L'infirmière Magazine n° 349 du 15/07/2014

 

DONNÉES

DOSSIER

Échanger, créer des liens, partager des informations et des opinions sur les réseaux sociaux, c’est bien. Ne pas porter atteinte aux patients, aux collègues et à son établissement, c’est mieux !

Des infirmières créent une page Facebook pour partager tous les potins de leur service. Manque de chance : l’une d’entre elles n’a pas bien vérifié les paramètres de confidentialité de son profil et les posts sont partagés avec ses amis… Une étudiante en soins infirmiers insulte sa tutrice de stage sur son mur Facebook en la nommant : l’intéressée l’apprend et des sanctions sont prises… Un interne immortalise sa première journée en postant un « selfie » sur son compte Twitter. Problème : derrière lui, on voit un patient et l’un de ses followers reconnaît son propre grand-père…

Autant de situations tirées d’expériences vécues qui montrent bien que l’usage des réseaux sociaux est entré dans l’enceinte de l’hôpital. Et pas toujours de la bonne manière. Les maladresses commises le sont, le plus souvent, sans aucun intention de nuire, les intéressés ne se rendant absolument pas compte des conséquences que peut avoir la diffusion d’informations sur les réseaux sociaux. Pourtant, il est tout à fait compréhensible que le patient reconnaissable n’ait pas envie que l’on sache qu’il est suivi en addictologie ou en psychiatrie…

Et l’usage de Facebook pour l’organisation d’un service peut s’avérer catastrophique : une page mal verrouillée et tel patient malintentionné peut savoir à quelle heure quitte telle ou telle infirmière…

C’est pour répondre à ces cas très concrets que la Fondation MACSF a créé, il y a un an, une brochure de douze pages destinée à faire le point sur les bonnes pratiques des réseaux sociaux en milieu hospitalier(1). Un travail mené en collaboration avec le CHU de Bordeaux et le CH de Pontoise. « Ce n’est ni un guide ni une charte, précise Yves Cottret, délégué général de la Fondation MACSF. Le but n’est pas de dire : “N’utilisez pas les réseaux sociaux.” Mais de faire de la prévention et de la sensibilisation. Et, surtout, de faire prendre conscience aux professionnels de santé que s’exprimer sur un réseau social revient à parler avec un porte-voix dans un stade ! » Bien séparer vie personnelle et professionnelle, vérifier les paramètres de confidentialité de son profil, ne pas prendre la parole au nom de son établissement font, par exemple, partie des conseils donnés.

Sensibiliser professionnels et étudiants

Face à l’explosion du Web social et les mauvaises expériences rencontrées sur le terrain, la brochure répond à une réelle demande : « Plus de 200 centres hospitaliers nous ont déjà contactés », témoigne Yves Cottret, qui organise des conférences accompagné d’un juriste spécialisé pour mieux accompagner la diffusion de ce petit livret. Un deuxième volet consacré à la gestion de la e-réputation doit sortir prochainement.

Le CHU de Bordeaux a, quant à lui, formé 2 500 professionnels et futurs professionnels de santé entre février et décembre 2013. « Avec 14 000 salariés, 2 300 patients par jour, plus leurs accompagnateurs, les étudiants et les internes, notre CHU est présent sur les réseaux sociaux, alors même qu’il n’a pas de compte Facebook officiel. Notre objectif n’est pas de faire la police sur les réseaux mais de sensibiliser aux bonnes pratiques et de rappeler les responsabilités que l’on engage », souligne Frédérique Albertoni, directrice de la communication et de la culture du CHU de Bordeaux. En plus du livret, la formation se base sur un support interactif créé par la chargée de projet communication digitale : « Cela a commencé avec la journée des nouveaux arrivants, les internes, les cadres, mais aussi les écoles d’IFSI, les kinés, les préparateurs en pharmacie, l’école des cadres… », explique Isabelle Ballignand.

Le programme se poursuit en 2014 avec la formation des personnels de nuit et de nouveaux services qui sont demandeurs. L’action sera renouvelée chaque année dans le cadre de la journée des nouveaux arrivants. Le CHU de Bordeaux a aussi pour projet de sensibiliser les patients en élaborant une charte qui accompagnera le livret d’accueil. Dans les écoles d’infirmières, la problématique des réseaux sociaux semble encore peu abordée. « Je fais une cinquantaine d’interventions en IFSI par an et lorsque je raconte des cas concrets de violation du respect du secret professionnel ou du devoir de réserve sur les réseaux sociaux, je vois bien que les étudiants rient jaune », note Germain Decroix, juriste à la MACSF (lire encadré ci-contre).

Juridiquement des espaces publics

« En école de cadres, il y a même des personnes qui m’expliquent avoir l’intention de créer une page Facebook pour communiquer au sein de leur service sous prétexte que ce serait plus facile pour échanger avec les agents travaillant la nuit. Pour moi, c’est vraiment contre indiqué car si la page n’est pas bien verrouillée cela peut être dangereux. J’ai déjà rencontré le cas du conjoint violent d’une infirmière qui avait eu accès à son planning via Facebook… Les gens ne se rendent pas compte des conséquences… » Et, que dire des infirmières qui font leurs transmissions sur Facebook ? Si, si, cela existe ! Les réseaux sociaux ne sont pourtant pas des lieux où la sécurité et la confidentialité des données sont respectées. Et, comme le rappelle Germain Decroix, « la communication via les réseaux sociaux est considérée comme publique sur le plan juridique ». C’est toute la différence avec les mails, considérés comme privés puisque l’expéditeur est censé maîtriser les destinataires. De même, la mention « ces propos n’engagent que moi » ne doit pas exonérer leurs auteurs de dénigrer leur administration ou leurs collègues. Prudence donc !

1- Guide de bonnes pratiques des réseaux sociaux, Fondation MACSF. À commander sur le site : www.macsf.fr (suivre petitlien) http://petitlien.fr/7c3t

RÈGLES PROFESSIONNELLES

Quelques piqûres de rappel

Les agents de la fonction publique hospitalière sont soumis à des règles propres, comme le devoir de réserve et la discrétion professionnelle.

Critiquer ou dénigrer son administration peut constituer une faute professionnelle pouvant conduire à des sanctions disciplinaires voire à un licenciement. Il est également interdit de donner des éléments confidentiels relatifs au fonctionnement interne de l’hôpital ou susceptibles de lui nuire.

Concernant le respect du secret professionnel, il est important de ne pas dévoiler l’identité des patients. Bien entendu, il ne faut pas préciser leurs noms, mais cela ne suffit pas toujours, il est donc préférable d’en dire le moins possible (profession, commune de résidence, etc.). Un patient qui se reconnaîtrait pourrait porter plainte pour violation du secret professionnel. L’article 226-13 du Code pénal prévoit une peine de 1 an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende. Attention aussi aux images prises à l’hôpital : pour respecter le droit à l’image, on doit en principe demander l’accord des personnes avant de les photographier et/ou de les filmer. Une règle qui vaut aussi pour les patients qui photographient les professionnels !