De plus en plus d’hôpitaux font le choix des réseaux sociaux. De nouveaux modes de comunication qui les incitent à repenser les relations avec le public. Du simple recrutement aux notions plus complexes de confidentialité et d’e-réputation, la question se pose : faut-il y être ou pas ? et surtout, pour quoi faire ?
Il y a ceux qui n’ont qu’une page Facebook. Et ceux qui ont décidé d’être présents sur l’ensemble du paysage 2.0, avec un compte Twitter, une chaîne YouTube, un profil Viadeo, un autre sur LinkedIn… « On observe une vraie diversité en termes de stratégies sur les médias sociaux, analyse Fabrice Vezin, consultant et auteur du blog Le monde de la e-santé. D’après une étude
Avec plus de 3 000 mentions « J’aime » sur Facebook, le groupe hospitalier Necker-Enfants malades (AP-HP) fait figure de leader en France. « Nous avons créé notre page Facebook en 2011, dans le cadre d’une campagne de recrutement destinée aux infirmières. Nous souhaitions attirer de nouveaux professionnels avec l’ouverture de notre pôle Mère-enfant », explique Loubna Slamti, directrice-adjointe du service communication. Necker crée ainsi un forum de recrutement et produit une vidéo pour illustrer le métier d’infirmière au sein de son établissement. Bilan : plus de 20 000 vues sur YouTube et l’obtention du Prix 2012 de la communication hospitalière, décerné par la Fédération hospitalière de France (FHF). Depuis, d’autres vidéos – dont une, destinée à recruter des médecins-anesthésistes – ont été postées sur sa chaîne YouTube qui enregistre au total plus de 200 000 vues.
Utiliser les réseaux sociaux à des fins de recrutement est aussi l’un des objectifs du CHU de Rouen (2 100 fans sur Facebook). L’établissement a créé une websérie qui suit le quotidien de cinq étudiants en soins infirmiers tout au long de leur cursus. Autre exemple : l’opération « Speed jobing » qui permet de mieux cibler les recrutements des 350 jobs d’été qu’il propose. « C’est une opération que nous avons organisée avec la direction des ressources humaines et la direction des soins. Grâce à Facebook, nous pouvons répondre rapidement aux questions que se posent les étudiants », souligne Floriane Marchand, chargée de communication au CHU de Rouen. Le CHU d’Angers (1 700 fans sur Facebook, 1 172 abonnés sur Twitter) a, quant à lui, investi Viadeo et LinkedIn pour constituer une communauté autour des soignants : « Au vu de la démographie médicale, nous savons qu’un nombre important de professionnels de santé partira à la retraite. La nouvelle génération est habituée à ces modes de communication, avec l’instantanéité propre aux réseaux sociaux. Pour être en adéquation avec les futurs professionnels, il nous a paru nécessaire de nous approprier ces outils, indique Anita Rénier, directrice de la communication. Se positionner comme un établissement expert et innovant, cela passe aussi par ces outils modernes. »
En plus des professionnels, c’est avant tout au grand public que les hôpitaux souhaitent s’adresser sur le Web 2.0. Annonce d’événements à venir, quiz pour mieux connaître l’établissement, vidéos qui permettent de se balader dans les coulisses des différents services, partage de reportages issus de la presse écrite ou de la télévision, production et diffusion de leur propre journal télévisé ou de leur propre émission consacrée à la santé comme celle de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), dont la chaîne YouTube totalise déjà plus d’un million de vues… En jouant sur la proximité avec les patients, les hôpitaux présents sur les réseaux cherchent à améliorer leur visibilité et leur notoriété. « Il y a un aspect marketing là-dedans, estime Fabrice Vezin. On met en avant la qualité des soins, le bien-être des patients… C’est d’autant plus vrai pour les maternités. »
Une chose est certaine : les réseaux permettent aux hôpitaux de mieux maîtriser leur communication. Plus besoin de passer par la presse « traditionnelle » pour relayer une information. Et au final, c’est l’internaute qui dit s’il aime ou pas telle ou telle information. Avec le risque aussi qu’il écrive des commentaires négatifs, voire même, contribue à créer un bad buzz. « On entend beaucoup cette crainte de la part des personnes qui méconnaissent les réseaux sociaux, juge Anita Rénier du CHU d’Angers. Mais ce n’est pas parce que vous n’avez pas de compte Facebook ou Twitter que vous êtes à l’abri d’un bad buzz car nul n’est absent du Net. Autant maîtriser l’outil pour pouvoir le contrer. »
Il semblerait d’ailleurs que les commentaires négatifs soient plutôt rares et ne pèsent pas lourd à côté des messages de remerciement adressés aux équipes soignantes. « Nous avons eu deux messages négatifs en un an. Sur l’ensemble des messages, c’est anecdotique », indique Lucie Philippe, webmaster en charge des réseaux sociaux au CHU d’Angers. « Nous avons adopté une politique de transparence : nous ne supprimons aucun message sur Facebook et quand il y a une critique, nous y répondons toujours en messagerie privée. Nous invitons le patient à se rapprocher de la direction des usagers à qui nous transmettons les messages de mécontentement », poursuit sa collègue, Nolwenn Guillou.
Reste qu’animer une communauté, a fortiori lorsque l’on est présent sur plusieurs réseaux sociaux avec, à chaque fois, des cibles différentes (orientés patients sur Facebook, journalistes et institutionnels sur Twitter…), demande des moyens importants et un personnel suffisant au sein du service communication. « Depuis ma prise de poste, il y a deux ans, je me suis attelée à la refonte du site internet mais je ne suis pas encore sur les réseaux sociaux. Si on s’y met, il ne suffit pas de se contenter de créer une page, il faut la faire vivre », confie Véronique Dariet-Deramaux, directrice de la communication du centre hospitalier de Pontoise. Pour son homologue, Frédérique Albertoni du CHU de Bordeaux, avec qui elle a travaillé à la création d’un livret sur les bonnes pratiques des réseaux sociaux à destination des professionnels de santé (lire notre article, p. 22), « il ne s’agit pas d’être sur les réseaux sociaux pour y être. La visibilité est importante mais pas n’importe comment ».
Quand on regarde de l’autre côté de l’Atlantique, on voit bien l’écart qui sépare la France des États-Unis en la matière. En 2012, l’hôpital Memorial Hermann de Houston, au Texas, a « live-tweeté » une opération à cœur ouvert, puis une ablation d’une tumeur au cerveau. Plusieurs réseaux sociaux avaient été utilisés : un compte Twitter animé par un spécialiste commentant l’opération minute par minute et répondant aux questions, Pinterest pour les photos, Storify pour le best-of de l’acte chirurgical de l’année et YouTube pour les vidéos enregistrées directement via le microscope opératoire du praticien.
Que penser de cette initiative qui va au bout de la logique du partage de l’information et de la relation avec les patients ? Un moyen de désacraliser les opérations chirurgicales auprès des patients et d’apporter plus de transparence sur ce qui se passe au sein d’un hôpital ? Ou une tendance malsaine au voyeurisme ?
1- Étude réalisée par Lau Ma communication en janvier 2013 : http://www.nolauma.com/chu-chr-et-reseaux-sociaux (suivre http://petitlien.fr/7c4n)
→ Pour encourager les jeunes à donner leur sang, l’Établissement français du sang (EFS) a lancé, l’été dernier, une application Facebook dédiée. « Je donne, nous donnons » incite les donneurs à venir accompagnés de leurs amis en combinant le don de sang avec une sortie ciné, resto ou culturelle. « Nous avons mené en 2012 une enquête auprès des étudiants pour connaître les freins au don, explique Françoise Le Failler, directrice de la communication à l’EFS. L’envie de ne pas y aller seul ressortait. D’où l’idée de cette application. » À la mi-avril, 370 événements avaient été enregistrés.
De plus en plus, les actions de prévention cherchent à utiliser la viralité des réseaux sociaux pour faire passer leur message. À l’image de la campagne « La minute blonde pour l’alerte jaune » de l’Association Maladies Foie Enfants (AMFE) qui a fait le buzz au printemps dernier. On y voit l’actrice Frédérique Bel expliquer l’importance de surveiller la couleur des selles du nourrisson pour dépister les cholestases néonatales. Le message est accrocheur, percutant, drôle. En un mot, efficace.
Les réseaux sociaux offrent aussi de belles perspectives en terme de surveillance sanitaire. Les tweets et les statuts Facebook évoquant fièvre, mouchoirs et autres joies des maladies hivernales se révèlent de précieux indicateurs pour les épidémiologistes qui surveillent les maladies infectieuses et, plus spécialement, la grippe.
→ Le CHU d’Angers organise le 11 décembre 2014 les « Hospilike conférences », premières rencontres des réseaux sociaux hospitaliers (la e-réputation, la gestion du « bad buzz », comment faire vivre et animer sa communauté en ligne…).
→ Guide de bonnes pratiques des réseaux sociaux, brochure éditée par la MACSF avec la contribution du CHU de Bordeaux et du CH de Pontoise. Voir la direction de la communication ou la direction générale de votre établissement pour l’obtenir.
→ Déontologie médicale sur le Web : le Livre blanc du Conseil national de l’Ordre des médecins, décembre 2011.
→ Site du Conseil national du numérique qui a pour mission de formuler, de manière indépendante, des avis et des recommandations sur toutes les questions touchant au numérique.
→ Le blog de Fabrice Vezin, consultant membre du club Digital Santé dédié à l’apport des nouvelles technologies sur le secteur de la santé.