Un rapport de la Cour des comptes, rendu public en juin, épingle les insuffisances de l’État français dans la gestion de la santé et de la prévention dans les territoires d’outre-mer. Alors que les budgets sont conséquents, les indicateurs sont au plus bas.
Une mortalité infantile qui augmente, des pathologies chroniques en progression constante, des maladies infectieuses que l’on peine à maîtriser (tuberculose, VIH, hépatites, etc.)… La santé dans les 5 départements et 6 collectivités d’outre-mer français n’est pas au beau fixe. Certes, de nombreuses nuances sont à apporter. Ainsi, la Martinique présente une espérance de vie à la naissance
Si ces résultats sont en partie imputables aux spécificités des territoires – forte précarité, immigration clandestine, présence d’infections à transmission vectorielle (dengue, chikungunya, zika…) –, le rapport de la Cour des comptes pointe la responsabilité de l’État en termes de collecte des données, de coordination et d’action. Le ministère de la Santé « est loin d’avoir tiré toutes les conséquences et tous les bénéfices des transferts de compétences aux collectivités du Pacifique [Polynésie et Nouvelle-Calédonie, NDLR] et de la création des Agences régionales de santé [dans les DOM, NDLR] ». Et de pointer l’absence de référent ultramarin dans toutes les agences et administrations centrales pilotant la politique de santé et le nécessaire redéploiement des moyens budgétaires (conséquents) alloués aux DOM. « Seul un programme pluriannuel solidement construit, reposant sur une stratégie d’action publique profondément renouvelée, tirant les conséquences des évolutions institutionnelles, tenant compte de l’extrême diversité des situations sanitaires, territoire par territoire, et remédiant aux profondes insuffisances et inégalités observées au cours des dernières décennies, permettra de répondre à l’enjeu que constitue, outre-mer, l’égalité des droits à la santé dans la République », affirment les Sages.
Outre un changement de stratégie, centrée sur des objectifs « réalistes », assortis « d’indicateurs de moyens et de résultats indispensables et accompagné d’un dispositif de pilotage et d’évaluation rigoureusement organisé », le document recommande le développement rapide de protocoles de coopération entre professionnels de santé, notamment ceux impliquant des infirmières, ou encore, la délégation de la vaccination des enfants aux IDE et puéricultrices en PMI. Le rapport préconise également le recentrage de l’hôpital sur les pathologies les plus lourdes, « en développant les prises en charge médicales et médico-sociales alternatives à l’hospitalisation, en renforçant la permanence des soins de ville et en améliorant le pilotage des urgences hospitalières ».
Des initiatives sont déjà engagées dans la plupart des DOM, même si le dialogue interprofessionnel et intersectoriel n’est pas toujours aisé. « Nous récupérons trop souvent des patients qui nous appellent le samedi après-midi, en sortie d’hospitalisation, avec une simple ordonnance et avec lesquels nous devons prendre la suite en premiers recours », regrette Alain Duval, Idel à La Montagne et président du Sniil
Le rapport critique les insuffisances de gestion de certains hôpitaux. L’Ondam
Localement, les investigations de la Cour des comptes soulignent une gestion des ressources humaines déficiente. Dans un CHU non localisé est ainsi rapportée une DRH « largement désorganisée, dépourvue de cadres comme d’outils de suivi du temps de travail et d’ajustement de la paie en cas d’absence injustifiée. »
Le même établissement serait aussi soumis à des « mouvements sociaux aboutissant, de manière habituelle mais irrégulière, à des titularisations rétroactives, sans concours ni mise en stage, parfois même sans vérification de diplôme… »
Autre exemple, le CH de Cayenne est montré du doigt pour les heures supplémentaires des paramédicaux, représentant 20 équivalents temps plein (ETP), les astreintes approchant les 5 ETP et les indemnités particulières de sujétion et d’installation représentant plus de 1,1 million d’euros annuel. « Ces derniers surcoûts concernent surtout le personnel médical, remarque Dominique Delpech, directeur de l’établissement. Nous n’avons pas de difficultés à recruter du personnel paramédical mais plutôt du mal à le fidéliser. Ce qui peut entraver la mise en place de procédures de qualité-sécurité pérennes. »
Car la qualité des soins n’est pas non plus épargnée par la critique. Même si la plupart des hôpitaux sont dûment certifiés par la Haute Autorité de santé, celle-ci n’hésite pas à émettre des réserves, parfois majeures. Sur 35 établissements situés dans les DOM, seuls 9 sont bien classés pour ce qui concerne la tenue du dossier patient et autant pour la traçabilité de la prise en charge de la douleur. « Ces réserves sont valables pour notre établissement, reconnaît Danielle Cadet, directrice des soins au CHU de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe). Dans le projet de soin que nous venons de boucler, la traçabilité de la prise en charge de la douleur est prioritaire pour l’année 2014 et le déploiement du dossier informatisé, que nous venons d’engager, permettra de contribuer à l’amélioration de ce point et à la tenue du dossier patient. »
1- En 2010, un indice 0 équivalait à une espérance de vie de 20 ans et un indice 1 à une espérance de vie de 83,2 ans.
2- Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux.
3- Objectif national des dépenses d’assurance maladie.
Département d’outre-mer depuis 2011, l’île de Mayotte, dans l’océan Indien, est en proie à une pression démographique considérable, liée à l’immigration irrégulière, face à laquelle se débat un système de santé sous-calibré. Le centre hospitalier compte 324 lits et 47 places (contre 500 annoncés par le ministère de la Santé en 2010), pour une population totale d’environ 212 000 habitants. Les médecins sont au nombre de 88 (en quasi-totalité à l’hôpital) pour 100 000 habitants. Une trentaine exercent en libéral et 10 des 17 communes n’ont pas de généraliste. L’essentiel des soins est assuré dans les 17 dispensaires du centre hospitalier et par les associations caritatives. Mais le tiers des dépenses annuelles de l’hôpital (140 millions d’euros) est absorbé par la prise en charge des personnes insolvables, alors que l’aide de l’État aux soins des personnes étrangères est interrompue depuis 2013.