Un régime complexe - L'Infirmière Magazine n° 351 du 15/09/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 351 du 15/09/2014

 

FONCTION PUBLIQUE

DOSSIER

MARIE ALÈS  

Les réformes successives de la retraite concernent aussi les salariés de la fonction publique hospitalière. L’âge limite a ainsi reculé selon les catégories A et B. Une retraite additionnelle a également été mise en place. Certaines mesures sont peu connues. Le point pour préparer au mieux sa retraite.

Des infirmières, dans un même service, qui font un travail semblable, ne vont pourtant pas bénéficier des mêmes conditions de départ à la retraite », indique Thierry Amouroux, secrétaire général du SNPI (Syndicat national des professionnels infirmiers). La raison ? La réforme des retraites de 2010 et le droit d’option entre les catégories A et B en 2011. La réforme de 2010 et la loi de financement de la Sécurité sociale de décembre 2011 ont en effet modifié l’âge de la retraite et certaines conditions de départ. Et selon que l’on appartienne à la catégorie B (agents « actifs ») ou à la catégorie A (agents « sédentaires »), les effets sont différents.

Partir à 57 ou 62 ans

Concrètement, les infirmières de la catégorie B (dite active) peuvent désormais prendre leur retraite entre 55 et 57 ans selon leur année de naissance. Une infirmière née en 1958 pourra partir à la retraite à 56 ans et 2 mois, une personne née en 1960 devra en revanche attendre ses 57 ans pour l’ouverture de ses droits (voir tableau 1). Pour les personnels de la catégorie A, l’âge est plus élevé : entre 60 et 62 ans. Pour reprendre nos exemples, les infirmières nées en 1958 ou en 1960 ne pourront partir qu’à 62 ans. La retraite à 60 ans ne concerne plus que les personnes nées avant le 1er juillet 1951 (voir tableau 2). À noter d’ailleurs que tous ceux qui ont intégré la fonction publique hospitalière depuis 2012, font partie de la catégorie A, quel que soit leur âge ou année d’obtention de leur diplôme.

Le traitement des 6 derniers mois

L’âge de départ à la retraite n’est pas la seule différence entre les deux catégories. Les agents « actifs » (catégorie B) bénéficient de la bonification (sous forme de trimestres validés) d’un an tous les dix ans travaillés, de façon proportionnelle. En clair, 40 ans de carrière permet de disposer de 4 ans de bonification, 35 ans de 3 ans et demi, 30 ans de 3 ans, etc. Un avantage que n’ont pas les agents « sédentaires ». « En fait, opter pour la catégorie B revenait à choisir de partir plus tôt avec une bonification et un salaire qui n’évoluerait plus. Opter pour la catégorie A signifiait partir après 60 ans, sans bonification, mais avec un salaire évoluant en différentes étapes : en 2010, en juillet 2012 et, normalement, en juillet 2015, pour ceux qui seront toujours en activité, détaille Thierry Amouroux. Si les salaires sont moindres en catégorie B, le fossé va se creuser à partir de 2015 avec ceux de la catégorie A. » D’après le syndicaliste, 51 % des infirmières auraient ainsi choisi la catégorie B et 49 % la catégorie A. « Le droit d’option entre les deux catégories en 2011 a été “générationnel” en fonction de l’âge des personnels. »

Salaire

Le salaire est effectivement important pour le calcul de la retraite. La base de calcul de la pension est le traitement correspondant à l’indice, au grade et à l’échelon détenus au moins pendant les six derniers mois d’activité. La pension qui sera perçue sera égale, pour une carrière complète, à 75 % du traitement perçu lors des six derniers mois avant le départ à la retraite. Il s’agit du taux plein, pour lequel il faut avoir cotisé la durée légale. Or, celle-ci évolue chaque année depuis 2008. Pour les personnes nées en 1954, il faut avoir cotisé 165 trimestres pour bénéficier du taux plein. Nés entre 1955 et 1957, la durée d’assurance est de 166 trimestres. Entre 1958 et 1960, elle s’élève à 167 trimestres. Pour résumer, la durée de cotisation augmente d’un trimestre tous les trois ans. Pour les personnes nées à partir de 1973, elle atteindra 172 trimestres (voir tableau 3).

Bonification

La bonification (trimestres gagnés) des agents de la catégorie B est évidemment incluse dans la durée totale d’assurance. Les mères, quelle que soit la catégorie, ont également droit à des avantages familiaux :

– une bonification de 4 trimestres pour enfant né, adopté ou pris en charge avant le 1er janvier 2004 à condition d’avoir interrompu son activité durant 2 mois (cela vaut aussi pour les pères) ;

– une majoration de la durée d’assurance de 2 trimestres par enfant pour les femmes qui, après leur recrutement dans la fonction publique hospitalière, ont accouché à compter du 1er janvier 2004 ;

– une majoration de 4 trimestres pour le fonctionnaire qui a élevé un enfant handicapé.

Enfin, les années d’études rachetées sont également intégrées au calcul du nombre de trimestres.

Décote

Si la durée d’assurance requise n’est pas atteinte, une décote va être appliquée de façon définitive. Cette décote sera égale à 1,25 % par trimestre manquant à compter de 2015 (1,125 % en 2014). Une infirmière de la catégorie A, qui aura 61 ans et 7 mois en 2015 et aura cotisé 160 trimestres (alors qu’il lui faudrait 165 trimestres pour prétendre à une retraite à un taux plein), mais qui souhaite partir à la retraite cette année-là, verra sa pension minorée de 1,25 % par trimestre manquant, soit 6 fois 1,25 %, c’est-à-dire de 7,5 %. Le principe est le même pour les agents de la catégorie B mais ne s’applique pas avec les mêmes dates de naissance (voir tableau 1).

Cependant, cette décote peut être annulée lorsque le salarié atteint l’âge d’annulation de la décote, soit 5 ans environ après l’âge légal de départ à la retraite. Une infirmière de la catégorie A qui atteindra l’âge de 65 ans et 4 mois en 2015, pourra prendre sa retraite en 2015 sans décote, car c’est l’âge d’annulation de la décote, même si elle n’a pas cotisé 165 trimestres.

« Attention ! Si la décote est annulée et que sa pension est désormais à taux plein, le calcul sera réalisé sur la base du nombre réel de trimestres cotisés, prévient Pascale Gauthier, associée de Novely Retraites, un cabinet de conseils à Paris. Cela signifie qu’elle percevra 75 % de son dernier traitement mais appliqués à 160 trimestres. » Le montant sera donc plus faible que si l’on applique la formule de calcul(1) avec les 165 trimestres. Selon les chiffres communiqués par la CNRACL (Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales), en 2012, 3 780 infirmiers sont partis à la retraite dont 15,5 % ont eu une décote. En 2013, 4 228 infirmiers sont partis à la retraite dont 16,27 % ont eu une décote.

Surcote

A contrario, une surcote s’applique si la durée de cotisation est supérieure à la durée légale. Pour autant, il faut remplir 3 conditions : continuer à travailler et à cotiser après 62 ans (hors dispositions transitoires) que l’on relève de la catégorie active ou sédentaire ; effectuer des services après le 1er janvier 2004 et avoir une durée d’assurance supérieure au nombre de trimestres nécessaires pour obtenir sa pension à taux plein. Le taux de majoration est de 1,25 %. Dans ce cas, seuls les trimestres cotisés au-delà de l’âge légal sont comptabilisés pour la surcote. Concrètement, pour un agent qui avait déjà 167 trimestres à 62 ans (au lieu de 165) et qui demande sa retraite à 63 ans, seuls les 4 trimestres cotisés après ses 62 ans sont pris en compte. « Avoir des trimestres supplémentaires avant l’âge d’ouverture des droits ne sert en fait à rien, il n’y a aucune majoration de la pension », résume Valérie Batigne, fondatrice et associée de VB Expertise, à Paris.

La pension est aussi majorée, si l’infirmière a 3 enfants et plus (légitimes ou adoptés). Cette majoration est de 10 % du montant brut de la pension pour 3 enfants et de 5 % par enfant supplémentaire à partir de 4 enfants.

Minimum garanti

Un autre élément est à prendre en compte : le minimum garanti. Lors de la liquidation des droits, la caisse de retraite effectue deux calculs : le premier concerne la pension de retraite perçue selon la formule de calcul(1), le deuxième concerne le minimum garanti. Ce minimum garanti est fonction de deux critères : du traitement brut indiciaire majoré 277 (997,96 € par mois) et du nombre d’années de service. Si la pension est inférieure à ce montant, c’est le minimum garanti qui sera versé au retraité.

Retraite additionnelle sur les primes

Le dispositif décrit est celui de la retraite de base, géré par la CNRACL dont dépendent les hospitaliers. Il ne concerne que le traitement indiciaire hors primes. Or, les primes représentent une part non négligeable des revenus des infirmières.

La retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) a été créée lors de la réforme des retraites de 2003. Ce régime, obligatoire, est opérationnel depuis 2005. Il compte plus de 4,5 millions de cotisants, dont 20 % de fonctionnaires hospitaliers. Les premières prestations RAFP pour les fonctionnaires de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ont été versées en avril 2006 (en juin 2006 pour la fonction publique d’état). Au 31 décembre 2013, plus de 870 000 liquidations de droits ont été traitées (capitaux et rentes), 17 808 rentes sont versées (13 960 concernent des agents de la FPE, 3 848 concernent des agents de la FPT et FPH).

Cotisations

Les cotisations portent sur des primes et indemnités bien précises comme le supplément familial, l’indemnité de résidence, les primes et indemnités perçues en raison des fonctions exercées, les heures supplémentaires effectuées en fonction de la qualification… Les avantages en nature (hors les frais) comme les chèques-déjeuner sont aussi pris en compte selon leur valeur fiscale déclarée s’ils sont directement versés par l’employeur. La NBI (nouvelle bonification indiciaire) entre aussi dans l’assiette de cotisation. Cependant, tous ces éléments de rémunération sont comptabilisé dans la limite de 20 % du montant du traitement indiciaire brut annuel.

Points retraites

Ces cotisations sont converties en points de retraite, cumulés durant la carrière. La valeur d’achat du point (au moment où on l’acquiert) et la valeur de liquidation du point (au moment où l’on part à la retraite) sont revalorisées chaque année. Par exemple, en 2014, la valeur d’achat s’élève à 1,09585 € et la valeur de liquidation à 0,04465 €. « Pour l’instant, la retraite additionnelle représente très peu en termes de pension de retraite pour ceux qui cessent leur activité maintenant ou vont partir à la retraite dans les prochaines années », remarque Valérie Batigne.

L’information sur la retraite

Le dispositif est complexe. D’où l’intérêt du droit à l’information sur la retraite qui consiste à adresser aux actifs cotisants un relevé de leur situation et, à partir de 55 ans, une estimation indicative globale (EIG) adressée par la CNRACL. Cette année, les personnels nés en 1954, 1958 et 1959 ont reçu – ou vont recevoir – une EIG. Ce document est une synthèse des droits à la retraite connus au 31 décembre de l’année précédente, avec le nombre de trimestres pour la retraite de base (durée d’assurance totale), le nombre de points pour la retraite complémentaire, un feuillet pour chaque organisme de retraite auquel l’agent a cotisé, une estimation du montant de la pension à différents âges de départ à la retraite. Cette estimation est ensuite envoyée tous les 5 ans jusqu’au départ à la retraite.

À noter que ce document permet à l’assuré de vérifier l’exactitude du relevé et de demander une rectification s’il note une erreur. La CNRACL offre aussi un relevé de situation individuelle en ligne pour faire le point tout au long de sa carrière. Des outils à ne pas négliger pour ne pas se retrouver à tout vérifier quelques mois avant son départ à la retraite !

(1) La formule de calcul : montant de la pension = nombre de trimestres effectués (plus les bonifications) x (75 % ÷ nombre de trimestres nécessaires pour une pension à taux plein) x traitement indiciaire brut.

COMBIEN ?

Le montant moyen brut de la retraite des infirmiers, au moment du départ, est de 1 617 euros pour les nouveaux retraités de 2012 et de 1 630 euros pour les nouveaux retraités de 2013 (source : CNRACL)

COMPTE ÉPARGNE TEMPS

Des jours convertibles en points

Depuis fin 2012, les fonctionnaires hospitaliers peuvent convertir leurs jours de compte épargne temps (CET) en points de retraite, dans le cadre de la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP). La valeur d’une journée CET est fixée par l’arrêté du 6 décembre 2012 en fonction des catégories (A : 125 € ; B : 80 €). Le montant correspondant à la valeur d’une journée, sans abondement supplémentaire de la part de l’employeur et après déduction des cotisations sociales, peut être versé et déclaré à la RAFP pour être converti en points. Les cotisations correspondant aux jours CET ne sont pas soumises au plafond de 20 % du traitement indiciaire brut. En 2013, une journée de CET équivalait à 111 points pour les agents de catégorie A et 71 points pour ceux de catégorie B.

GLOSSAIRE

→ CNRACL : Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Cette Caisse est celle des fonctionnaires hospitaliers pour le régime de base obligatoire.

→ Cotisation : part du traitement indiciaire ou des indemnités et primes prélevée pour la retraite (voir tableau cotisations de la CNRACL).

→ Décote : minoration du montant de la pension de la retraite si l’assuré n’a pas cotisé le nombre nécessaire de trimestres au moment de son départ à la retraite.

→ Durée d’assurance : période durant laquelle l’agent a cotisé pour la retraite, tout régime confondu. Cette durée est calculée en nombre de trimestres.

→ RAFP : Retraite additionnelle de la fonction publique. Créé en 2003, ce régime en points est obligatoire et concerne les primes et indemnités.

→ Surcote : majoration du montant de la pension de retraite lorsque l’assuré a cotisé au-delà de l’âge légal de départ à la retraite et au-delà du nombre nécessaire de trimestres.

→ Trimestre : période de 90 jours de travail effectif prise en compte pour calculer si la retraite sera complète.

SITES INTERNET

→  CNRACL : www.cdc.retraites.fr/portail

→  RAFP : www.rafp.fr

→ Service public : vosdroits.service-public.fr/particuliers

→ GIP Info-retraite : www.info-retraite.fr

→ Assurance retraite de la sécurité sociale : www.lassuranceretraite.fr/cs/Satellite/PUBPrincipale

→ IRCANTEC (Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques) : www.cdc.retraites.fr/portail/spip.php?page=rubrique&id_rubrique=256

→ Caisse de retraite des auxiliaires médicaux libéraux dont les infirmières : www.carpimko2.com

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