LA SEINE-SAINT-DENIS EN PANNE DE DÉPISTAGE - L'Infirmière Magazine n° 351 du 15/09/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 351 du 15/09/2014

 

SANTÉ PUBLIQUE

ACTUALITÉ

VÉRONIQUE HUNSINGER  

Face à la disparition de financements de l’Assurance maladie, le département craint de devoir supprimer des actions de dépistage et de prévention, alors que les indicateurs de santé se dégradent.

Le président du conseil général de Seine-Saint-Denis en personne, le socialiste Denis Troussel, avait donné de la voix en mai dernier pour s’inquiéter de la perte d’une importante source de financements des actions de dépistage et de prévention de son département. Ce cri d’alarme, faute d’avoir été entendu, est aujourd’hui relayé par les acteurs du terrain, qui s’inquiètent de ne pas pouvoir accomplir leurs missions.

Dans ce département où, selon l’élu, « le taux d’incidence de la tuberculose est le plus élevé de France et tous les indicateurs de santé se dégradent », l’Assurance maladie versait, jusqu’à l’année dernière, une subvention pour financer des actions de santé, en particulier le dépistage de la tuberculose ou les campagnes de vaccination. Le problème de cette dotation est qu’elle n’avait plus de base juridique et qu’elle avait été prolongée à titre exceptionnel pour la Seine-Saint-Denis. Aujourd’hui, la source de financement s’est définitivement tarie, sans qu’aucune autre ne soit venue la remplacer.

Patients fragilisés

« La subvention de l’Assurance maladie représentait entre 1,4 et 1,6 million d’euros selon les années et notre niveau d’activités, soit la moitié, environ, des dépenses de fonctionnement de notre service, explique le Dr Christophe Debeugny, chef du service de la prévention et des actions sanitaires du conseil général. Elle s’ajoutait à la subvention de l’État dans le cadre des actions de santé recentralisées, qui est une recette fixe. » Ces dernières ont notamment pour objets les campagnes de vaccination ou les dépistages des cancers colorectal et du sein. Logiquement, le président du conseil général a demandé au ministère de la Santé que les subventions de l’État soient augmentées de façon à compenser la perte de celle de l’Assurance maladie. « Marisol Touraine doit rapidement assurer au conseil général, et plus encore aux habitants de la Seine-Saint-Denis, que les politiques de santé publique ne seront pas sacrifiées sur l’autel de la rigueur », a-t-il déclaré.

En effet, par-delà les questions de tuyauterie de financements, les acteurs de terrain s’inquiètent pour la pérennité de leurs actions et de leurs partenariats. C’est notamment le cas au Centre d’accueil, de soins et d’orientation (Caso) de Médecins du Monde de Saint-Denis, qui a noué un partenariat avec le conseil général pour mener des actions de dépistage de la tuberculose. Ce type d’actions pourrait faire les frais d’un budget amputé. « Nous faisons ici ce que d’autres pourraient faire ; ce n’est pas un problème de compétences mais de ressources, explique Aude de Calan, cadre infirmier de formation, chargée de mission tuberculose au conseil général. L’idée est d’aller vers les publics qui sont les plus fragilisés et qui pourraient développer des cas de tuberculose. Le risque, si on arrête ce type d’action, est que les patients recourent aux soins hospitaliers beaucoup plus tard et contaminent d’autres personnes. »

Partenariat vital

Pour Médecins du monde, le partenariat avec le conseil général est vital pour poursuivre ses missions dans le domaine de la prévention. « Il y a plein de mailles au filet de notre partenariat, souligne Jeanine Rochefort, déléguée régionale Île-de-France de l’ONG. Ici, nous faisons le dépistage de la tuberculose ainsi que du Sida, des hépatites et des infections sexuellement transmissibles. Dans le même temps, nous pouvons orienter les patients vers les centres de vaccination du conseil général. On ne peut pas tout faire tout seul. » Ce partenariat, en place depuis 2010, semble satisfaire pleinement les deux parties. « Nous mettons à disposition le camion de dépistage de la tuberculose et Médecins du monde a l’expertise de l’accueil des personnes en situation de précarité, insiste Christophe Debeugny. Nous voudrions pouvoir encore élargir cette offre de service. » La balle est aujourd’hui dans le camp du ministère de la Santé.