteint d’un cancer broncho-pulmonaire, hospitalisé depuis 10 jours à l’USP.

Il est 7 heures du matin lorsque le patient présente une forte dyspnée, associée à une grande angoisse de mort. Seules une infirmière et une aide-soignante sont présentes dans le service. Immédiatement alerté, le médecin senior valide la prescription anticipée prévue dans le dossier et guide l’infirmière par téléphone tout au long de la mise en route de la sédation. La soignante injecte très progressivement le midazolam, benzodiazépine utilisée en première intention pour la sédation. Chez l’adulte, la titration débute par une injection de 1 mg toutes les 2 à 3 minutes, jusqu’à l’obtention d’un score de 4 sur l’échelle d’évaluation de la sédation de Rudkin, c’est-à-dire au niveau d’une somnolence provoquée chez une personne qui peut être réveillée par la parole ou par tout autre stimulus simple. « La sédation pour détresse en phase terminale vise une diminution de la vigilance, pouvant aller jusqu’à la perte de conscience si nécessaire, mais ce n’est pas systématique », rappelle l’infirmière. Dans le cas présent, la dyspnée est améliorée, le patient se calme et s’endort. Le décès surviendra une heure après, dans un contexte jugé paisible et confortable par les soignants.

Incompréhension

« L’équipe doit être formée à la pratique technique de la sédation mais également aux outils d’évaluation validés, à la réflexion éthique et aux entretiens familiaux », souligne Bénédicte Chauvron. Car il faut parfois gérer « l’incompréhension des proches, qui refusent la stratégie proposée, soit parce qu’ils ne pourront plus communiquer avec leur parent, soit parce qu’ils ne voient pas l’intérêt de la sédation, avec des demandes à peine voilées d’euthanasie ». L’équipe doit aussi savoir anticiper les difficultés « dans un contexte où l’imprévisible domine, sans pour autant aller jusqu’à une sédation anticipée pour un risque d’apparition d’un symptôme réfractaire », prévient l’infirmière, consciente du risque de banalisation de la sédation.

L’implication de l’équipe est indispensable même si « ce n’est pas toujours facile », reconnaît Bénédicte Chauvron qui exerce, pourtant, dans un service privilégié en matière de formation et de réflexion éthique. « La décision doit être prise en regard de valeurs éthiques, morales, institutionnelles et juridiques. C’est l’intention qui fonde la responsabilité juridique et pas la conséquence de la sédation ni son résultat. »

La force de l’équipe pluridisciplinaire repose sur la mise à plat des différentes subjectivités pour pouvoir se dégager de la part émotionnelle et rechercher de l’objectivité. Or, « tous les soignants ne sont pas au même niveau de maturité, de maturation professionnelle et de questionnement éthique. C’est un atout pour l’équipe mais cela peut aussi créer des tensions ou des sentiments de culpabilité et des souffrances », observe-t-elle, rappelant que la sédation en phase terminale reste, pour l’infirmière, un geste qui peut être vécu comme mortifère.

ÉQUIPES MOBILES

Faire face aux situations complexes

Depuis plus de deux ans, les équipes mobiles enfants et adultes du CHU de Nantes se retrouvent, chaque semaine, pour un temps d’analyse de la pratique autour des situations cliniques de pédiatrie. Des temps d’échanges, au départ informels, qui permettent aux soignants impliqués d’avoir un regard extérieur et de prendre de la distance face à des situations complexes. Florence Le Pallec et Florence Jounis-Jahan, respectivement infirmière et puéricultrice, ont évoqué le cas d’un adolescent de 14 ans, atteint d’une tumeur du tronc cérébral, dont le père refusait obstinément toute hospitalisation. Les échanges réguliers entre les deux équipes ont permis de décortiquer un schéma familial dans lequel les points de vue de la mère et du père divergeaient et de rétablir le dialogue. Surmontant le sentiment d’échec du père, l’équipe mobile enfants a pu mettre en place un suivi à domicile du jeune patient.

ÉTHIQUE

Information et consentement

Martyna Tomczyk, doctorante en éthique médicale à l’université Paris-Descartes, a présenté un travail collégial sur l’information délivrée par le médecin et le consentement du patient lors d’une décision de sédation en fin de vie. De nombreuses questions subsistent, notamment liées à « l’incertitude concernant le soulagement complet des souffrances et le maintien de la vie intrapsychique lors de la sédation ». Dans ces conditions, comment est-il possible de donner une information claire et objective ? « L’information et le recueil du consentement reposent alors sur la capacité à être à l’écoute de l’autre, qui, par son consentement, témoigne de la confiance qu’il place dans sa relation avec l’équipe soignante », suggère Martyna Tomczyk.